Bush échouera

Nous l'avons trouvé!

17. Actualité archives 2007


À la fin de 2003, le gouverneur de l'Irak, Paul Bremer, annonçait triomphalement la capture de Saddam Hussein. "Nous l'avons trouvé!" s'exclama-t-il lors d'une cérémonie où rien ne fut laissé à l'improvisation. L'Irak venait de franchir une autre de ces étapes, un autre de ces moments décisifs qui ont le pouvoir de changer la face du monde. Les Irakiens allaient fêter. La rébellion qui grondait allait bientôt rejoindre les poubelles de l'Histoire. Trois ans plus tard, et face au naufrage imminent, le président Bush vient d'annoncer avoir trouvé un énième plan afin de "sauver" l'Irak. Comme les autres, il échouera.
Tous les plans mis en oeuvre par l'administration américaine en Irak n'ont pas donné à ce jour les résultats escomptés. Pourtant, sur papier et dans les discours, l'invasion et la "libération" de l'Irak avaient été présentées comme du gâteau. Nous serons accueillis, avait affirmé sans rire un "expert" du monde arabe et conseiller du vice-président, avec des cerfs-volants et de la musique. Le régime est effectivement tombé et, pendant quelques jours, on a entendu certains cris de joie. Mais la fête a été de courte durée. Dès les premières semaines de l'occupation, l'absence de sécurité, d'ordre et d'autorité a ouvert la voie aux pillages et au chaos. Les Irakiens, qui venaient de vivre 35 ans de terreur, ont réagi comme n'importe quel individu l'aurait fait: ils ont cherché refuge dans les structures qu'ils connaissent le mieux et qui leur ont toujours offert une relative stabilité: le clan, la tribu, la religion. À partir du moment où les Irakiens se sont alignés dans cet ordre, les lignes de fractures déjà visibles dans cette société sous Saddam Hussein se sont élargies. Les Irakiens allaient être chiites ou sunnites, kurdes ou arabes. Les nouveaux partis politiques, à quelques exceptions près, ont reflété ces clivages.
L'occupant n'a pas compris cette dynamique. Afin de refaire l'Irak, les Américains ont favorisé des exilés, au détriment de personnalités locales, en particulier les chefs religieux qui représentaient la vraie résistance à la dictature de Saddam Hussein. Ils ont financé des partis politiques sans véritables prises avec la réalité sur le terrain. Ils ont poussé à l'adoption d'une constitution à l'occidentale où la dévolution des pouvoirs encourage l'exacerbation des ambitions locales et des sentiments autonomistes, sinon indépendantistes. L'Irak était déjà un État artificiel, ils l'ont cassé. Enfin, tous les programmes de formation des forces de l'ordre et de reconstruction se sont heurtés à des résistances et ont sombré dans la corruption. Cet état des lieux, méticuleusement documenté et analysé par la commission Baker-Hamilton, n'a créé que des mécontents. Les Kurdes sont sur le point de faire sécession, les sunnites sont hors-jeu et alimentent la résistance, et les chiites se sont tout simplement emparés du pouvoir et imposent maintenant leur domination. Et comme tout n'est pas simple dans cette région, la Turquie, l'Iran, la Syrie et l'Arabie saoudite appuient leurs alliés.
L'occupation est le problème
Les forces américaines ont vainement tenté de stabiliser la situation en augmentant leurs contingents ici, en ouvrant des écoles là, en changeant les dirigeants au sommet ou en pulvérisant des villes entières afin d'écraser la résistance et le "terrorisme". Rien ou presque n'a fonctionné. Pourquoi? Le président a donné sa version hier soir: "Nous devons affronter un ennemi devenu encore plus mortel", en parlant, bien entendu, d'Al Qaeda. Mais cela est faux. Al Qaeda et les combattants étrangers ne jouent plus de rôle majeur en Irak, s'ils n'en ont jamais joué un. L'ennemi mortel n'est autre que les alliés des Américains, car, après tout, qui dirigent les milices, qui luttent pour le pouvoir, qui alimentent les sentiments sectaires et autonomistes, sinon les partis et les mouvances sunnites, chiites et kurdes associés au gouvernement.
Le plan présenté par le président américain ne fera que reporter à plus tard le débat sur la véritable source de l'échec irakien et de la spirale de violence: l'occupation du pays. Quels que soient les beaux sentiments et les nobles idéaux proclamés par l'administration américaine, une armée étrangère installée aux commandes d'un pays et déterminée à s'incruster restera toujours une force d'occupation. Par sa seule présence, par son incapacité à assumer ses responsabilités en matière de sécurité, par les soupçons qui planent sur ses visées économiques, militaires et stratégiques dans la région, cette force suscite, alimente et grossit la rébellion. Son renforcement annoncé hier et présenté comme une façon de "hâter" son retrait est un mirage.
Le discours du président n'aura, à mon avis, suscité aucun espoir chez les Irakiens et aucun soulagement chez les Américains. Dès les premières minutes, sa description du nombre de bataillons irakiens à déployer dans Bagdad et des tâches qu'il a demandées au gouvernement Maliki de réaliser pour continuer à obtenir le soutien de Washington a alourdi et brouillé le message. Mais, peut-être que de toute façon le message ne passe déjà plus.
L'auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l'Université de Montréal.
j.couloncerium.ca


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