Mathieu Lacombe rêve d’un siège à l’UNESCO pour le Québec

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« L’avenir de la culture québécoise ne se décide pas à Ottawa, il se décide au Québec »


Le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, s’envolera lundi pour Paris, où il livrera un discours au siège de l’UNESCO dans l’espoir de trouver des alliés dans sa lutte contre « l’impérialisme culturel américain ». S’il peut déjà compter sur la présence d’un délégué québécois au sein de l’organisation, Mathieu Lacombe ne s’en cache pas : il souhaiterait que le Québec en devienne un jour membre à part entière.


En 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait accordé au Québec le droit de nommer son propre représentant dans la délégation canadienne à l’UNESCO (l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). Reste qu’au sein de cette institution, le Québec n’a pas de siège à proprement parler, comme celui qu’il lui a été accordé à l’Organisation internationale de la francophonie. Ce privilège au sein de l’UNESCO est réservé aux États indépendants, ainsi qu’à la Palestine.


« Je pense que c’est important qu’on puisse avoir notre voix lorsqu’il est question de notre culture. En ce moment, on le fait à l’intérieur de la délégation canadienne. Ça a été consenti en raison de notre distinction culturelle. Maintenant, est-ce qu’un jour on pourra le faire en notre propre nom ? Je ne peux pas m’empêcher de le souhaiter », a dit Mathieu Lacombe, sourire en coin.


Le ministre a ensuite précisé qu’il ne comptait pas mener cette bataille durant son mandat. Il assure s’accommoder de la place que laisse le Canada au Québec au sein de sa délégation. « Le Québec a gagné le droit [en 2006] d’avoir une tribune à l’UNESCO. En restant au sein de la délégation canadienne, j’en conviens, mais je sens qu’Ottawa respecte notre autonomie, même si on n’est pas toujours d’accord. Je ne sens pas qu’Ottawa est au-dessus de notre épaule pour surveiller ce qu’on fait », a précisé le ministre de la Culture dans une entrevue accordée au Devoir à quelques jours de son départ pour Paris.


Un leadership dans le monde


Mathieu Lacombe y rencontrera notamment son homologue française, Rima Abdul-Malak, qu’il perçoit comme une potentielle alliée dans son combat contre l’hégémonie des géants du Web américains. « Les motivations de la France à agir ne sont pas les mêmes que les nôtres », a-t-il reconnu. « Dans leur cas, c’est vraiment pour trouver des façons pour que leurs produits culturels puissent continuer de s’exporter. Pour le Québec, c’est avant tout une question de survie de notre langue. Les Français ne ressentent pas la même urgence. Mais je sens tout de même que la France peut non seulement être une amie, mais aussi une alliée dans ce combat que je mène. »


Le moment phare de cette courte visite en France, la première pour un ministre québécois de la Culture en six ans, sera certainement sa prise de parole au siège de l’UNESCO. Le ministre Lacombe s’adressera mardi aux représentants des pays signataires de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ratifiée depuis 2005 par une centaine de pays et de gouvernements dans le monde, dont celui du Québec, cette dernière reconnaît que la mondialisation comporte un risque d’homogénéisation des cultures.


Québec croit maintenant que la Convention doit être rouverte pour aller plus loin et tenir compte de la nouvelle menace que posent les Netflix et Disney+ de ce monde sur les cultures nationales. Le ministre en fera part durant son intervention au siège de l’UNESCO, et il est convaincu que son plaidoyer trouvera écho dans l’auditoire.


« La spécificité culturelle n’est pas un enjeu strictement québécois. Il y a d’autres nations qui refusent d’être diluées dans la culture américaine. Mais le Québec est bien placé pour assumer un leadership sur la scène internationale sur ces questions-là. On est très bien perçu par les autres pays. On est une jeune nation, qui ne traîne pas un passé colonial, contrairement à d’autres », de faire remarquer Mathieu Lacombe, qui dit s’inscrire en droite ligne avec la doctrine Gérin-Lajoie.


Prêt à déranger Ottawa ?


Adoptée dans les années 1960, la doctrine Gérin-Lajoie accorde au gouvernement du Québec la légitimité d’agir sur la scène internationale dans les domaines qui sont de sa compétence, comme la santé, l’éducation ou encore la culture. Mais, historiquement, Ottawa a parfois été irrité par les ambitions de la diplomatie québécoise.


Si Mathieu Lacombe insiste pour dire qu’il ne cherche pas l’affrontement avec le fédéral, il tient à réitérer que le gouvernement provincial est le plus à même de défendre les intérêts du Québec en matière de culture dans le monde.


« L’avenir de la culture québécoise ne se décide pas à Ottawa, il se décide au Québec. Et on est prêts à utiliser tous les moyens à notre disposition pour la défendre, et notre tribune à l’UNESCO en fait partie », conclut celui qui sera en France jusqu’à jeudi.

 





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