Nos dirigeants nous préparent à la servitude

Et ceux qui ont peur de la liberté sont évidemment mûrs pour la servitude et l’inexistence

Chronique de José Fontaine


On a donc formé en Belgique un gouvernement dit intérimaire qui, en somme, doit parer aux difficultés et aux urgences et en même temps préparer le programme du gouvernement qui lui succédera le 23 mars. Le calendrier est précis.
Vers de nouvelles élections en Belgique?
Ce soir, au club de la presse, quelqu’un a fait remarquer (sans être contredit), que cette date avait été choisie au cas où on devrait refaire les élections. Il n’est pas dit en effet que sur la question de la réforme de l’Etat, Wallons, Bruxellois et Flamands pourront s’entendre.
En raison de toutes sortes de mesures qui les avantagent, en raison de mesures prises jadis (parfois sans équité comme les lois de 1959), qui ont relancé l’économie flamande, les Flamands disposent finalement de possibilités financières énormes pour assumer les compétences qui seraient transférées de l’Etat fédéral à la Flandre ainsi qu’aux autres entités fédérées.
La Wallonie ne bénéficiera pas dans la même mesure de ces possibilités. Il est encore arrivé récemment que l’enseignement de langue française, manquant d’argent, doive être refinancé par l’Etat fédéral, mais la Flandre a obtenu la contrepartie de ce refinancement alors qu’elle est une région plus riche que la Wallonie.
Depuis 1910, la Wallonie toujours minorisée dans l’Etat belge, réclame le fédéralisme pour ne plus être soumise à un Etat où la Flandre a toujours eu la majorité. Quand les difficultés de l’économie wallonne se sont révélées en plein jour, soit au début des années 60, la revendication autonomiste wallonne se fonda en outre sur l’idée que, indépendante à l’égard de l’Etat central ou du moins plus indépendante, la Wallonie pourrait mener une politique plus spécifiquement adaptée à ses difficultés.
A l’époque, la Wallonie n’était pas aussi basse qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais, quoi qu’il en soit, elle n’a obtenu une vraie marge de manoeuvre qu’au milieu des années 1990. On estime aujourd’hui que la Wallonie progresse économiquement au même rythme que la Flandre depuis cinq ou six ans. Mais la crainte des leaders wallons, c’est qu’ils ne puissent pas réellement faire bénéficier la Wallonie des moyens politiques qui leur seront transférés.
Myopie de la presse et des responsables wallons
Au club de la presse de ce soir à la RTBF, certains journalistes - reflétant une opinion certaine – estimaient que dans le domaine de l’enseignement, la Wallonie n’a pas montré qu’elle actionnait bien ses compétences, car elle a de plus mauvais résultats que la Flandre selon l’enquête PISA. C’est un bien mauvais exemple qu’a donné ce journaliste parce que, évidemment, dans ce domaine – et notamment parce que la foi des dirigeants wallons dans les vertus de l’autonomie n’est pas toujours très grande – que l’enseignement wallon ait été autonome ou pas comme il l’est depuis quinze ans, ses performances ne seraient pas différentes. On peut le dire à coup sûr parce que, avant que l’enseignement ne devienne une matière juridiquement autonome dans l’Etat belge, l’enseignement wallon ou flamand étaient déjà gérés de manière complètement différente (ce qui n’est pas le cas d’autres domaines).
Pour des raisons de fond, je suis sceptique à l’égard de ces arguments disant que la Wallonie ne pourra pas profiter de son autonomie. En effet, quand j’avais vingt ans, dans les années 60, les arguments utilisés étaient déjà identiques alors que la situation était différente. La vérité c’est qu’hommes politiques et médias en Wallonie ne croient plus actuellement – n’ont peut-être jamais cru - dans les possibilités de l’autonomie et de la liberté. Et en général quand on est sceptique à cet égard, c’est que l’on n’a pas confiance en soi et que l’on a peur de la liberté. Et ceux qui ont peur de la liberté sont évidemment mûrs pour la servitude et l’inexistence.
Certes, le président wallon a déclaré cette semaine qu’il n’avait pas peur de l’autonomie. Mais il faudra plus qu’une déclaration isolée pour qu’il me persuade qu’il croit à l’avenir de son pays. Pour ma part, je suis persuadé qu’il n’a aucune confiance dans son propre peuple. Dans l’école où j’enseigne, une classe de jeunes adultes, de manière vraiment méritoire, sur le temps de midi, s’est mise à refaire l’histoire de la Wallonie. Je dis de manière méritoire car dans l’enseignement en général, la plupart des enseignants se moquent bien de porter des préoccupations wallonnes. Au contraire même, si l’on est un militant wallon et même si l’on ne fait que parler positivement de ce que la Wallonie peut faire constitutionnellement, on risque d’avoir mauvaise réputation.
Par là, je veux en venir à ceci: que mes lecteurs ne soient pas surpris que dans mes chroniques, je fasse périodiquement éclater ma colère contre l’incompétence proprement politique des dirigeants wallons. Je le fais non sans le sentiment d’être responsable, car depuis trente ans, je lutte – en vain - pour que les Wallons croient en leur avenir et aux possibilités que l’autonomie leur offre.
José Fontaine

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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