Quand on ne veut pas payer nos diplômés…

Les diplômes des Québécois ne valent pas cher

Tribune libre 2008


La Presse a publié ces jours-ci une série d’articles sur [la valeur des
programmes et des diplômes des universités québécoises->rub377]. Beaucoup
d’opinions, dans ces articles, somme toute assez peu étayés du point de vue
des faits. Le genre d’articles qui peut faire beaucoup de tort et qui ne
propose rien de constructif. Son effet le plus marquant : contribuer
activement à l’auto-flagellation coutumière du Québécois en le discréditant
un peu plus, comme si c’était nécessaire, à ses propres yeux.
Dans la foulée du rapport Parent et de la réforme de notre système
d’éducation avec la Révolution Tranquille, l’accès aux études supérieures
s’est grandement démocratisé au Québec. Exit les collèges classiques
coûteux, accessibles surtout à l’élite économique, et bonjour les
polyvalentes, les collèges publics, tous gratuits, et les réseaux
universitaires s’étendant jusqu’en région. Bien sûr, cette démocratisation
n’a été possible qu’en rendant les programmes plus accessibles, en
particulier à toute une population issues de générations qui ne baignaient
pas vraiment pas dans la culture et la connaissance…
Désormais, l’université accueillait surtout des gens dont les parents, ni
médecins, ni avocats, ne fréquentaient pas l’opéra et n’avaient pas visité
l’Europe… La connaissance et la culture, souvent héritée en grande partie
des parents, ne faisait plus toujours partie du patrimoine de ces nouveaux
étudiants ! Moins riches à tous points de vue, ces nouvelles cohortes
devaient aussi travailler en étudiant, pour suppléer à un programmes de
prêts et bourses qui s’est appauvri au fil des demandes des nouveaux
arrivants : les frais de scolarité ont beau être nuls ou peu élevés, mais
le prix du Kraft Dinner continue, lui, de grimper!
L’université d’ici s’est adaptée, comme elle l’a fait un peu partout
ailleurs sur la planète, afin d’accommoder cette nouvelle génération. Elle
a dû affronter les mêmes écueils qu’ailleurs : omniprésence de la culture
de l’image, dépréciations des savoirs absolus, effritement des grands
discours, influence grandissante de la culture populaire et pressions
croissantes pour instrumentaliser la formation en fonction des besoins
d’une économie axée sur la production et la consommation.
Dans cette foulée, les champs d’études se sont multipliés, et les diplômes
aussi. Valent-ils moins qu’avant? Constatons tout de même que les
compétences des Québécois dans presque tous les domaines se sont décuplées
depuis cinquante ans. Même si on peut déplorer bien des faiblesses, il n’en
reste pas moins que bien peu d’étudiants sortent des cégeps sans avoir fait
connaissance avec Platon ou Aristote, et que tous ont des compétences en
communication qui auraient fait rougir la plupart de leurs ancêtres. Sur la
scène internationale, la valeur de nos diplômes est reconnue et réputée,
dans à peu près tous les domaines.
Les journalistes signant les articles de La Presse ont trouvé intéressant,
pour les besoins de la caricature sans doute, de dire que nos enseignantes
peuvent réussir un cours en faisant des maquettes en carton d’une classe de
maternelle. On peut aussi penser que l’éducation primaire et secondaire
connaîtrait moins de problème si on faisait davantage confiance à ces
diplômées qui ont aussi un solide bagage en psychologie, en pédagogie et en
gestion de classe, au lieu de remettre les décisions de cette nature entre
les mains des parents, dans un de ces élans clientélistes dont nos
gouvernements raffolent. Mais reconnaître la compétence suppose qu’ il faut
la payer! Voilà une conséquence qu’on a du mal, collectivement, à accepter.
Alors au lieu de payer les diplômés, ne vaut-il pas mieux dire, tout
simplement, que les diplômes actuels ne valent pas grand’chose, à
l’exclusion, curieux hasard, de ceux d’une élite qui possède une bonne
partie du pouvoir économique : on n’attaque pas les diplômes de médecine,
de pharmacie, ou ceux des HEC… En fait, on prend même la peine de souligner
qu’ils n’appartiennent pas à la même mouvance. Bien voyons!
Curieuse coïncidence : alors que des statistiques sont venues dernièrement
souligner que la croissance économique importante des dernières années ne
s’était pas traduite par une croissance équivalente des salaires, voilà
cette série d’articles qui vient tout d’un coup dévaluer la valeur des
diplômés Québécois. Que cherche-t-on à justifier, ou à excuser? Quand on
veut tuer son chien, ne dit-on pas qu’il a la rage?
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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