Pauline, l'important, c'est Larose...

Chronique de Jean-Claude Pomerleau

Pauline Marois s'est enfin prononcée sur la proposition de Gérald Larose. Elle y adhère, et avec raison. Cette proposition a le grand mérite de ramener enfin la stratégie politique dans le champ du réel: le politique s'incarne dans l'État. Comme le débat qu'elle suscite sera déterminant pour la suite des choses, il convient de l'aborder avec un minimum de rigueur.
J'émets ici l'opinion d'un souverainiste qui suit la politique depuis 40 ans. Il y a encore quelque temps, comme bien d'autres, j'aurais émis de sérieux doutes sur la proposition de M. Larose. C'était avant que je ne fréquente les travaux en géopolitique de J. René Marcel Sauvé et que je me familiarise avec quelques notions élémentaires de géopolitique. Cette rencontre a changé ma manière d'aborder la politique: je suis passé du rationnel au relationnel.
La politique n'est pas rationnelle: on prend le pouvoir, on fait un référendum, on le gagne et on a un pays. Cette démarche ne mène pas nécessairement au pays. Elle pourrait même nous en éloigner si nous sommes incapables d'évaluer correctement le rapport de force qui nous est défavorable au moment de passer à l'acte. Cela peut même mener à la catastrophe historique. Les Patriotes ont payé cher de ne pas avoir su mesurer les rapports de force en présence au moment de la Rébellion.
Le peuple l'a compris d'instinct et a «congédié» le référendum pour le moment; certains intellectuels ont de la difficulté à en prendre acte.
La politique est plutôt relationnelle: elle est affaire d'intérêt, de rapport de force et d'effectivité. Notre intérêt, c'est de nous doter d'un État optimal. Pour y parvenir, il faut bâtir un rapport de force qui nous soit clairement favorable, tout au long du parcours; sinon, notre politique ne sera pas efficace. Et pour ce faire, il faut utiliser les moyens de l'État du Québec.
C'est exactement ce que nous propose Gérald Larose: bâtir les rapports de force, un à un, pour en venir à aborder la rupture finale avec un rapport de force qui nous soit définitivement favorable. Car il s'agit bien de cela, un rapport de force entre deux États: l'État canadien, qui nous a annexés, et l'État du Québec, qui cherche à s'en affranchir pour devenir un État optimal (c'est-à-dire souverain).
La proposition qui vise à doter le Québec de sa propre constitution va tout à fait dans ce sens. Certains ont réduit cette proposition à un de ses aspects: le code de citoyenneté. En fait, il s'agit d'un acte d'État d'envergure qui précisera les termes politiques et juridiques de notre État-nation. Malgré les campagnes hystériques et hargneuses de la «médiacratie» fédéraliste, cette proposition reçoit toujours un appui de plus de 60 % de la population. La consultation populaire qui mènera à son adoption sera l'occasion d'un formidable exercice de pédagogie qui permettra au peuple de dessiner les contours d'un pays à venir. Non, il ne s'agit pas d'une constitution de province, il s'agit d'une constitution d'État, qui s'opposera à celle d'un autre État.
Le rapport de force: il est à prévoir que cette constitution, dont le peuple du Québec se sera doté de façon démocratique, entrera en conflit de légitimité avec la Constitution de 1982, qui nous fut imposée arbitrairement et que l'Assemblée nationale a rejetée unanimement. Si on garde un appui supérieur à 60 % tout au long du parcours, nous pourrons envisager de demander au peuple de trancher définitivement la question, par référendum (si cette voie est praticable) ou par un autre mode d'accession tout aussi légitime, l'élection décisionnelle.
Reste à savoir si le Parti québécois est suffisamment imprégné d'une culture d'État pour défendre cette stratégie d'État, qui propose plusieurs actes d'État, jusqu'au bout, avec la détermination qu'elle commande. Ou, comme le craignent certains, si les petits carriéristes provincialistes apeurés seront en nombre suffisant au Parti québécois pour faire avorter le projet.
Le PQ est à un tournant: ou bien il incarne sa politique dans l'État, ou bien il perd de sa pertinence. C'est là qu'on verra si, pour Pauline, l'important, c'est Larose.


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