Que les belgicains s'en aillent!

Tous les pays privés de légende sont condamnés à mourir de froid.

Chronique de José Fontaine

Les belgicains sont appelés de cette façon par les militants wallons qui savent que malgré toutes les concessions qu’ils ont faites aux autonomistes wallons (et flamands), ils ne sont wallons que contraints et forcés ou par défaut. Un incident récent illustre leur impéritie.
Le nationaliste flamand Bart De Wever avait été chargé (via la roi qui de toute façon ne peut que suivre les avis que les partis lui donnent), de rédiger, à ce stade des négociations pour la formation du gouvernement fédéral belge, une note faisant une synthèse de tout ce qui avait été négocié depuis le 13 juin.
Cette note devait être remise dans l’après-midi de dimanche passé et il fallait que les autres partis qui négocient la formation du gouvernement donnent leur avis sur cette note.
Or les partis wallons et bruxellois rejetèrent la note dès le dimanche soir. Le lundi, le président du PS donnait même une conférence de presse très négative sur la proposition de Bart De Wever. Il y voyait une attaque en règle de la Belgique dans la mesure où les entités fédérées étaient invitées à devenir plus autonomes en matière de perception des impôts et de la direction des politiques à mener en conséquence. Ce qui risque, effectivement , de désavantager les Wallons dont les revenus fiscaux sont moins élevés (mais il faut savoir aussi que la Wallonie est le premier pays client de la Flandre plus prospère qu’elle : il est rare que les belgicains mettent en avant cet atout wallon ou d’ailleurs n’importe lequel des atouts wallons).
Or, le mardi matin à la radio flamande, le Wallon Paul Magnette - un homme important au PS sinon même l’alter ego de l’actuel président socialiste - émettait l’idée inverse puisqu’il considérait que cette note était acceptable à 90% !
Tout cela a fort troublé. Le roi a nommé (c’est une formule, le roi n’est plus qu’une marionnette, disons, humaine et intelligente), hier, jeudi 21 octobre, un socialiste flamand avec une très grande expérience politique pour essayer de remettre les gens autour de la table. Il s’est mis au travail ce vendredi 22 octobre.
Je me limite à cela. Le fossé se creuse de plus en plus entre Wallons et Flamands et menace l’unité belge (pas de la faute des Wallons autonomistes mais des Wallons belgicains). J’ajouterais quand même que cette façon de dire non à tout ce que les Flamands proposent commence à déranger pas mal de Wallons et de Bruxellois qui estiment que l’on ne gouverne pas un pays en disant Non. Le journal flamand De Standaard prétendait mardi que Bart De Wever, qui s’amuse à ponctuer les moments-clés de la crise de proverbes latins, en avait un autre pour illustrer ce qui vient de se passer : Ignorante portum, nullus secundus ventus. Celui qui ne sait pas vers quel port il navigue, ne peut jamais jouir d’un vent favorable.
Tel est bien le positionnement de la majeure partie des Wallons et des Bruxellois en place qui ont réussi à casser en dix ans, au sein de leurs partis, les tendances autonomistes wallonnes. Par attachement à la Belgique. Et ils n’ont évidemment plus rien à dire que Non à des Flamands qui sont, eux, largement en faveur de plus d’autonomie. Ils n’ont plus aucun but. Car le maintien de la Belgique ne peut en être un puisqu’il suppose que les Flamands y acquiescent, ce qui n’est pas le cas. Alors faire la Wallonie ? C’est peut-être encore pire : les partis wallons n’y sont nullement préparés, ayant cassé toutes les forces qui y travaillaient avec une vraie ambition. Un signe de cela c’est que l’on ne parle plus que de Flamands et de francophones alors que les Wallons représentent 80% des Belges francophones. Mais souvent quand on veut nier une réalité on commence par la défigurer en lui donnant un nom qui la nie. En politique tout commence par des mots et c’est avec des mots qu’on veut détruire la Wallonie. Ce n’est pas la Flandre qui détruit la Wallonie, mais l’ensemble en complet désarroi des dirigeants wallons incapables d’assumer ce qu’ils sont et de prendre leur peuple en charge. Pour eux, la Wallonie ne sera jamais qu’un choix par défaut. Par conséquent : qu’ils s’en aillent ! Il n’y a aucune confiance à leur faire s’agissant de la Wallonie de la même façon qu’on peut douter, s’agissant des socialistes, qu’ils aient saisi le lien entre le combat social et le combat wallon. Ils sont d'ailleurs en plein désarroi comme l'incident relaté dans cette chronique le démontre.
Oui, qu'ils s'en aillent!
Tous les pays privés de légende sont condamnés à mourir de froid.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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2 commentaires

  • José Fontaine Répondre

    31 décembre 2010

    Les Québécois nous disent souvent cela. Pourtant, ils ont décidé de miser sur le Québec non sur les Canadiens francophones. Se sont référés à un territoire et n'ont pas pris le critère de la langue. D'autre part, il y a une façon très française de considérer que tout qui parle et écrit le français appartient d'une certaine façon à la France et que celui qui le met en cause a toujours un peu quelque chose des nationalistes bretons. On ne le voit pas et on ne le sent peut-être pas au Québec, mais en Wallonie si. Clémenceau disait au roi Albert Ier qu'il avait du mal à considérer la Belgique comme un Etat et pas comme une simple province, anciennement française. Je pense que pour la Wallonie c'est pire encore. Je ne le dis pas par hostilité aux Français mais pour que l'on sache à quoi s'en tenir. Les plus lucides des Français l'admettent d'ailleurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 décembre 2010

    Je ne comprends pas pourquoi vous vous considérez wallon.Il n'y a pas d'identité humaine sans culture.Il n'y a pas de culture sans langue.Il n'y a pas de langue non identitaire.