Programme politique ou protocole scientifique au PQ?

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Le PQ abandonne la critique du régime canadien


Le 5 septembre, le Parti québécois a enclenché sa refondation en dévoilant sa proposition principale. Le point J de la déclaration de principes surprend, la formation s’engage à « en arriver à des décisions rassembleuses et courageuses qui s’appuient sur les connaissances scientifiques ».


Une réflexion sur le rôle de la science en politique éclairerait sous un nouvel angle la crise de légitimité des institutions démocratiques. Pendant ce temps, demeure la question fondamentale que plus personne ne soulève au Québec, celle de la légitimité du régime instauré par la Charte canadienne, qui neutralise la voix de l’Assemblée nationale. Même le PQ, créé pour la poser, temporise.


Pourtant, dans Après le naufrage, le militant et candidat pressenti à la chefferie du PQ Frédéric Bastien affirme qu’un projet transcendant doit engager le peuple dans son avenir. Selon lui, la transcendance d’un programme politique consiste dans sa capacité à projeter au-delà de la réalité immédiate. Mais si la formation recadre ses valeurs — liberté et nationalisme, protection de l’environnement, équité et justice — dans le périmètre de la science, elle réduit la politique à la gestion publique et retire aux valeurs leur capacité à nous mobiliser pour changer le monde.


Le savant et le politique


Le savant et le politique emploient chacun un discours qui possède sa logique propre, d’après Weber. Tandis que la science est l’affaire de méthodes servant à prouver la vérité des faits, un projet politique enjoint à une action justifiée sur la justesse de valeurs ou principes. Le fait scientifique est vrai ou faux ; la norme d’action est juste ou injuste.


Après Hume qui a critiqué l’empirisme, Kant s’est appuyé sur ses idées pour distinguer trois questions existentielles qui procèdent chacune d’un raisonnement différent : Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ? Puis, Habermas a analysé le processus de rationalisation du monde, qui le décentre en sphères spécialisées : objective de la science, normative du droit et subjective de la personnalité. D’ailleurs, convaincu qu’il est encore possible de recentrer ces sphères sur le monde vécu, il a ancré la philosophie pratique dans la raison communicationnelle.


Certes, les politiciens s’appuient sur les conclusions scientifiques pour délibérer sur la norme la plus juste à adopter. Mais le législateur n’a pas à mener un débat selon la méthode scientifique, car il faut distinguer entre faits et normes. L’objectivité, la neutralité et l’impartialité incombent au chercheur, tandis que la conviction est l’apanage des politiciens. Néanmoins, le point J laisse croire que les faits vrais dicteront les normes justes comme si un programme politique était un protocole scientifique.


Vers le scientisme ?


Le scientisme préconise que la science résolve tous les problèmes. Avant que les mesures gouvernementales soient promulguées, leurs effets devraient être prévus par des recherches, ce qui restreindrait la réflexion sur la justesse d’une norme à un déterminisme causal propre aux sciences, surtout naturelles. Outre la Cour suprême pour invalider une loi québécoise, il suffirait d’invoquer un cas faisant exception à la théorie scientifique inspiré de la falsification de Popper, qui doute d’ailleurs de la scientificité des sciences humaines.









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