PQ : La grogne ou une fronde?

Boisclair - chef du PQ


La grogne contre André Boisclair au Parti québécois est désormais si évidente qu’il est impossible, même pour ses plus fidèles partisans, de la nier. Mais la véritable question est de savoir s’il y a une fronde, un mouvement organisé pour obtenir son départ, même si nous sommes à huit semaines du déclenchement d’une élection.
Normalement, justement parce que les élections sont si proches, on devrait dire qu’il est impossible de remplacer un chef si proche d’une échéance électorale. Mais le PQ est le parti qui dévore ses chefs. Alors, rien n’est impensable.
Disons-le tout de suite, les chances que M. Boisclair soit victime d’un putsch sont bien minces. Le chef péquiste dispose encore d’appuis, autant dans son parti que dans son caucus.
Même parmi ceux qui sont très insatisfaits de sa performance, il y en a peu qui songent sérieusement à l’évincer. C’est le message que plusieurs vétérans du caucus vont livrer cette semaine : mieux vaut serrer les rangs derrière le chef, malgré tous ses défauts, que de s’en aller divisés et en désordre à la bataille. Il reste encore une chance de gagner la prochaine élection, alors que s’il fallait choisir un nouveau chef, avec les inévitables divisions que cela causerait, il n’y en aurait plus aucune.
Normalement, c’est l’option qui devrait prévaloir.
Mais le PQ n’est pas un parti comme les autres et le leadership de M. Boisclair est fragilisé par plusieurs facteurs.
D’abord, Bernard Landry. C’est un secret de Polichinelle que l’ancien chef du PQ regrette encore d’avoir démissionné à la suite du vote de confiance de juin 2005. Depuis, il ne s’est imposé aucun devoir de réserve et il est de commune renommée qu’il tient depuis des mois des «rencontres de stratégie» à sa résidence de Verchères.
Pas étonnant qu’hier, M. Landry était sur absolument toutes les tribunes, essentiellement pour dire que sa disponibilité était au moins aussi grande que sa loyauté.
Beaucoup de péquistes éminents auraient téléphoné à M. Landry pour lui dire que, même dans l’éventualité où M. Boisclair devait céder la place, il ne serait toujours pas l’homme de la situation. En fait, il n’y a que l’ineffable Yves Michaud qui soit prêt à souhaiter publiquement son retour, ce qui, dans les circonstances, va lui nuire plus que l’aider.
Pour bien des militants, la série d’entrevues données par M. Landry, hier, a dépassé les limites et ils croient qu’il a ainsi bousillé les minces chances qu’il aurait pu entretenir d’être rappelé aux affaires.
Par ailleurs, même si Pauline Marois passe discrètement quelques coups de fil et que Gilles Duceppe se voit plutôt en réserve de la république, les deux ne croient guère à la possibilité d’un départ de M. Boisclair.
De toute façon, à huit semaines du déclenchement d’une élection, il ne saurait être question de course au leadership. Il faudrait qu’un nom s’impose rapidement et soit ensuite plébiscité par les militants.
Mais nous n’en sommes pas là.
À court terme, le principal problème de M. Boisclair se situe sur son aile gauche. Les dirigeants des centrales syndicales et bien des militants n’ont pas digéré l’allusion du chef au «copinage bien arrosé» de ses prédécesseurs avec les leaders syndicaux.
On reproche à l’entourage du chef péquiste d’avoir voulu le positionner comme un nouveau Tony Blair, celui qui a recentré le Parti travailliste en Grande-Bretagne en y réduisant l’influence des syndicats. Sauf que le PQ n’a jamais été le Labour et ce recentrage était loin d’être une nécessité, surtout avant les élections.
Dans les tous prochains jours — au caucus du PQ d’abord, puis à la Conférence des présidents, samedi à Québec – il faudra donc que M. Boisclair rétablisse les ponts avec son aile gauche.
Il devrait aussi admettre qu’il est temps de faire ce que plusieurs députés lui ont demandé et commencer à publier des éléments de la plateforme péquiste, une démarche importante quand on doit convaincre les électeurs de sa capacité de gouverner.
Il devra surtout convaincre l’ensemble de son parti qu’il sera désormais à la fois plus présent et plus à l’écoute.
Le manque d’écoute, c’est ce que tout le monde reproche à M. Boisclair. «Des fois, j’ai eu envie de lui faire le coup de dire, dans le milieu de la conversation, que je venais de faire exploser une bombe atomique, juste pour voir s’il m’écoutait vraiment», confiait hier un souverainiste de premier plan.
Dans les circonstances, un dérapage reste toujours possible. Il suffirait de pas grand-chose – comme une contestation ouverte de quatre ou cinq députés influents – pour mettre le feu aux poudres et amener la fronde jusqu’à la Conférence des présidents, samedi, où, derrière des portes closes, tout pourrait arriver.
On n’en est pas là. Mais M. Boisclair doit savoir qu’il ne peut plus ignorer la grogne de ses militants.


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