Pourquoi nous avons besoin d’une Assemblée constituante au Québec.

Tribune libre 21 mai 2012

http://youtu.be/uTGT2aUYkys
Pourquoi nous avons besoin d’une Assemblée constituante au Québec.
Roméo Bouchard est directeur et conseiller politique pour la Coalition pour la Constituante; il est aussi un de ses porte-parole.
La Coalition pour la Constituante, comme son nom l’indique, est une coalition électorale qui propose la tenue d’une Assemblée constituante au Québec, pour réaliser une réforme démocratique en profondeur.
Une Assemblée constituante, c’est une assemblée désignée pour écrire la constitution qui définit les institutions politiques et sociales d’un peuple.
Pourquoi avons-nous besoin présentement d’une Assemblée constituante?
Il s’est produit ces dernières années au Québec, et partout dans le monde occidental d’ailleurs, un phénomène très important : une prise de conscience d’un état de chose qui est là depuis toujours mais qu’on n’avait pas identifié aussi clairement auparavant. Les Québécois ont constaté qu’ils n’ont pratiquement plus aucun contrôle sur les représentants qu’ils élisent. Nous sommes des électeurs mais pas des citoyens : nous élisons tous les quatre ans des candidats, que nous n’avons généralement pas choisi, et qui, dès qu’ils accèdent au pouvoir avec leur parti, font ce qu’ils veulent, ou plutôt ce que veulent ceux qui les ont mis au pouvoir : les riches, les patrons, les banques, les compagnies, les bailleurs de fonds et les fournisseurs d’emplois.
Au cours de la dernière année, les citoyens ont manifesté par centaines de milliers –ce qui est énorme dans un petit pays comme le Québec- contre les gaz de schistes, contre la corruption, contre la loi des mines, les minières et le Plan Nord, contre l’exploitation de pétrole dans le Saint-Laurent, contre les multinationales comme Rio Tinto, et plus récemment, contre la privatisation de l’accès à l’éducation supérieure : nos élus refusent de les entendre, et on sent bien que derrière eux, ceux qui les forcent à résister aux citoyens, ce sont les grands propriétaires de médias, les banques, les multinationales, les riches qui assurent leur élection. Les citoyens ont de plus en plus l’impression de faire rire d’eux et de tourner en rond.
À tel point qu’on réalise qu’il ne suffira plus de changer de parti pour changer les choses, mais qu’il est désormais nécessaire et urgent de changer notre système politique lui-même, de changer les règles du jeu démocratique, si on veut redonner aux citoyens le contrôle de leurs représentants en permanence. La démocratie de représentation dont nous avons hérité, suite aux révolutions françaises et américaine, est désormais totalement et ouvertement prise en otage par une poignée de grands patrons et de riches.
La Constituante pour sortir de l’impasse
La seule façon de sortir de cette impasse, c’est de faire appel au peuple directement, en contournant les machines des partis politiques. C’est le peuple qui est souverain. Mais pour que le peuple puisse s’exprimer librement, directement, de façon ordonnée et efficace, il lui faut un lieu, un espace de délibération non partisan. Ce lieu de délibération non partisan, c’est l’Assemblée constituante, et l’outil de la Constituante, c’est la rédaction d’une Constitution pour encadrer ses représentants.
Malheureusement, les Assemblées constituantes qui ont eu lieu dans le passé, et même plus récemment en Bolivie, au Vénézuela, en Équateur, et présentement en Tunisie et en Égypte, ont presque toutes été largement noyautées par les partis politiques et les groupes d’intérêt. De telles Constituantes risquent souvent de consacrer le pouvoir des maîtres et l’impuissance des citoyens. La teneur d’une constitution dépend en fait de ceux qui l’écrivent.
C’est pourquoi la Coalition propose une Constituante d’un nouveau genre afin que la Constitution qui en résultera soit vraiment une Constitution écrite par le peuple et pour le peuple, à savoir : une Constituante formée de citoyens, entièrement libres de toute allégeance politique et représentant toutes les couches de la société, et donc, désignés par un tirage au sort à partir de listes régionales de volontaires. Pour éviter encore plus sûrement les pressions des partis politiques et des intérêts particuliers, des règles rigoureuses devront encadrer l’information et le débat public qui entoureront les travaux de la Constituante.
La Coalition pour la Constituante, pour en assurer la convocation
Et puisque qu’on ne peut compter sur les partis politiques conventionnels pour convoquer une telle Constituante, la Coalition propose de profiter des prochaines élections (la prochaine et la suivante si nécessaire) pour faire élire des candidats dont l’engagement unique sera de former un gouvernement provisoire, non partisan, limité à deux ans, le temps de convoquer et tenir cette Assemblée constituante non partisane. Nous croyons que c’est autour de cet objectif prioritaire de la Constituante que doit se faire la Coalition des forces démocratiques au Québec, qu’elles soient souverainistes ou non, de gauche ou de droite, citoyennes ou partisanes.
L’Assemblée constituante est la suite logique de ce qu’on appelle le printemps québécois. C’est la priorité concrète qui peut permettre à toutes les indignations et les contestations citoyennes de transposer leurs revendications sur le plan politique, et donc, de changer les choses s’attaquant à la racine plutôt qu’aux conséquences. Il ne suffit plus de prendre la parole, il faut prendre le pouvoir et en changer les règles.
Québec, l’Islande du Sud et de l’Ouest
On cite beaucoup en exemple l’Islande, un tout petit pays de 300,000 habitants, qui a fait récemment ce choix d’une Constituante citoyenne pour échapper aux banques et pour redéfinir ses priorités et ses institutions politiques. Nous avons au Québec tout ce qu’il faut présentement, plus encore qu’en Islande, pour devenir une avant-garde de cette reprise du pouvoir par les citoyens dans le monde. Nous sommes un petit peuple, un peuple jeune et un des rares qui a su résister jusqu’ici à la vague néo-libérale anglo-américaine, grâce à une étonnante solidarité sociale enracinée dans son passé unique. C’est la seule façon, s’il en est une, de mettre un frein au contrôle de notre démocratie par les forces de l’argent et de la spéculation.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé