Québec -- «Nous avons l'impression qu'ici à Québec, nous avons vécu miracle sur miracle», a lancé hier le secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie Abdou Diouf, qui était extatique lors de la conférence de presse de clôture du Sommet. «La magie de Québec a joué à plein», s'est-il exclamé. La réunion de quelque 45 chefs d'État et de gouvernements, et de dignitaires de 60 pays a toutefois débouché sur une déclaration comportant peu d'engagements précis dans les domaines ciblés: la langue française, qui était abordée pour une première fois; la paix, la gouvernance et l'État de droit; la gouvernance et la solidarité économiques, l'environnement, le développement durable et les changements climatiques.
Après sa sortie, M. Diouf a tout de suite enchaîné en disant qu'il ne pouvait «donner les détails» de tous les miracles produits à Québec. Il a soutenu qu'il y a eu des moments où il s'est demandé «comment on allait ressortir de telle situation et, chaque fois, on y arrivait», a-t-il affirmé sans donner d'exemple précis.
Le Sommet de Québec devait consacrer un changement de formule afin de le rendre moins formel et plus interactif, selon le voeu du gouvernement québécois. En effet, les chefs d'État et de gouvernements ont pu avoir davantage d'échanges directs, ce qui a réjoui Jean Charest. Le premier ministre a signalé hier que «dans un huis clos», les chefs ont pu établir des «contacts directs». «C'est des moments très rares dans nos vies», a-t-il dit. Toutefois, cette formule, qui privilégiait les huis clos, fut doublée d'une sécurité très stricte qui a non seulement bouclé une partie de la capitale, mais aussi, à l'intérieur, établi une cloison étanche entre les lieux où les délégations circulaient et les quelque 700 membres de médias accrédités, confinés à une immense salle de presse. Questionné à ce sujet, le premier ministre Charest a d'ailleurs noté hier que, «pour l'avenir, on voudra faire un examen de la formule pour la rendre plus accessible». Il a tenu à dire qu'il n'y avait là «aucune mauvaise foi» de la part des organisateurs. Des sources à l'OIF ont confié avoir été étonnées du faible nombre de conférences de presse tenues pendant le sommet.
73 points
La déclaration définitive comporte 73 points et s'accompagne de résolutions particulières sur la langue française, les droits des enfants, les personnes déplacées et la promotion du tourisme dans les pays du Sud.
La question de la crise financière internationale et la polémique autour des propos de Nicolas Sarkozy sur la souveraineté du Québec se sont invitées au sommet.
La crise financière fait l'objet de trois engagements particuliers dans la Déclaration; c'est le premier forum Nord-Sud à s'être penché dessus depuis qu'elle a éclaté, a noté le premier ministre Charest. L'un des engagements appuie sans ambiguïté le projet, proposé par Paris, d'un sommet international. Les autres sont moins concrets:
* «Manifester notre solidarité dans le cadre de la crise financière actuelle, assurer la solidité et la stabilité du système bancaire et financier international et prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif»;
* «Participer activement au renforcement du système financier international afin de le rendre plus cohérent, et soutenir en particulier une réforme visant la transparence, la solidité bancaire, l'intégrité et l'amélioration de la gouvernance économique mondiale.»
Le français
Au sujet de la langue française, la déclaration de Québec comprend quatre principaux engagements sans cibles précises. Au moment où le Rwanda a révélé qu'il passait à l'anglais, la Déclaration rappelle simplement qu'il faut «renforcer la place de la langue française dans nos systèmes éducatifs». Les délégations participantes ont convenu aussi de «prendre les mesures nécessaires à l'application effective des dispositions nationales et internationales relatives à l'usage du français dans la vie internationale». À ce sujet, signalons que c'est en anglais, samedi, que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a fait savoir, dans une lettre au président français, qu'il appuyait l'idée d'un grand sommet mondial sur la crise financière. Seule la formule de politesse griffonnée à la main, «avec mes sincères salutations», était en français.
La résolution sur le français comporte l'idée d'un «pacte linguistique». Les chefs francophones demandent «au Secrétaire général d'entamer les démarches visant à conclure un pacte linguistique avec les États ou gouvernements qui le souhaitent». Ce pacte non coercitif préciserait «les objectifs qu'ils se fixent et les moyens qu'ils entendent mobiliser pour favoriser l'utilisation sur leur territoire de la langue française».
Changements climatiques
La lutte contre les changements climatiques, sous l'angle des relations Nord-Sud a également occupé les leaders francophones.
Le gouvernement canadien est revenu à la charge avec son engagement de mettre 100 millions de dollars à la disposition des pays les plus pauvres du continent africain, des Caraïbes et du Pacifique Sud, dans l'année qui vient, pour minimiser l'impact des changements climatiques chez eux.
La Francophonie dit appuyer le protocole de Kyoto et va chercher à atteindre l'objectif de réduire d'au moins 50 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2050.
Dans ses remarques de clôture, le premier ministre Harper a soutenu que les pays riches pouvaient faire davantage pour aider financièrement les pays du Sud à améliorer leur bilan environnemental.
Par ailleurs, la déclaration de Québec comporte un engagement à «garantir la liberté de presse dans notre espace et au-delà, et à assurer une meilleure protection des journalistes». Du reste, le club francophone s'ingère dans les affaires internationales et affirme son «attachement à la souveraineté de la Géorgie». Il dit soutenir aussi les appels visant à «créer au Moyen-Orient une zone exempte d'armes de destruction massive, notamment les armes nucléaires».
Bibliothèque francophone
Samedi, l'OIF et la présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Lise Bissonnette, ont présenté un projet culturel qui se veut ambitieux: le portail du Réseau francophone des bibliothèques nationales numériques (www.rfbnn.org). Celui-ci est en ligne et l'on peut y consulter plusieurs milliers de documents, comme des journaux, des revues, des livres, des cartes et des plans ainsi que des archives numérisées issues des collections d'une dizaine d'institutions documentaires de l'espace francophone. L'objectif est à terme d'en faire la Grande Bibliothèque numérique francophone. La conception et la réalisation du portail ont été confiées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Mme Bissonnette a expliqué qu'à l'heure où Google a entrepris de rendre disponibles des millions de documents numérisés, «parfois sans l'accord des auteurs», la Francophonie se devait de se donner cet outil. «Les journalistes me demandent toujours: "la Francophonie, ça fait quoi?" Eh bien, il y a ça», a lancé Frédéric Bouilleux, directeur de la Langue française et de la Diversité culturelle et linguistique à l'OIF.
Prochains rendez-vous
Par ailleurs, les participants au sommet ont choisi de se retrouver de nouveau à Madagascar en 2010. La République démocratique du Congo avait aussi déposé sa candidature pour accueillir le prochain sommet.
Quant aux prochains jeux de la Francophonie, ils auront lieu à Beyrouth, au Liban, fin septembre, début octobre 2009. Le ministre de la Culture du Liban, Tammam Salam, a soutenu samedi que la pays garantirait la sécurité des athlètes et des artistes qui y participeraient. Mi-blagueur, il a dit qu'il serait possible d'avoir un déploiement de sécurité aussi sinon plus élaboré qu'au sommet de Québec...
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Avec La Presse canadienne
«Miracles» à huis clos
Le Sommet de la Francophonie à Québec accouche d'une déclaration ambitieuse, tous azimuts
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