Pour le cinéma indépendant

Cinéma québécois : crise de financement

Libre-Opinion: Pendant qu'un rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2004 mentionne deux fois que «les activités liées au développement des industries de la télévision, des nouveaux médias et de la musique ne sont pas compatibles avec le mandat de la société», pourquoi une décision de Téléfilm Canada lors de son dernier «comparatif» peut-elle permettre d'affirmer que le programme d'aide de TFC est devenu «une pénalisation au succès»? Ce jugement dit-il toute la vérité?

Comment se fait-il que les retours de ce phénoménal box-office ne permettent pas aux producteurs de ces films, qui devraient s'être enrichis, d'utiliser cet argent pour financer leurs nouvelles productions ?
L'euphorie du faux succès de box-office de certains films cache-t-elle en fait une amère déception ?
Pourquoi donc l'exploitant, le premier bénéficiaire à toucher «sa quote» (50 %) n'est-il pas intéressé à mettre du «cash» dans ces productions qui lui rapportent tellement ?
Pourquoi donc le distributeur, le deuxième bénéficiaire à toucher «sa quote» (35 %) lui aussi, ne trouve-t-il pas dans ses goussets les sommes d'argent privé pour financer ces films tellement prometteurs d'un gros box-office ?
Pourquoi le distributeur, qui a récupéré l'argent investi en guise de minimum garanti peut-il encore aller chercher d'autres fonds publics pour les investir dans ces nouveau projets à succès ? Pourquoi cet argent récupéré n'est-il pas réinvesti ?
Pourquoi aussi le distributeur qui a reçu des avances pour la mise en marché de ces produits tellement rentables et au succès tellement incroyable ne trouve-t-il pas le temps de rembourser l'argent qu'il a reçu à titre d'avance de la part des institutions de financement public qui l'ont aidé à monter le fabuleux plan de marketing qu'il a déposé ?
Pourquoi l'argent remis au producteur, le quatrième bénéficiaire, n'est il pas lui aussi réinvesti dans ces productions tellement rentables, les siennes ? La réponse ici est facile, il n'y a eu aucun retour d'argent au producteur.

Serait-ce parce qu'en fait ce système est corrompu et qu'il favorise avant tout et seulement les distributeurs et les exploitants ?
L'examen de l'impasse dans laquelle nous a conduits tout ce système de dupes nous permettrait de mieux comprendre cette distribution discriminatoire du partage du box-office. En raison des privilèges que leur accordent, par leurs politiques et leurs programmes, Téléfilm Canada et la SODEC, les agents de mise en marché (distributeurs et circuits de salles) viendront perpétuellement pomper l'argent public pour financer à 100 % leurs opérations et s'approprier les recettes d'exploitation.
Les producteurs des films de leur côté ne se contentent plus des 30 % de revenus qu'ils touchent en cours de production. Ne touchant rien ou presque rien dans le partage du box-office, ils en concluent que plus le budget est élevé, plus leurs 30 % statutaires en production augmenteront. Ils viennent donc revendiquer, en invoquant les gros succès de box-office, des participations plus élevées de la part des fonds public.
Les exploitants (distributeurs et exploitants de salles) en donnant leur accord de distribution et une «avance» sur les recettes, s'approprient des droits exclusifs d'exploitation des films à succès. Il faut savoir que ces avances sont immédiatement compensées à même les fonds publics par les programmes d'aide à la distribution de Téléfilm Canada.
D'un film à l'autre, sans mettre «une cenne» de leurs profits, ils peuvent exploiter un produit qui leur a rien coûté et continuer à s'enrichir prioritairement tout en engraissant par la suite un système d'intermédiaires privilégiés. De leur côté, les sociétés d'aide, Téléfilm et la SODEC, n'ont presque jamais de retours substantiels qui leur permettraient d'augmenter les fonds disponibles pour de nouveaux films.
Quant à la production indépendante (la plus proche des auteurs), elle est presque totalement laissée pour compte. Il nous semble qu'en changeant les règles du jeu, il serait facile de ventiler les fonds pour qu'ils servent au développement et à l'affirmation de toutes les tendances de notre cinématographie (diversité culturelle). D'aller en chercher, peut-être, mais dans un esprit de partage.
Les élus du système sont tellement imbus de leurs privilèges qu'ils prétendent que tout leur revient et que, s'il le faut, ils détrousseront encore tous les autres fonds dont ils n'ont pas pris le contrôle, ceux dont les fonctionnaires à leur solde ne leur ont pas encore garanti l'usage.
Si tout semble dérailler pour les producteurs du système des «enveloppes», essayez d'imaginer ce qu'il arrive aux démarches impliquant le cinéma indépendant. Le petit lot qu'il revendique devient l'empêcheur de rafler tous les lots.
Les lobbies du commerce ont convaincu les cercles politiques et les fonctionnaires que leur voie est la seule et bonne voie.
Voilà pourquoi nous vous demandons de prendre connaissance du texte Un silence inquiétant disponible sur le site www.cocagne.org, qui vous explique pourquoi, en moins de deux semaines, pour maintenir une tendance historique, ce système corrompu a attaqué et mis en danger la notion et l'existence mêmes du cinéma indépendant.
C'est un constat que, dans les banques de financement publiques, il n'y a plus personne qui défende la force historique du cinéma de création et d'intervention, celui des auteurs qui carburent à la liberté et à la passion. Des forces historiques. Il y a même des fonctionnaires dont le mandat est de fermer les dossiers et de couper l'oxygène.
Voilà aussi pourquoi Diffusion Conventum appelle à l'action tous ceux et celles qui se sentent concernés.
En notre qualité d'artistes préoccupés de la création, de la présentation, de l'affirmation et de l'expression de cette pratique cinématographique, nous appelons à revendiquer la survie du Rézo de diffusion du cinéma indépendant (www.lerezo.org) et proposons un plan d'action pour 2006-2007 garantissant l'opération des salles du Rézo afin de continuer à témoigner de l'aventure et des aventuriers du cinéma et de la vidéo en tant que signes d'une société ouverte qui respecte les différences.
Serge Gagné, Cinéaste
_ Jean Gagné, Cinéaste
_ Jean Dansereau, Cinéaste


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