En 2006, l'Association des jeunes médecins du Québec (AJMQ) a proposé, de concert avec Force Jeunesse, la mise sur pied d'un Fonds des générations. Ce fonds, alimenté à hauteur de 500 millions de dollars par année par Hydro-Québec, est destiné au remboursement éventuel de la dette provinciale et au financement des soins de santé des baby-boomers lorsqu'ils seront tous à la retraite.
Or le Vérificateur général du Québec nous apprend maintenant qu'il y a bel et bien un déficit de 5,8 milliards accumulé au cours des dernières années par le gouvernement Charest. Si, comme le propose le gouvernement, ce déficit était transféré à notre dette provinciale, il viderait de tout son sens le Fonds des générations. Il aurait aussi de graves répercussions sur l'équité fiscale intergénérationnelle et sur la capacité du gouvernement à financer adéquatement les dépenses de programmes à l'avenir.
Gonflée par l'accumulation de déficits budgétaires pendant 30 ans, la dette provinciale du Québec est devenue la plus élevée par habitant au pays. La Loi sur le déficit zéro de 1998, si douloureuse fût-elle, avait pour but de rétablir l'équilibre budgétaire: bref, on arrêtait d'emprunter sur le dos de nos enfants pour payer notre épicerie. L'importance de la dette provinciale dans le PIB commencerait donc à diminuer d'elle-même au fur et à mesure que notre économie grandirait. Cette perspective permettait aux nouvelles générations d'entrevoir l'avenir avec optimisme.
La révélation d'un nouveau déficit accumulé ramène plutôt sur le tapis la vision morose de l'avenir qui avait cours il y a 10 ans. La dette provinciale recommence à augmenter, ce qui revient à anéantir les efforts économiques, fiscaux, et surtout les sacrifices en santé (mises à la retraite, listes d'attente...) que tout le peuple du Québec a consentis à la fin des années 90. Ce recul historique fait et fera mal.
En effet, la population active commencera à décliner dès 2011, avec le début des retraites des baby-boomers. Dès lors, il y aura de moins en moins de citoyens qui se partageront le financement des missions de l'État, dont le paiement de la dette. L'impôt des particuliers au Québec est déjà le plus élevé au Canada, et il devra obligatoirement augmenter pour compenser le bassin plus réduit de contribuables. L'exode des jeunes, le travail au noir et la stagnation économique ne manqueront pas de suivre l'affaiblissement de la compétitivité du Québec par rapport à ses voisins immédiats. À moyen et à long terme, ce cercle vicieux enclenché par le retour aux déficits entraînera l'incapacité du Québec à faire face à ses obligations quant au paiement de la dette provinciale. En d'autres mots, la faillite.
Et ce n'est pas tout. Les dépenses de programmes (sécurité sociale, santé, éducation, transport) de l'État sont déjà depuis plusieurs années limitées par un poste budgétaire qui accapare 13 % des ressources: le paiement des intérêts sur la dette. Rajouter 5,8 milliards de dollars de déficits accumulés sur la dette équivaut à augmenter les intérêts sur celle-ci de 400 à 500 millions (selon les taux en vigueur). Ces sommes récurrentes équivalent à au moins 2 % du budget de la santé. Ainsi, une telle décision viendrait d'autant plus diminuer la marge de manoeuvre du gouvernement pour les dépenses de programmes dans les prochaines années.
Il existe au moins deux solutions: au lieu d'utiliser la réserve budgétaire de 2,3 milliards pour financer son plan sur le ralentissement économique, le gouvernement pourrait décider d'appliquer cette réserve au déficit accumulé de 5,8 milliards, le diminuant ainsi à 3,5 milliards. Cette mesure aurait probablement un impact économique plus favorable que de financer des mesures ponctuelles par un surendettement.
Aussi, le Québec pourrait choisir de réinvestir le champ fiscal libéré par la diminution de deux points de la TPS par le fédéral. Cette mesure, des plus impopulaires en période électorale, demeure pourtant celle qui aurait le plus de bénéfices sur la santé économique du Québec. Près de deux milliards par année seraient orientés vers le rétablissement de l'équilibre budgétaire perdu actuellement. Ce dernier serait vraisemblablement atteint sans compressions dans les services essentiels (comme en 1998) et sans hausse d'impôt sur le travail, néfaste pour la rétention des ressources humaines et pour la productivité du Québec, dont dépend notre richesse collective. Comme il est irresponsable de recommencer à endetter nos enfants pour payer notre épicerie, il est curieux et décevant qu'aucun parti politique n'ait proposé ces solutions concrètes.
Les citoyens doivent-ils en conclure que notre système politique n'est plus à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés? Le taux de participation à ces élections nous apportera certainement un élément de réponse.
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François-Pierre Gladu, Médecin de famille - Enseignant clinique à l'Université de Montréal - Président AJMQ
Pour léguer un avenir prometteur
Le Québec économique
François-Pierre Gladu2 articles
Médecin et enseignant clinique à l'Université de Montréal. Président de l'Association des jeunes médecins du Québec
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