Collusion dans l'industrie de la construction

Quand le béton craque

Jean Charest demandera probablement à un de ses proches de préparer la liste des personnes qui ont le profil idéal pour tenir cette commission d’enquête

Chronique de Louis Lapointe

Moins d’un an après la réélection de Jean Charest, le béton craque déjà et le gouvernement ne souhaite surtout pas que les failles se creusent davantage. Alors que les preuves de malversation dans le monde de la construction s’accumulent dans la grande région de Montréal, le gouvernement de Jean Charest préfère demeurer quelques jours encore sur la défensive et refuse pour l’instant de déclencher une commission d'enquête publique, prétextant qu’une simple enquête policière suffirait. Probablement une manœuvre qui ne vise qu'à gagner du temps.
Pourtant, lorsque le viaduc de la Concorde s’est écroulé en septembre 2006, sous le conseil de Raymond Bachand, Jean Charest s’était alors empressé de nommer l’ancien premier ministre Pierre-Marc Johnson, un avocat relié à l’industrie du ciment, pour présider une enquête publique qui aurait pour rôle de faire toute la lumière sur les causes de l'effondrement. Conclusions de l’enquête: beaucoup d’incompétence, mais aucun responsable...
Étonnamment, cette fois-ci, ni Raymond Bachand, ni Jacques Dupuis, n'ont mis le même zèle pour suggérer au premier ministre la candidature de Pierre-Marc Johnson à la présidence d'une nouvelle commission d’enquête. Il est vrai que sa nomination n’avait pas fait l’unanimité à l’époque, certains voyant chez ce président un manque flagrant d’indépendance du fait qu’il n’était pas juge et qu’il avait jadis été administrateur d’une firme d’ingénierie liée à l'une de celles qui avaient participé au chantier de construction du viaduc de la Concorde. D'autres estimant plutôt qu'il s'agissait là d'expériences pertinentes. Cette fois-ci, Jean Charest prendra tout son temps.
Si ce n’est déjà fait, Jean Charest demandera probablement à un de ses proches de préparer la liste des personnes qui ont le profil idéal pour tenir cette commission d’enquête.
Il se trouvera bien quelques juges au Québec qui auront suffisamment d'expérience pour présider une telle commission. D'anciens avocats qui ont eu par le passé des clients œuvrant dans l’industrie de la construction, auprès de firmes d’ingénierie ou dans le monde interlope. Des avocats qui ont pu organiser des élections municipales, provinciales ou fédérales et qui connaissent le système parce que leurs cabinets les ont incités à contribuer à la caisse électorale d’un ou de plusieurs partis politiques. Il s’en trouvera peut-être même un parmi eux qui a déjà présidé une organisation locale ou nationale du PLQ, à moins que Jean Charest préfère nommer cette fois-ci encore un ancien premier ministre digne de confiance, comme il l’a fait à maintes occasions dans le passé.
Jean Charest voudra aussi bien circonscrire le mandat de cette commission afin d’éviter les inutiles dérapages inhérents à ce genre d'enquête, où de purs innocents sont parfois incriminés comme on l’a vu à la Commission Gomery. Pourquoi s’attaquer au premier ministre et à son premier cercle pour une vague histoire de balles de golf, alors que manifestement Jean Chrétien et Jean Pelletier étaient au-dessus de tout soupçon?... Seuls les vrais coupables devront être incriminés!
Il voudra surtout éviter que des procès d'intention soient intentés contre des amis du PLQ qui auraient pu avoir des intérêts économiques à laisser perdurer la situation dans l’industrie de la construction. Avoir des intérêts et être coupable sont deux choses distinctes. Une nuance que connaît très bien Jean Charest qui a su judicieusement s'imposer à lui-même ainsi qu'à ses ministres une éthique au-dessous de tout soupçon... Recevoir un salaire secret financé par le parti, c'est une chose, prouver qu'il provient d'une caisse occulte, c'en est une autre!
Chose certaine, en politique, il faut savoir quand laisser la police décider de la pertinence d'une enquête, quand demander une enquête policière et surtout quand et comment bien organiser une commission d’enquête publique ! Et puis, Jean Charest sait d'expérience qu'il faut laisser les policiers et juges faire leur travail sans tenter de les influencer... Voilà pourquoi il prend tout son temps avant de nommer les bonnes personnes à la tête de cette commission!...

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Élie Presseault Répondre

    16 octobre 2009

    Toutes époques confondues, quand des politiciens se mêlaient aux truands et entretenaient des intérêts occultes, la population se tenait sur le qui-vive. L'omerta devient involontairement une règle édictée jusqu'à la prochaine éclaboussure, moment à lequel la population se jette sur les gladiateurs. Tout est question d'amusement public et de diversions.
    Le scandale des commandites a intoxiqué toute une population, induit des moeurs politiques dont la teneur change toute une série de perceptions. La chute est l'échappatoire génial trouvé par l'administration actuelle afin de réactiver la catharsis de la population. Nous n'avons qu'à nous souvenir du plaisir secret ressenti par la population quand elle voyait le sinistre en chef traîner de l'arrière dans sa circonscription en 2007.
    Il est bien dommage de constater que l'arsenal déployé par la partie adverse s'épuise comme peau de chagrin. Mais il ne faut pas sous-estimer le système mis en place qui a commencé à attiser les passions populaires à l'égard des chefs de parti qui réduisent les aspirations politiques en pièces. À quand la reprise en main de notre destin collectif?