Autopsie d'une autodestruction

Mort annoncée de la Presse

Chronique de Louis Lapointe

Ma mère est venue souper à la maison avec mon père le soir de la St-Jean. Elle a 81 ans. Nous avons parlé du déclin de la presse écrite. Comme bien des indépendantistes, elle lit la Presse. Que voulez-vous, elle aime Foglia ! Moi, je préfère le Devoir.
Elle m’a donc parlé de la Presse et de ses éditorialistes. Elles les trouvent innocents. « Je ne peux pas comprendre que des gens comme Dubuc et Pratte s’acharnent à dire et répéter inlassablement que la langue française n’est pas menacée au Québec et à Montréal. Ils écrivent en français, c’est leur fond de commerce personnel. Pourquoi ne font-ils pas la promotion de notre langue ? La disparition d’un seul quotidien français à Montréal serait une véritable hécatombe pour les journalistes qui écrivent en français. Je peux comprendre que des gens comme les Desmarais s’en moquent, tout ce qu’ils veulent c’est faire de l’argent, en anglais ou en français, mais les journalistes de la Presse, c’est différent, ils gagnent leur vie dans cette langue. Il faut vraiment être imbéciles pour se tirer dans le pied comme ils le font. »
Alors que j’écoutais ma mère, je me suis dit que ça ferait un méchant bon sujet pour une chronique. En ouvrant le Devoir de ce matin, j’ai vu que les journalistes de mon journal étaient beaucoup moins innocents que ceux de la Presse, « Fin des journaux, fin des nations ? » titrait le Devoir en première page ce matin. Il faut dire que le Devoir est un journal qui privilégie le contenu, la réflexion et les débats, alors que selon les dires de ma mère, la Presse déclinerait à cause de l’effritement de son contenu. « Louis, il n’y a presque plus rien dans la Presse, ce journal-là est en train de mourir, comme si on voulait le tuer volontairement.»
Ma mère prédit que la Presse disparaîtra un jour ou l’autre parce que ce journal ne défend pas la langue française comme il le devrait, ses chroniqueurs et éditorialistes contribuant eux-mêmes à l’accélération de ce mouvement en répandant la pensée «gescaienne» qui est hostile au Québec français et à la langue française.
Pour elle, il ne fait plus aucun doute qu’une des premières victimes de la montée du bilinguisme au Québec sera La Presse, parce que ses lecteurs sont déjà perméables à l’idée du bilinguisme d’ouverture qu’on leur y vend chaque jour et dont on a ouvertement fait la promotion à l’occasion de l’imbroglio de « L’Autre St-Jean », incident qu’on a manifestement monté en épingle dans ce but précis.
Selon ma mère, un des objectifs à long terme de La Presse serait la programmation de sa propre disparition. « Tout est fait dans ce journal pour que le français meure un peu plus chaque jour au Québec, l’institutionnalisation du bilinguisme et la normalisation du Québec étant les véritables objectifs de ses propriétaires. » Elle est convaincue que plusieurs de ses lecteurs iront naturellement vers l’anglais, ce n’est qu’une question de temps.
Vous l’avez sans doute remarqué, ce n’est certainement pas parce que ma mère a 81 ans qu’elle manque de suite dans les idées. Dans son cas, on devrait plutôt parler de sagesse!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2009

    Votre mère a tout à fait raison. J'en suis arrivé à la même conclusion l'année dernière. Ce journal dit le plus grand quotidien français d'Amérique, en ne défendant pas la nation québécoise et sa langue, contribue à sa disparition et plus grave encore, à notre assimilation lente et progressive à l'anglais.
    Et ce sont les nôtres, les assimilés progressifs, qui paient avec leur argent ce travail d'assimilation. Ils financent leur bourreau. Comme le bourreau est content ! Slick!

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2009

    Je pense comme votre mère ---et j'ai 51 ans !
    Et je ne suis pas la seule à penser ainsi dans ma famille et dans mon entourage.
    Certains lisent encore La Presse.
    D'autres Le Devoir.
    D'autres, comme moi, lisent les deux, histoire de voir ce que l'ennemi prépare et ce que l'ami nous propose !
    Salutations ! Votre chronique était savoureuse (et le souper aussi j'espère !).
    Christiane Dupont

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2009

    Pour aider Gesca La Presse a disparaitre il faudrait que les souverainistes sortent de leurs confusions stratégiques et arrêtent de nourrir la bête qui est leur pire ennemie:
    http://www.vigile.net/Arretons-de-nourrir-la-bete-Gesca
    JCPomerleau

  • Jean-Charles Morin Répondre

    29 juin 2009

    Je crois au fond que vous avez parfaitement raison. Moi-même je me suis retranché volontairement du lectorat de La Presse depuis plusieurs années. Que d'économies d'argent et de papier-journal que je peux maintenant sagement investir ailleurs! Aux oubliettes les inepties d'Alain Dubuc, André Pratte et avant eux, de ces débris idéologiques pontifiants qu'étaient Marcel Adam, Renaude Lapointe, le pseudo-romancier Roger Lemelin et l'ineffable Roger D. Landru!
    Je dois confesser toutefois que je lis parfois Cyberpresse: c'est gratuit et ça me rappelle pourquoi autrefois leurs élucubrations frontales et subliminales me faisaient tellement pomper. Il faut croire que, comme Popa, quand je me pompe ça me calme! Maintenant je me console et m'instruit en lisant le Devoir (de même que Vigile bien sûr) et je conseille sans réserve à tous ceux qui veulent se prémunir du lavage de cerveau de le faire sans tarder.
    Adieu La Presse! Dommage qu'une telle institution se soit finalement retournée contre nous...

  • Archives de Vigile Répondre

    28 juin 2009

    En effet, votre mère est bien sage.
    Notre élite, y compris la souverainiste, ne semble pas se rendre compte de tout le mal qu'elle se fait, ainsi qu'à notre peuple. En effet, le temps n'est pas loin où les Québécois ne liront plus les journaux de langue française. Les générations qui nous suivent ont été bien formatées à cet égard. Elles ne connaisssent plus leur Histoire et savent à peine écrire. Et ce n'est pas par manque d'argent et de moyens comme ce l'était autrefois.
    Que faire? Je ne sais plus.
    Marie Mance Vallée

  • Archives de Vigile Répondre

    27 juin 2009

    Il ne faudrait pas oublier l'éventualité que La Presse publie plutôt dans les deux langues (francais-anglais) comme le font déjà certains journaux régionaux. Même qu'il ne faudrait pas se surprendre que La Presse publie dans plusieurs langues selon la logique multiculturelle canadienne. Evidemment, cela ne se fera pas à Toronto mais à Montréal...ce n'est pas pareil. En ce qui me concerne, j'ai cessé de lire La Presse depuis longtemps à cause de son manque d'objectivité et de sa propagande fédéraliste. Il vaut mieux avoir un journal francophone de moins au Québec qu'avoir ce journal-circulaire sans âme.