Où crèche l'option souverainiste?

17. Actualité archives 2007


À l’approche de Noël, il est tentant de tracer un parallèle entre cette fête chrétienne (Quelle intolérance de ma part envers ceux qui croient à autre chose!) et ce que vivent présentement les souverainistes québécois.
Rappelons qu’au moment de la naissance du Christ en Palestine, l’histoire raconte qu’un peuple y subissait l’occupation. Attendait-il l’avènement d’un « Sauveur » capable de le mobiliser et de le mener vers la terre promise? Peut-être. De par notre sang latin, il n’est pas certain, malgré les enseignements tirés des derniers échecs politiques, que les Québécois soient parvenus à se débarrasser de ce réflexe. Qu’ils se consolent car une très grande majorité des peuples qui se sont libérés récemment y sont parvenus en ayant à leur tête des leaders dignes de ce nom.
Le Québec est orphelin actuellement de personnes jouissant de ce talent. Il l’est en fait depuis l’échec référendaire de 1995. Les leaders souverainistes qui se sont succédés depuis cet événement ont en effet laissé les fédéralistes imposer le calendrier politique. Ils ont refusé de prendre l’initiative à l’aide d’une nouvelle démarche.
Guidés par l’attentisme, les dirigeants souverainistes s’agrippent désespérément à tout ce que leur tend leur adversaire. Il y a eu d’abord le déséquilibre fiscal puis le scandale des commandites. Dernièrement, ce fut l’abandon du protocole de Kyoto par Ottawa ainsi que son offensive armée en Afghanistan qui les ont nourris. Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, songe même à défaire le gouvernement conservateur en février prochain sur ce dernier sujet. Le député fédéral de la circonscription de Laurier-Sainte-Marie juge que cette mission militaire serait trop répressive et s’éloignerait donc de son mandat initial qui est de reconstruire ce pays. L’homme affirme qu’il déposera une motion de blâme aux Communes parce que les Québécois qu’il représente s’opposent à la stratégie d’inspiration américaine déployée là-bas par le premier ministre du Canada. Décidément, « l’élastique souverainiste » commence à être pas mal tendu!
Certains analystes politiques du Québec perçoivent plutôt dans la manœuvre du chef bloquiste une astuce visant à empêcher le gouvernement de Stephen Harper de présenter un budget qui comporterait des mesures qui régleraient le déséquilibre fiscal. Il est vrai que si le ministre des Finances, le conservateur Jim Flaherty, parvient à livrer la marchandise, les souverainistes qui misaient beaucoup sur cette sanction financière pour mousser leur idéal seront pris au dépourvu. Il serait surprenant cependant que cette mesure punitive imposée au Québec suite au référendum de 1995 soit levée. Ottawa a annoncé le mois dernier, dans son énoncé budgétaire, que les surplus serviraient prioritairement à rembourser la dette. Les intérêts ainsi épargnés alimenteraient des baisses d’impôt. Où diable le titulaire du portefeuille des finances, celui qui a octroyé dernièrement à l’armée canadienne 15 milliards de dollars, trouvera-t-il ceux promis à Québec? Assurément, l’arrangement fiscal qu’il s’apprêterait à suggérer au gouvernement québécois s’étalera jusqu’aux calendes grecques…
Comme Stéphane Dion, Jim Flaherty n’a jamais cru au déséquilibre fiscal. L’ancien ministre des Finances du gouvernement ontarien de Mike Harris, celui qui a laissé aux libéraux de Dalton McGuinty un déficit de plus de six milliards de dollars, ne fait qu’obéir aux ordres de son patron en concoctant une mixture soporifique qui endormira les Québécois. Étonnant que ce dénouement plus que prévisible apeure Gilles Duceppe au point de jongler à l’idée de lui couper l’herbe sous le pied en précipitant tout le monde aux urnes au retour de la période des fêtes. Heureusement qu’un de ses députés, Pierre Paquette, l’a rappelé à l’ordre!
Avez-vous lu dans ces derniers paragraphes quelques lignes traiter d’un échéancier souverainiste? Visiblement, ce n’est pas dans le ciel de l’Outaouais, précisément sur la rive canadienne de la rivière du même nom, qu’une étoile signale que le chemin à suivre vers la libération du Québec se situe de ce côté.
À scruter le firmament qui coiffe présentement le Cap diamant, il semblerait que là non plus, aucun astre paraît vouloir scintiller de manière à inspirer les souverainistes québécois. L’espoir y fondrait-il au même rythme là-bas, victime lui aussi d’un mois de décembre anormalement doux?
En plus d’avoir déçu suite à une arrivée plus que moyenne à l’Assemblée nationale du Québec, le nouveau chef du Parti québécois multiplie les signes montrant qu’il veut s’éloigner du programme que les militants péquistes ont adopté. Manifestement, la « Saison des idées » et le « Grand Chantier » n’ont servi qu’à distraire les souverainistes après la défaite d’avril 2003 afin d’éviter que le PQ n’implose. Les résultats aseptisés de ces exercices politiques qui devaient renouveler la formation souverainiste paraissent condamnés à être jetés aux poubelles.
Floués, des souverainistes demandent à présent la tête du dirigeant péquiste qui, de toute façon, n’apparaît pas être l’homme de la situation à leurs yeux. Il serait étonnant que leur vœu se réalise avant le prochain rendez-vous électoral qui sera, selon les derniers échos en provenance de Québec, hivernal. Rien ne bougera dans le camp péquiste d’ici là : André Boisclair ignore la grogne qui couve dans ses rangs et s’attribue même la note de « B+ », au sortir de sa première législature à titre de chef de l’opposition officielle.
Tout se jouera donc après l’élection générale. Un scrutin où, sur la défensive, le jeune coq péquiste « reniera » au moins à trois reprises sa « Foi souverainiste » devant le chantage fédéraliste. Il luttera en effet bec et ongles afin de convaincre l’électorat québécois que leur appui qu’il sollicite ne vise qu’à juger le bilan du gouvernement Charest. Choisir le PQ doit être perçu comme le fruit du désir de remplacer une administration qui n’a pas tenu ses promesses. Voter pour le Parti québécois ne lui attribuera en conséquence aucun mandat souverainiste. Un référendum l’accordera peut-être, éventuellement, si les Québécois en souhaitent un. Jean Charest dénoncera évidemment cette « ambiguïté » : ce discours ne concorde pas avec le programme péquiste qui prévoit une consultation populaire « le plus tôt possible dans le mandat. » On connaît hélas trop bien la suite...
Les souverainistes doivent s’attendre à un résultat électoral très serré l’année prochaine. C’est à se demander s’il n’est pas préférable que le Parti québécois ne réussisse pas à chasser les libéraux du pouvoir. Un gain du PQ à l’arrachée n’amènera qu’un pourrissement de la question nationale qui affaiblira le maigre rapport de force que détient le Québec face au Canada. Un contexte pareil, où les péquistes auraient les pieds et les poings liés suite à une courte victoire, affectera à la baisse les appuis que reçoit présentement leur article 1.
Doit-on en conséquence espérer une défaite péquiste? S’il faut se souhaiter ce curieux cadeau à l’aube du temps des fêtes, c’est que les souverainistes acceptent alors de consacrer les quatre prochaines années à la création d’un nouveau parti indépendantiste qui promettra d’appliquer son programme politique s’il recueille, seul ou aidé d’autres partis, le soutien de 50%+1 des suffrages exprimés par voie élective. Quatre années donc qui donneront le temps à cette nouvelle formation de coucher sur papier les caractéristiques des composantes des institutions nationales d’un Québec souverain. Il est trop tard malheureusement pour le faire maintenant face à l’imminence du déclenchement d’une élection générale. Trop tard aussi pour voir le PQ abandonner son dogme étapiste avant cet appel aux urnes.
Il n’y aura donc pas beaucoup de magie autour de la dinde cette année durant la période des fêtes. Un grand nombre de Québécois ont perdu leurs illusions face à l’efficacité de leur Parlement provincial, même si dirigé par le gouvernement le plus fédéraliste de l’histoire du Québec : le système de santé ne s’est pas amélioré et le fardeau fiscal des Québécois n’a pas été allégé comme promis. Mais surtout, la majorité de langue française subit graduellement les affres de son statut de minorité dans le Canada en voyant les fondements de sa culture affaiblis par des accommodements de plus en plus déraisonnables. Le Parti québécois, de son côté, ne capitalise pas sur le retentissant échec libéral parce qu’il propose également la gouverne provinciale. Face à une telle dérive de la croyance populaire envers ses institutions politiques, que faire pour ranimer la féérie? De moins en moins de Québécois croient au Père-Noël. Voilà une bonne chose finalement : n’est-il pas vêtu tout de rouge et de blanc…
N.B. Je vous souhaite malgré tout un Joyeux Noël et une Bonne Année 2007. Meilleurs vœux également à monsieur Bernard Frappier qui m’accueille si généreusement sur son site : un site qui mérite tellement mieux. Je serai de retour le 10 janvier prochain.




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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2006

    L'indépendance du Québec appartient aux Québécois et non pas à André Boisclair. Nous avons le devoir de manifester notre désir de le voir partir. Il en va de NOTRE avenir. Mêlons-nous de nos affaires ! Ça presse !

  • Luc Bertrand Répondre

    20 décembre 2006

    La question qu'on pourrait maintenant se poser, en étant à nouveau contraint(e)s à choisir laquelle, entre plusieurs mauvaises solutions, est la moins pire, ou la moins dommageable pour les intérêts de la nation québécoise.
    Il ne fait absolument aucun doute dans mon esprit: tant qu'André Boisclair restera chef du Parti Québécois, ce n'est pas demain que nous verrons la couleur de l'ombre des apparences de...d'un Québec souverain. Voter à nouveau pour Jean Charest et le Parti Libéral?
    Il y a deux manières de voir l'exercice:
    1. La négative, qui se traduirait par l'asphyxie du mouvement souverainiste, en l'absence de leadership cohérent et rassembleur, au point que l'idée même de l'indépendance, que ce soit par l'impossibilité devenue mathématique suite à l'érosion démographique ou par une perte insurmontable de crédibilité pour l'option, deviendrait un concept utopique;
    2. La positive, dans le sens qu'un nouveau ratatinement de l'État québécois et, surtout, ses conséquences sur la situation socio-économique des Québécois(e)s francophones, finirait par fouetter la fibre nationaliste et pousser le mouvement souverainiste à se radicaliser.
    Dans l'une et l'autre des situations, ça pourrait ressembler à la situation politique qui prévalait entre 1985 et 1987, soit celle de la psychose post-référendaire. Ce qui pourrait grandement influencer la suite seront les événements conduisant à un règlement de la question nationale. Les intérêts de la "nation québécoise" seront effectivement en danger si un Premier ministre canadian (Harper ou, moins probablement, Dion) se montrait prêt à réouvrir la Constitution de 1982 pour tenter de recueillir la signature du Québec. Il sera CAPITAL que la population québécoise s'intéresse de près aux discussions et le meilleur moyen pour elle de se faire entendre sera à travers l'élection d'une forte opposition indépendantiste ou très nationaliste. Si André Boisclair échappe à une tentative de putsch ou parvient à conserver la confiance des militant(e)s (ceux qui restent, bien sûr!), son seul salut tiendra à sa capacité de rebondir en devenant un critique redoutable et respecté à l'Assemblée nationale (tout un contrat!) en espérant que les outils nécessaires à une élection ultérieure sur la souveraineté fassent leur chemin à travers l'establishment du parti (tout en souhaitant qu'il ne soit pas déjà trop tard si cela arrivait!). Je considère toutefois que nos chances de convaincre l'électorat de la justesse de notre option soufriront du retard qu'aura pris l'acceptation de l'approche élective par la direction du Parti. Il va sans dire que la signature par Jean Charest de la Constitution de 1982, que les négociations avec le ROC aient été positives ou non, rendra l'atteinte de notre projet de pays beaucoup plus difficile. Si Jean Charest tient tête au Canada anglais et refuse de signer, la vigueur du mouvement souverainiste pourrait reprendre, mais ne se traduira pas nécessairement en appuis pour le Parti Québécois. La réaction des gens envers le PQ sera sans aucun doute conditionnée par la crédibilité du chef, la cohérence et le sérieux de la démarche visant à faire le pays.
    Pour éviter de descendre plus bas dans le merdier constitutionnel, ne vaudrait-il pas mieux élire le Parti Québécois?
    Avec un PQ manifestement décidé à se contenter d'un nouveau mandat de gouverne provinciale, il faudra trouver un moyen d'inciter les gens à faire confiance au PQ, mais pas au point que son chef ne puisse interpréter l'appui obtenu comme un chèque en blanc à l'endroit de son leadership. Le moyen serait de présenter une excellente équipe de candidat(e)s et de miser sur la sécurité de la défense des intérêts du Québec, en tentant de se débarrasser de Boisclair à la première bourde d'importance comme Premier ministre. La présence d'une brochette de député(e)s et ministres de calibre faciliterait son remplacement rapide. Évidemment, son (sa) successeur(e) se devra de refuser de tomber docilement dans le piège de la gestion de l'impuissance provinciale et revendiquer rapidement la nécessité impérieuse de solliciter l'élection d'un véritable gouvernement national (qui aurait clairement le mandat de proclamer la république du Québec une fois élu) en plaçant la population devant les alternatives de solutions clamées d'avance comme insuffisantes ou inadéquates qui devront dégager publiquement le gouvernement de toute responsabilité ou une démission en bloc.
    Voter pour Québec Solidaire?
    Le parti de Françoise David et d'Amir Khadir n'aura pas assez de temps pour faire connaître et endosser son programme par la population. Si les sondages montrent une augmentation rapide de sa popularité, élire autant de député(e)s de ce parti sera bénéfique, à la condition que le PQ et QS s'entendent pour ne pas permettre la division du vote souverainiste par la présence de candidat(e)s des deux partis dans les comtés où le phénomène pourrait se produire. La présence de QS ne pourra être que bénéfique à l'avancement du projet de société qui devra être présenté dans une éventuelle élection ultérieure sur la souveraineté.
    Voter pour l'Action Démocratique?
    Mario Dumont s'est-il engagé solennellement à faire avancer l'idée d'un Québec indépendant? Poser la question, c'est aussi y répondre.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2006

    Absolument.
    Si le PQ ne peut et ne veut revenir à ce qu'il était à ses débuts: une élection référendaire, qu'il meurt! Que dis-je ? Il l'est déjà. Il s'agit de l'enterrer, pelle boisclairienne en main. Le «libera »s'en vient et c'est tant mieux. Refaisns une autre fois ce que nous avons fait, au début, si vaillamment.
    Chaque vote pour un parti indépendantiste- un vrai -est un vote pour l'indépendance du Québec. Le jour où les Québécois donnenront la pluralité des voix (50? +1) et la pluratité des sièges, l'Assemblée nationale proclamera l'indépendance. En attendant, si le peuple, dans les boîtes de scrutin, élit le parti mais n'a pas la pluralité des voix, il ne formera pas le gouvernement. De crise en crise, le peuple viendra bien à comprendre que le chemin, l'unique chemin, est celui de la liberté.
    Nestor Turcotte
    Matane
    euroenigma25@hotmail.com

  • Normand Perry Répondre

    20 décembre 2006

    «c’est que les souverainistes acceptent alors de consacrer les quatre prochaines années à la création d’un nouveau parti indépendantiste qui promettra d’appliquer son programme politique s’il recueille, seul ou aidé d’autres partis, le soutien de 50%+1 des suffrages exprimés par voie élective. Quatre années donc qui donneront le temps à cette nouvelle formation de coucher sur papier les caractéristiques des composantes des institutions nationales d’un Québec souverain. Il est trop tard malheureusement pour le faire maintenant face à l’imminence du déclenchement d’une élection générale. Trop tard aussi pour voir le PQ abandonner son dogme étapiste avant cet appel aux urnes.»
    Vous savez cher collègue chroniqueur, je commence également à me faire à l’idée que l’on va devoir vivre une autre attente de quatre année de plus avant de voir se réaliser notre grand objectif de l’indépendance nationale du Québec. Il devient de plus en plus évident que le PQ s’en va directement à l’abattoir, du moins, sous la houlette du chef actuel. Je ne crois pas que la population ait grandement envie de faire confiance à un personnage aussi nébuleux qu’amateur que le démontre Boisclair.
    Cette idée de créer une nouvelle formation politique basé sur le concept développé par le RIQ, dont vous faites état dans votre chronique d’aujourd’hui, doit faire son chemin.
    Et pourquoi devons-nous attendre la conclusion du prochain rendez-vous électoral ? Nous avons tous les motifs justifiant une mise en œuvre immédiate.
    Le PQ ne le fera pas. Le silence de Françoise David à mes propositions dans ce sens me laisse à penser que QS s’enlise également dans l’étapisme.
    Alors il faut permettre aux idées du RIQ d’émerger ailleurs et autrement.
    La fondation d’un nouveau parti indépendantiste m’apparaît comme étant un mal nécessaire dans les circonstances.
    Normand Perry
    Chroniqueur du dimanche à Vigile.