Partez, monsieur Boisclair !

Boisclair - chef du PQ


Cher Monsieur,
Je vous écris avec des mots simples. Parfois avec les mots du cœur. Vous êtes à la barre du parti de René Lévesque depuis plus d’un an. Lors de votre élection, dans un discours fleuve, vous vous prétendiez, non seulement l’émule du grand gaspésien qui nous a quitté en 1987, mais capable de le dépasser. Vous prétendiez que son équipe n’était rien à côté de celle que vous feriez apparaître comme par magie. En prenant la direction des membres de la formation péquiste, vous avez semé des attentes tellement grandes, vous avez mis la barre tellement haute, qu’il vous est impossible d’effectuer les acrobaties promises dans le délire de votre élection. L’enthousiasme des premiers moments n’est plus autour de vous. Ceux qui vous supportent encore, le font dans la crainte, une certaine suspicion, la peur de vous voir commettre «la» gaffe irréparable. Les militants ne vous voient pas du tout comme futur Premier ministre du Québec et surtout, ne militeront pas dans la joie et l’enthousiasme pour vous faire élire lors du prochain scrutin. Ils s’apprêtent à rester à la maison, tout comme en 2003.
Vos performances à l’Assemblée nationale, selon tous les commentateurs sérieux, ont été en deçà de la moyenne. Le «Tenez-vous prêt, Jean Charest, j’arrive» que vous lanciez en août dernier, lors de votre élection dans Pointe-aux-Trembles, ressemblait plus à de la bravade qu’à autre chose. Les gens, ce soir-là, vous ont trouvé bien «cheap» de commencer votre deuxième carrière politique sur un tel ton. Au lieu de remercier le Premier ministre du Québec de vous permettre d’entrer si élégamment et si facilement à l’Assemblée nationale, vous en avez profité pour montrer votre esprit mesquin, partisan, pas du tout à la hauteur de celui qui veut occuper le poste de Premier ministre. Vous vous êtes comporté comme un gamin de rue qui, grossissant ses biceps, haussant le ton, essaie de faire le matamore. Je n’en reviens encore tout simplement pas. En politique, l’esprit partisan ne doit jamais aveugler quiconque. Un «fair-play» de bon aloi convient, surtout si, par condescendance et par courtoisie, quelqu’un trace un chemin que d’aucuns doivent conquérir parfois, après des années de travail.
Pour moi, le vase a débordé lorsque vous avez surpris tout le Québec en participant à une parodie du film Brokeback Mountain. Même si vous avez dit, par la suite, regretter d’être apparu dans un sketch mettant en scène les chefs d’État George W. Bush et Stephen Harper dans une facétie homosexuelle débridée, je trouve que cet unique geste de votre part, manifeste clairement que vous n’avez pas l’étoffe pour devenir prochainement le Premier ministre du Québec. Dans l’esprit de bien des gens que je côtoie, cette apparition au petit écran, qui doit être diffusée avant Noël, marque bien votre difficulté à jauger les gestes et les actes que vous posez, les conséquences possibles de ces actes, et les répercussions politiques sur le parti que vous dirigez. En termes plus clairs, vous avez manifesté dans ce cas précis, un manque flagrant de discernement, de jugement, de maturité politique.
Il faut retourner faire vos devoirs et vous préparer, pendant de nombreuses autres années, à occuper peut-être un jour le poste que vous convoitez avec un large sourire. Je ne vois pas l’un de vos prédécesseurs, le grand Jacques Parizeau par exemple, s’amuser à tirer la fermeture éclair d’une tente et dénigrer ses voisins politiques immédiats, avec lesquels, dans un Québec indépendant, vous prétendez tisser des liens. Il y a des choses à ne pas faire lorsqu’on veut devenir Premier ministre. Vous venez d’en faire une qui vous disqualifie pour le poste dont vous rêvez jour et nuit. Désolé de vous le dire aussi crûment. Je ne fais qu’exprimer le silence d’une grande majorité de vos concitoyens.
Les commentateurs politiques des réseaux de télévision que j’ai écoutés depuis quelques jours sont unanimes : vous n’avez pas livré la marchandise depuis que vous occupez la banquette de Chef de l’Opposition. Jean Charest, malgré son impopularité, vous attend au prochain détour. De plus, votre retour en politique s’est fait dans un climat plus que nébuleux. Votre consommation de cocaïne, alors que vous étiez en fonction comme ministre dans un gouvernement démocratiquement élu, montre également votre peu de sérieux dans l’exercice de vos anciennes fonctions ministérielles.
Si, durant l’exercice de ma profession d’enseignant en philosophie, j’avais posé exactement le même geste et si j’avais affirmé, devant mes confrères et les caméras de la télévision, que j’avais manifesté un tel écart de conduite sur mes heures de travail rémunérées par l’État, il est à parier que les autorités de mon collège m’aurait placé sur la voie d’évitement. Et avec raison. Je ne comprends pas toujours pas le mutisme du Premier ministre de l’époque.
Vous avez traité cet événement avec une légèreté déconcertante. En disant d’abord à la population que c’était tout simplement une erreur de jeunesse. Publiquement, vous n’avez pas dit tout simplement la vérité. Quelle crédibilité vous reste-t-il maintenant? Pensez-vous que les citoyens vous prendront au sérieux lorsque vous prétendrez leur dire que le gouvernement actuel ne dit pas toute la vérité sur certains dossiers alors que vous pratiquiez, il y a peine quelques mois, la même façon de faire que vous dénoncez chez vos opposants politiques?
Faites le tour du Québec. Alors ailleurs que dans les cégeps et les universités. Prenez le temps de vous asseoir avec le monde ordinaire. Le monde de la rue. Le monde des générations qui vous devancent et qui ont bâti le Québec. Vous verrez et entendrez autre chose que les discours des apparatchiks qui vous entourent. Vous verrez qu’il y a une certaine gêne, une retenue forcée, un désir inavoué de vous voir quitter le poste que vous occupez.
Pour le bien de la société québécoise, pour le bien du parti de René Lévesque, pour le bien de la cause indépendantiste soutenue par tant de vos concitoyens depuis plus de quarante ans, il est temps que quelqu’un vous dise de partir. Avant votre élection à la tête de votre formation politique, j’ai transmis aux médias québécois un texte intitulé «Alerte rouge». Certains quotidiens l’ont même reproduit en page éditoriale. Plus d’un an après, je signerais encore ce texte à deux mains. Tout ce que j’écrivais, il y a plus d’un an, pourrait être repris aujourd’hui. Le parti de René Lévesque court à sa perte sous votre houlette. Au lieu de devenir le libérateur d’un peuple, vous risquez d’en devenir le fossoyeur.
En terminant, cher Monsieur, vous avez le droit de penser que les Québécois doivent se libérer des libéraux. Mais je pense que, dans les circonstances actuelles, vous avez surtout le devoir de libérer votre parti du poste que vous occupez afin de laisser à quelqu’un d’autre le soin d’en prendre charge avec sérieux. Des centaines de milliers de gens pousseraient un soupir de soulagement en apprenant votre départ. Ce geste d’humilité est difficile à poser. Si Bernard Landry affirme que la patrie doit passer avec les partis, il est temps pour vous d’appliquer sa formule, quelque peu lapidaire. Le temps presse. Procédez avec célérité.
Bon retour à la maison. Pourquoi pas, bon retour à Toronto !
Nestor Turcotte

Matane


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5 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    17 décembre 2006

    Bravo monsieur Turcotte! Ça fait du bien de savoir que je n'étais pas fou lors de la course à la direction du Parti Québécois l'an dernier. Malgré que je conçoive qu'il serait inhumain de chercher un "Messie" comme chef du Parti, la perfection n'étant pas de ce monde, j'avais fait cette analogie lorsqu'André Boisclair a été couronné chef du PQ l'an dernier: le nouveau chef, devant la mission qui l'attend, se comparerait à un char Sherman qu'on se proposerait d'envoyer en première ligne pour affronter les chars Tiger de l'ennemi, bien terré et prêt à décimer la vague d'assaut. Pour les profanes, le Sherman était un char moyen américain qui avait un grave défaut: il prenait feu dès qu'il était touché par un projectile ennemi. En plus, son blindage, sa puissance de feu et sa portée de tir étaient inférieurs. Sans un appui aérien considérable, ces chars américains ne faisaient tout simplement pas le poids face à leurs adversaires allemands.
    Quelle excellente analyse, monsieur Turcotte! Même la publicité d'André Boisclair pour son élection du 14 août dernier trahissait mal son manque de jugement. Avouez que ce n'est pas précisément un geste de bravoure lorsque vous convoitez le poste de chef de l'Opposition et avouez avoir choisi le comté parmi d'autres parce que c'est le plus souverainiste. Quand on sait que son parti n'a pas pris aucun engagement ferme envers la souveraineté depuis plus de 10 ans, féliciter les électeurs du comté pour avoir fait confiance au parti et à la souveraineté depuis 35 ans, c'est à toutes fins pratiques un aveu d'échec ou de faiblesse. Et quand on sollicite un poste de chef de l'Opposition officielle, on est en droit de s'attendre à des engagements plus importants et plus concrets que ceux des quelques adversaires des autres partis, d'autant plus qu'aucun(e) de ceux-ci ne représentait un parti représenté à l'Assemblée nationale!
    S'il y avait des sceptiques après la course à la direction ou des gens qui disaient qu'il fallait laisser la chance au courreur, disons que ce n'était pas un départ bien bien convaincant.
    Les reproches que certains font à André Boisclair, tels la participation à un sketch d'humour discutable, d'avoir consommé de la cocaïne, etc. selon moi sont peu de choses par rapport à son refus d'admettre les erreurs qui ont causé la perte du pouvoir, l'attitude fermée sinon hostile envers l'aile progressiste du Parti (le SPQ Libre) et la marginalisation des tenant(e)s de la cohérence avec la mission fondamentale de réaliser l'indépendance (Mouvement pour une Élection sur la Souveraineté). Personne ne nie qu'il fallait rajeunir le mouvement, mais ce n'est pas en poussant les militant(e)s les plus dévoué(e)s et les plus inspiré(e)s qu'on va réussir à faire aboutir notre projet de pays. Et ce n'est pas non plus en laissant toujours transparaître que le Parti se contenterait à nouveau d'un mandat de gouverne provinciale, optique qui n'a jamais fait croître l'appui à la souveraineté, bien au contraire.
    Quand c'est rendu qu'on a besoin du Premier sous-ministre de la province de Québec pour rappeler au nouveau chef du PQ que son parti est souverainiste, ça n'annonce rien de bon.
    De la manière que Boisclair parle et agit surtout depuis un mois, quand bien même il amènerait avec lui à Québec "l'Équipe du Millénaire", ça ne nous rapprocherait pas plus de l'indépendance que de voter pour Stéphane Dion au fédéral.
    Le seul référendum qu'André Boisclair pourrait gagner serait avec la question suivante: "Êtes vous d'accord pour dire que le Parti Québécois est davantage intéressé au pouvoir qu'à faire la souveraineté? OUI ou NON".

  • Archives de Vigile Répondre

    17 décembre 2006

    Messieurs (Turcotte et ceux qui l'appuient),
    J'en ai ras le bol de vous, supposés souverainistes, qui
    tapez sur André Boisclair à tour de bras alors que c'est la personne
    la plus susceptible d'aller chercher les jeunes pour nous aider à réaliser
    notre grand projet. Si, je dis bien SI, vous êtes vraiment
    des indépendantistes, commencez donc par respecter
    le choix des membres du P.Q. Et puis, dépensez donc vos énergies à trouver
    des arguments pour convaincre les gens de votre milieu de
    la nécessité de devenir un pays qui se gouverne lui-même. Si vous
    manquez d'idées, faites-le moi savoir, je vous en donnerai quelques unes.
    Thaïs Potvin

  • Archives de Vigile Répondre

    17 décembre 2006

    Ce serait le mot juste de Landry.
    En attendant un vrai chef, j'appuie l'opinion de m. Turcotte.
    Je crains un second mandat de Jean Charest, mais j'abhorre l'idée d'un gouvernement Boisclair qui fera enfarger tout le mouvement vers la Souveraineté.
    Je ne puis cesser de penser que l'élection de Boisclair à la chefferie du Parti Québécois, grâce à, apparemment un vote de CEGEPiens entre 16 et 18 ans, ne fut qu'un coup de "hacking" de la tête du parti par son ancien employeur, Power Corp, qui l'avait accueilli à bras ouverts à Toronto. Boisclair vient d'un milieu bourgeois fédéraliste.

  • Normand Perry Répondre

    15 décembre 2006

    Monsieur Turcotte,
    Aujourd'hui même André Boisclair s'est couvert, une fois de plus, du plus grand des ridicules en s'auto attribuant un B+ pour sa performance au terme de la cession parlementaire présente. En ayant du front ainsi tout le tour de la tête, ce politicien ne démontre qu'une chose : c'est un amateur.

    Il n'y a que les dictateurs et les despotes aveuglés par leur propre image qui ont fait preuve de ce genre d'attitude narcissique dans l'histoire politique de notre monde. Et nous savons vers quoi sont conduits les peuples soumis leur emprise !

    Monsieur Boisclair dépasse les bornes en faisant preuve d'autant d'orgueil en parfaite antithèse de l'humilité.

    En écoutant les observateurs politiques du Québec depuis une semaine, il est à croire qu'un Z- serait une note tout à fait justifiée avec un bon coup de pied vous savez où en prime !
    Normand Perry.
    Chroniqueur du dimanche à Vigile.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 décembre 2006

    Merci d'avoir retranscrit notre pensée. On ne le dira peut-être jamais assez, avant qu'il ne soit trop tard.