Miroir «obamalien» de l’imaginaire racial

Présidentielle étatsunienne

Barack Obama, ni noir ni blanc,
Plutôt Noir et Blanc ou simplement Américain.
Pas à pas, le long tunnel des présidentielles américaines dévoile ses deux bouts. Avec patience, bientôt nous saurons qui entre deux hommes succédera à Bush. Oh que la barre est basse ! Peu importe qui l’emportera, le pire président du siècle achève son gâchis. Entre-temps, le ciel s’ennuage de blanc et de noir, sans éclairs ni éclaircis. Et pour cause, le spectre d’une vieille adversité raciale en ondes et dans les airs. Si Obama l’emporte, médias des plateaux et des ghettos titreront en gros : « le premier président noir d’un pays développé », faisant échos dans la rue partout ici et dans le monde. Mais il ne sera pas noir pour autant, seulement de prêt.
Ils sont en effet nombreux, chroniqueurs, commentateurs et éditorialistes qui, depuis les tout débuts des primaires 2008 aux USA, articulent leurs analyses et pronostics à travers la paire de lunettes genre et race. Ils ont écrit et dit, que la véritable campagne se jouerait dans le camp des démocrates et que les Américains se trouveraient face à un dilemme, soit le choix entre une femme et un « noir » pour la maison blanche. Certains avançaient même que « les Américains ne sont pas assez mûrs pour élire une femme à la présidence, encore moins un « noir » ». Sont-ils crédibles ? Soit, supposons que oui. Alors, si la brillante Hillary dont le ticket retour demeure valable est d‘évidence une femme, voir en Obama un « noir » n’est à mon sens pas soutenable.
Gène noir et gène blanc, ou même plus.
Fils d’une mère blanche et d’un père noir, qui sait si pas x fois arrière petit fils amérindien, Barack Obama est pourtant partout présenté comme étant un « Noir » ! Cela a pour corollaire, transposé dans notre nouveau monde d’égalité des sexes, une fine dose de mépris eu égard l’équité des droits des parents à se mirer dans leurs progénitures. Pourquoi Obama serait-il le fils de son père « noir » dans l’éclipse totale de sa mère « blanche » ? Cela semble aux yeux d’aucuns normal. Mais c’est plutôt triste, voire dangereusement malsain.
En Amérique du Nord, notamment aux USA, une certaine croyance voudrait que toute personne née d’un parent ou d’un ancêtre « de couleur » sera de couleur. Cette acception consécratrice de la prévalence du gène noir sur le gène blanc, n’est pas soutenue par une considération valorisante. Elle est plutôt empreinte d’une subtile et triste perception hiérarchisante des races, et le culte de pureté et de domination blanche eu égards l’autres races. Les puristes s’en défendront, mais s’enfargeront dans leurs argumentaires. Une eau pure mélangée le moindrement avec une eau salée ne sera plus pure, disent-ils, plutôt sera-t-elle salée. Ainsi se mélangeraient également les races. Mais alors, à quoi tient la désignation de la race qui ne se mélange pas ? Logiquement, soit les frontières raciales tombent avec le mélange des gènes, soit une autre race en émerge. Certains tentent de se soustraire de la discussion et associent la prévalence du « noir » ou de l’« indien » au souci de préservation des minorités, préoccupation paradoxalement partagée par ces mêmes minorités et la majorité. Serait-ce si important, judicieux, si l’on n’était pas obnubilé par les différences raciales ?
Ce biais d’attribution identitaire n’est ni typiquement nord-américain, ni uniquement électoraliste. Ceux qui le moindrement sont informés au sujet de la tragédie du Rwanda, feront un lien avec le drame des familles mixtes dans un contexte de barbarie ethnicisée. Au Rwanda, hutus et tutsis sont significativement mixées. Imaginez le drame lorsque esprits véreux et bourreaux se liguent pour discriminer voire éliminer les membres d’un groupe ethnique, et qu’une mère se voit enlevé son bébé à qui l’on attribue l’identité ethnique du père ! Évidemment il s’agît là d’une situation extrême. Aux USA, dans un tout autre contexte, d’autres étoiles bicolores sont peintes en « Noir », souvent avec fierté et délices. On en compte beaucoup parmi les vedettes des arts, à l’instar de la prodigieuse Alicia Keys. Au Canada, l’exemple qui crève les yeux est celui du génial Gregory Charles. Gregory a beau articuler l’harmonie multicolore incarnée en lui, hélas d’aucuns persistent à dire qu’il est simplement noir. Noirs et Blancs s’entendent pour ne voir en lui qu’une descendance négroïde ! Peut-on questionner cette vision monoculaire ? Je n’ai rien contre la plus grande visibilité du noir, mais je trouve incommode de réduire de cette façon la beauté du mélange des gènes et des couleurs. Et je trouve encore déplorable que l’on focalise sur l’aspect emballage au risque de ne pas savoir bien apprécier le meilleur dans le contenu.
Plutôt américain d’esprit
Sur le plan émotif et politique, Barack ne se serait à ma modeste connaissance confié à personne pour s’identifier exclusivement au « Noir ». Ses discours n’y font pas non plus allusion. Même son curriculum vitae montre plutôt un cheminement décloisonné. Seule son épouse Michelle le rapproche davantage de la race noire, mais, il n’y a pas que le mariage pour sceller l’alliance, le choix des amis et des complices professionnels également. Comment alors l’opinion arrive-t-elle à voir en lui un « noir », et pourquoi voudrait-on qu’il soit un « noir » ?
Blancs et Noirs et les autres j’imagine le voient comme tel, avec des sentiments qui sont sensiblement les mêmes, allant de l’étonnement à la fierté. Je les entends souvent ces voix émues proclamant la joie et la fierté que leur inspire ce jeune sénateur et orateur hors pairs, et leur rêve de vivre avec lui l’effondrement de l’imaginaire muraille d’apartheid à la maison blanche. Hélas, le décor est plutôt triste, manifestement brodé sur le fond d’un double complexe de résonance raciste. D’une part, il y a des Noirs qui se cherchent désespérément une étoile noire dans un ciel en blanc, et des Blancs qui ont aveuglement besoin d’un ciel en noir pour bien voir des étoiles, d’autre part.
A mes yeux à moi, Barack biologique est autant noir que blanc, mais Obama de la scène politique n’est ni Noir, ni blanc, ni mulâtre, ni métis. Il est Barack Obama, charismatique citoyen américain et valable aspirant à la présidence des destins de cet empire qui préside au pire ou au meilleur des destins de notre humanité. Ceux qui le voient autrement sont à mon avis piégés dans l’angle mort d’un racisme dormant.
Le beau défi d’Obama
Obama président des USA, n’est certes pas le Barack « black » ni l’Obama blanchâtre ou métis. Le présidentiable Barack Obama tout en étant de souches noire et blanche, est plutôt l’homme aux devants d’une équipe multiethnique où jouent cote à cote Blancs et Noirs, Juifs, hispaniques, et j’en passe. Il est aussi la pelle d’une grande machine démocrate, rassembleur et « Américain », fort de sa capacité à transcender les frontières raciales.
Cependant, Noirs et Blancs voudront qu’il soit fidèle au « black ». Des Noirs, prisonniers des adversités raciales, croiraient paraît-il que travailler main dans la main avec des Blancs équivaut un reniement, et s’attendraient à ce que Obama joue leur partition. Ils s’accrocheront à lui, voulant monter avec lui, hélas avec le risque de l’attirer dans leur trou noir. A eux, il devra vendre les vertus de la diversité et du beau rêve américain (pour tous la limite est au ciel), les emmener vers lui plutôt que d’aller vers eux. De l’autre côté, des Blancs dopés aux perceptions racistes hérités d’anciens temps coloniaux, voudront voir Obama les conforter dans leur représentation caricaturale d’un « négro » brillant comme une étoile filante. Face à eux, le présidentiable Barack Obama devra refuser d’être ce qu’ils voudraient qu’il soit, tout en veillant à ne pas se renier l’une ou l’autre de ses origines. Ni noir ni blanc, tout en étant les deux et bien plus, Barack Obama est, doit-on dire une révélation providentielle des temps nouveaux, aussi bien pour l’Amérique du nord que pour le monde tout entier. Ainsi soit-il.
Francois Munyabagisha
_ fmunyabagisha@hotmail.com
_ Drummondville, Québec

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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2 commentaires

  • Michel Guay Répondre

    4 septembre 2008

    Les USA ont abolis l'esclavage pour le travail sous payé mais pas le racisme. Les mouvements racistes sont permis aux USA encore en 2008 .
    Obama même élu ne règnera jamais sur cette dictature militaire

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2008

    Vous m'enlevez les mots de la bouche. Merci!
    Mireille