Evènements au Sommet de la Francophonie

M. Sarkozy, le Québec et le Canada

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008

 
Le 12ème Sommet de la Francophonie, tenu à Québec du 17 au 19 octobre 2009, restera dans les mémoires, moins par son importance propre que par ce dont il a été l’occasion : les réactions de la presse québécoise, et même française, à la courte présence du Président de la République et surtout à ses déclarations au sujet du triangle Canada-France-Québec.
 
1) M. Sarkozy, le Québec et le Canada, et les autres à-côtés du Sommet :
 
L’écourtement sensible de la présence de M. Sarkozy au Sommet était, certes, commandé par un agenda international particulièrement chargé du fait de la grave crise mondiale.
Il fut, du reste, compensé par la présence du Premier Ministre M. Fillon, ami du Québec ; le samedi 18 au matin, évènement unique, la France était représentée à la fois par son Président et par son Premier Ministre !
Il n’en demeure pas moins que le « petit tour et puis s’en va » de notre Président pour aller dans la voiturette électrique de Camp David a été ressenti par beaucoup de Québécois, et par leurs media, comme une première regrettable dans la série des douze sommets francophones. Comme une marque que la Francophonie intéresse moins les élites françaises, et relativement peu le Président Nicolas Sarkozy.
 
Avant le Sommet, une première pour un Président français : il lui a été donné de s’exprimer devant l’Assemblée Nationale du Québec.
M. Sarkozy a fait une belle déclaration d’amour – bien reçue sur place - à « nos frères » québécois membres de « la famille », sans oublier les (simplement ? seulement ?) « amis » du Canada, dans la Vieille Capitale de la Nouvelle France.
Mais dans une conférence de presse relative au Sommet, il a déclaré que le monde actuel avait besoin d’unité, et non de « divisions » supplémentaires. Phrase perçue comme s'appliquant au Canada et à sa province francophone. L’ancien Premier Ministre du Québec (en fonction jusqu'au deuxième referendum, perdu de peu le 30 octobre 1995, « referendum volé par les fraudes d’Ottawa » selon les indépendantistes) M. Jacques Parizeau (« Sarkozy dit des énormités »), et une bonne partie de la presse québécoise, pas seulement indépendantiste, ont réagi vivement, souvent avec tristesse et indignation, estimant que le Président français avait rompu avec la tradition quarantenaire de la France, depuis le Général, de « non-ingérence et non-indifférence », et de « relations réellement privilégiées » avec le Québec, au profit d’Ottawa et – disent-ils - de son amitié avec le magnat québécois, mais très fédéraliste, Paul Desmarais, président de Power Corporation, qui, fait par lui commandeur de la Légion d’Honneur, était au Fouquet’s le soir de fête du 6 mai 2007…
Quelles que soient les explications rassurantes et les protestations d’amitié préférentielle prodiguées par l’entourage du Président de la République, l’impression générale demeure, et demeurera, d’un coup de pied de l’âne donné au souverainisme québécois et aux relations privilégiées France-Québec.
 
Un Sommet très « co-organisé » par Ottawa et le Premier Ministre Fédéral M. Harper. La co-organisation n’avait rien d’anormal en principe dans la situation actuelle de la « Belle Province »… Mais en fait un peu phagocyté et récupéré, comme le fut cette même année le 400ème anniversaire de la fondation de la Vieille Capitale par Samuel de Champlain, dans l'organisation, le financement, la visibilité et la médiatisation ; le gouvernement actuel du Québec n’y ayant pas trouvé trop à redire.
 
Un Sommet où, sur 68 membres permanents, associés et observateurs, moins de 40 chefs d’Etat et de Gouvernement ont été présents ; à peu près comme à Bucarest en 2006 ; une vingtaine de pays représentés par des personnages de moindre rang. On y a compté plusieurs absents de marque, dont l’Ivoirien M. Laurent Gbagbo, et M. Joseph Kabila (RDC) excusé au dernier moment (après tout, notre président lui-même ayant failli ne pas venir…) sans parler de M. Paul Kagamé, qui vient de faire savoir, opportunément juste pour le Sommet, que son Rouanda va remplacer le français par l’anglais dans l’enseignement, adhérer au Commonwealth, et créer un « cricket board ».
Il est vrai que M. Ban Ki Moon y a été présent et fort bienveillant, que M. Barroso, Président de la Commission européenne accompagnant le Président Sarkozy, et donc de passage entre le Sommet U.E.-Canada et la rencontre avec M. G-W. Bush, a salué les participants, et que le Président algérien M. Abdelaziz Bouteflika a assisté pour la troisième fois à un Sommet francophone, en invité spécial.
Espérons que le choix de Madagascar pour tenir le 13ème Sommet, en 2010, freinera la tendance de ce pays à passer lui aussi à l’anglais, sous la poussée de son Président anglophone et protestant et avec l’appui de nos « amis ».
La RDC (Kinshasa) qui était sur les rangs, accueillera le 14ème Sommet, en 2012.
 
2) Le Sommet lui-même :
 
Il a été encore timide en matière de langue française, pourtant promue pour la première fois parmi les thèmes principaux de la rencontre.
Il n’a pas repris la vieille proposition des associations de promotion de la Francophonie (d’abord d’« Avenir de la langue française » et du FFI-France), sans cesse remise sur le tapis, de faire adopter par les pays membres qui ont tous voulu entrer dans l’Organisation internationale de la Francophonie une « clause de la langue étrangère la plus favorisée ». Cette clause consisterait à faire donner, par chaque pays dans son enseignement, ses media, ses relations internationales, au français au moins la même place qu’à toute autre langue non nationale, le plus souvent à l’anglo-américain.
Seule l’idée, encore mal précisée, d’un pacte linguistique à conclure par chaque pays avec l’OIF a été retenue.
Et les décisions ont été prises de réaliser la Grande Bibliothèque numérique francophone, et de faire de plus grands efforts pour la formation des enseignants, notamment de français, chez les membres en développement.
 
Une autre nouveauté non prévue : la grave crise financière qui s’est invitée en force a fait que la grande rencontre des 68 membres a été la première conférence Nord-Sud à en traiter. Et M. Sarkozy a pu s’envoler pour son dialogue avec le Président Bush à Camp David fort de l’appui unanime de 68 pays « francophones ». Appui qui s’ajoutait opportunément à celui des 27 membres de l’Union Européenne, pour obtenir des Etats-Unis leur participation à une conférence mondiale pour refondre ou refonder le système monétaire et financier international. Approuvé par le Secrétaire Général de l’ONU, M. Ban Ki Moon, qui assistait au Sommet francophone et y proposa de tenir à son siège new-yorkais ladite conférence internationale, depuis lors fixée au 15 novembre.
 
Le Sommet a encore accentué l’un des gros défauts de l’OIF : l’élargissement à tout va, sans approfondissement, vers une ONU-bis, par l’admission, en attendant Israël, de deux nouveaux observateurs : la Lettonie et la Thaïlande ! L’Arménie est promue de la catégorie des observateurs à celle de membre associé. On nous assure que cette montée en grade s’est accompagnée d’un développement sensible de l’enseignement du français dans ce pays, qui a fourni à la France, après les génocides connus, de nombreux nouveaux et bons nationaux…
 
Un Sommet un peu sauvé par la conjoncture, mais relativement décevant, et qui traduit malheureusement un certain essoufflement auquel il devient urgent de remédier par un sursaut sérieux.
Un Sommet dont certains à–côtés laisseront des traces dont nous aurons tous à souffrir, si nous ne changeons pas de pied.
 

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Albert Salon5 articles

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Albert Salon (né le 12 mars 1935 à Auxerre) est un diplomate français, engagé dans les questions liées à la Francophonie et à la défense de la diversité ([Wiki->http://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Salon])





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