La Presse et le Moulin

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009

L’éditorialiste en chef de La Presse a produit cinq ou six éditoriaux (versions papier et versions numérique) sur le Moulin à paroles. On se serait cru au cœur d’une grave crise menaçant les fondements de l’État. Il ne s’agissait pourtant que d’un spectacle, une histoire du Québec par les textes, et les réactions qu’il a suscitées, dans ce journal en particulier, intrigueront sûrement nos descendants. Comment La Presse en est-elle venue à publier en page éditoriale une photo du coffre de la voiture où Laporte a été retrouvé en octobre 1970 ?
L’Histoire est subversive et on comprend la Société du 400e anniversaire de Québec, sous l’influence déterminante du gouvernement fédéral, d’avoir mis le couvercle sur l’essence même de l’anniversaire qu’on aurait dû fêter en 2008, celui de l’Amérique française. En 2009, le gouvernement du Québec et les autorités de la ville ont préféré ignorer le 250e anniversaire de la bataille des Plaines et de la capitulation de Québec, laissant au gouvernement fédéral, encore, le soin d’organiser une commémoration consensuelle, par Commission des champs de bataille interposée, qui ambitionnait de rallier les vainqueurs et les vaincus dans une bataille d’opérette…
Dans son dernier papier [(« Le prochain Moulin »->21932], 20 septembre 2009), l’éditorialiste reconnaît du bout de la plume que le ministre Hamad a exprimé son indignation « maladroitement » et que le Moulin a été une réussite « à certains égards ». Il lui reproche cependant d’avoir raté un objectif, celui de tenir un événement rassembleur, et n’a évidemment pas l’élégance de souligner les efforts que les organisateurs ont faits pour l’atteindre, ni, d’ailleurs, le calme et la dignité qui ont marqué ces 24 heures de lecture. Le manifeste du FLQ « a été applaudi », s’indigne-t-il, mais bien malin qui pourrait départager ceux qui acclamaient la prestation du lecteur et les autres. On a aussi applaudi Wolfe, Durham, les évêques qui dénonçaient les Patriotes, Ô Canada
Un texte supprimé (le manifeste du FLQ) et quelques ajouts, dont un discours de Bourassa (autre que celui de juin 1990), des textes de La Fontaine, Laurier et Trudeau (qui en avait un, mais pas assez « représentatif »…), rendraient-ils un autre Moulin acceptable ? L’éditorialiste souhaiterait « un rapprochement avec les fédéralistes », une histoire lue « dans toutes ses nuances », « un événement à la fois pédagogique et rassembleur ». C’est comme espérer la publication d’un manuel d’histoire unique, une idée qui revient à toutes les générations depuis cent ans, et qui se bute à la bête réalité : les Canadiens anglais et les Canadiens français n’ont pas la même histoire.
Les promoteurs du Moulin n’ont pas voulu attendre qu’on arrive à cet improbable consensus et ont invité leurs compatriotes de souche ou de culture française à célébrer leur survivance et leur développement malgré la Conquête et toutes les difficultés qui ont suivi. Le gouvernement du Québec et l’éditorialiste de La Presse n’ont rien trouvé de positif dans cette commémoration. Faut-il s’en étonner ?

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Gaston Deschênes32 articles

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Historien

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2 commentaires

  • Thérèse-Isabelle Saulnier Répondre

    25 septembre 2009

    Bien sûr que Pratte et Cie ne peuvent pas reconnaître le succès ni la qualité de ce "Moulin à paroles". Ils en parlent même comme s'il ne l'avaient ni vu ni entendu... Comme s'ils ignoraient la liste des textes lus, et surtout leur contenu... C'est vrai que ça intriguera nos descendants, et même que ça intriguera bien avant leur naissance: dès que nous serons des centaines de milliers, sinon des millions, à l'avoir vu et revu (il repasse au Canal Vox, les 3 prochains samedis soir à 21h.)
    Même Nathalie Pétrovski (excusez ma peut-être naïve surprise...) en est restée au très primitif stade purement émotif en proclamant, à l'émission de Christiane Charette, que Luck Merville et Brigitte Haentjens, tous deux nés à l'étranger, ne pouvaient être conscients de l'énormité d'inclure au programme le Manifeste du FLQ, dont la lecture, en 1970, a été suivie de la mort d'un homme... Imaginez ce que ça sous-entend comme perception de tout "étranger", de tout Néo-Québécois qui se mêle d'être souverainiste ou, pire, indépendantiste... Même lorsque le Néo-Québécois en question est arrivé ici à l'âge de 3 ans...
    Elle a aussi parlé de ce Manifeste comme d'un torchon mal écrit et bourré de "gros mots". Bien, justement, réécoutons ce Manifeste, lu par Gaétan Montreuil en personne en 1970: si on enlève les quelques gros mots qui s'y trouvent effectivement, le contenu reste fort juste et forme à lui seul un excellent témoignage de ce qu'était la vie des générations précédant celle des "baby boomers". C'est d'autant plus vrai qu'à l'époque, une majorité de gens ont jugé que c'était VRAI, ce qui était dit là. Nous savons, bien sûr, que les choses ont changé depuis, et c'est pourquoi nous, nous pouvons entendre et comprendre son contenu en ce sens: un témoignage historique important dans notre développement, celui d'une révolte légitime. Mais ces fédéralistes acharnés de la nature d'un André Pratte et même, semble-t-il, d'une Nathalie Pétrovski, ne peuvent le comprendre, et pas mal de gens, aussi, finissent par comprendre leur petit jeu: "Tu as un bouton dans la figure, alors tu es une nullité." Ainsi ont-ils jugé et même pré-jugé ce beau et merveilleux Moulin à paroles.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 septembre 2009

    Merci la Presse pour vos éditoriaux si peu convaincants :
    « On le vit étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. »
    Jacques-Bénigne BOSSUET