On ne fouillera jamais trop notre passé

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009


Ne regardons pas trop en arrière, regardons plutôt en avant, ça fait ringard et passéiste de trop se morfondre sur notre passé. C’est se gratter sans cesse le bobo. Pauvre penseur qui a inventé ce concept bidon.
Voici, en quelques mots, la petite histoire d’un colonialisme qui a été fort payant, celui de la Grande-Bretagne, jadis puissance parmi les puissances colonisatrices.
On a beaucoup parlé des «remesas», ces sommes d’argent que les immigrants envoient à leurs familles depuis leur nouveau pays de résidence. En Amérique du Sud, et en Amérique centrale tout particulièrement, ces envois d’argent provenant des États-Unis ou de pays européens constituent une entrée de devises fort importante. Or, pendant des siècles, ce furent ces mêmes pays aujourd’hui appauvris, sous-développés, aux ressources naturelles qui semblaient inépuisables, qui envoyèrent aux métropoles européennes les sommes d’argent nécessaires à les maintenir en tête du peloton des pays les plus riches, leur évitant ainsi des révolutions que les pays colonisés connurent, à un moment donné ou un autre de leur histoire.
Hamza Alavi estime, dans son ouvrage Capitalism and Colonial Production (1982), que l’Inde a envoyé en Grande-Bretagne, entre 1793 et 1803, soit en seulement 10 ans, autour de deux millions de livres par année, soit l’équivalent aujourd’hui de plusieurs millions de dollars par année. On a littéralement drainé les richesses de ce pays, favorisant la révolution industrielle en Grande-Bretagne et l’appauvrissement de l’Inde.
Un autre chercheur, Ralph Davis, constate, dans son ouvrage The industrial Revolution and British Overseas Trade (1979), qu’à partir de 1760 (tiens! tiens! une date significative dans notre histoire à nous!), la richesse provenant de l’Inde «permit à la Grande-Bretagne d’acheter la dette nationale des Hollandais et d’autres pays, [...] de sorte que la Grande-Bretagne se trouva pratiquement libre de toute dette externe au moment d’affronter les grandes guerres françaises de 1793».
Pendant ce temps, la moitié du budget de la France servait à payer sa dette nationale. Cette situation économique catastrophique a été un facteur important dans la décision de la France d’abandonner ces «quelques arpents de neige».
En d’autres mots, là où la Grande-Bretagne a réussi, la France a échoué. La Grande-Bretagne a réussi à exporter la famine et à importer les richesses nécessaires à assurer sa suprématie sur les autres pays européens. Ce sont en grande partie les envois d’argent et autres richesses en provenance de l’Inde et des Caraïbes qui ont permis à la Grande-Bretagne d’éviter les crises politiques qui secouaient ses voisins.
À titre d’exemple, en 1748, la Jamaïque a envoyé en Grande-Bretagne 17 400 tonnes de sucre. Vers 1815, ces exportations s’élevaient à 73 800 tonnes. Tout cela avec du travail sous-payé, du travail d’esclave. Autre exemple : Entre 1876 et 1877, l’Inde a doublé ses exportations de blé vers la Grande-Bretagne, alors que dans la colonie indienne, les gens mouraient de faim. Les historiens s’entendent pour dire que c’est en grande partie les mauvaises récoltes de 1788 qui provoquèrent la Révolution française de 1789. La Grande-Bretagne, elle, réussit à s’en sortir grâce à ses colonies. Pendant ce temps, dans les colonies, les gens mouraient de faim...
C’est dans ce contexte que s’inscrit la grande défaite de 1760. Heureusement, comme l’a déjà écrit un écrivain dont j’ai oublié le nom, la défaite a quelque chose de positif: elle n’est jamais définitive. Par contre, la victoire a quelque chose de négatif, elle n’est jamais définitive.


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