Mémoire de Martin Collacott soumis à la Commission Bouchard/Taylor

Dossier de Hérouxville


Martin Collacott

Membre Sénior (Fellow)

Fraser Institute

Vancouver
Note : Dans le commentaire et les recommandations qui suivent, je réfère à la fois à la société canadienne en général et à la société québecoise en particulier. J’agis ainsi car je considère que le défi de déterminer ce qu’est l’accommodement raisonnable en fonction des demandes et des attentes de nouveaux arrivants est d’importance majeure pour les deux sociétés. Bien que plusieurs sujets soient semblables, je reconnais qu’ils ne sont pas tout à fait identiques comme par exemple, le statut de la langue française au Québec.
La contribution de l’immigration et de la diversité au Canada et au Québec
L’immigration a contribué au développement du Canada et du Québec de plusieurs façons. Une des plus importantes fut l’enrichissement de notre société grâce à la venue d’une population de plus en plus diversifiée au cours des dernières décennies.
Une telle diversité ne fut pas toujours bienvenue. Il y a à peine quelques décennies, les nouveaux arrivants dont les ancêtres n’étaient pas originaires d’Europe de l’ouest étaient souvent regardés de façon méprisante et discriminatoire par la société majoritaire. À l’opposé, la plupart d’entre nous apprécions maintenant plusieurs changements qui en ont découlés et considérons que notre société est devenue plus riche et plus intéressante à cause des contributions des nouveaux arrivants.
Ces changements toutefois ne se sont pas effectués sans problèmes et il est maintenant clair qu’une meilleure compréhension s’impose concernant l’envergure du défi auquel les canadiens et les québécois doivent s’attendre afin qu’ils puissent mieux s’ajuster aux traditions et aux croyances que les nouveaux arrivants amènent avec eux.
Il ne fait aucun doute que nous sommes devenus une des sociétés les plus compréhensives et tolérantes au monde, et nous espérons qu’il en demeure ainsi. Ma propre famille reflète d’ailleurs cette réalité; mes parents étaient des immigrants anglais, et mon épouse vient d’Asie. Nos deux fils se considèrent entièrement canadiens, mais en même temps, ils apprécient beaucoup l’héritage culturel de leur mère et peuvent converser avec elle dans sa langue maternelle, le vietnamien.
Politique officielle de multiculturalisme
Un des principaux facteurs qui a contribué à semer la confusion et l’incompréhension fut l’introduction de la politique de multiculturalisme par le gouvernement fédéral en 1970.
Elle a crée l’attente parmi les membres des communautés d’immigrants que le Canada
s’engageait à accepter et à s’adapter à toutes les traditions, croyances et pratiques qu’ils amèneraient avec eux.
Le fait que la politique de multiculturalisme avait contribué à cette confusion fut reflété dans ces commentaires du Premier Ministre Pierre Trudeau (i) en 1995. Quand on lui demanda ce qu’il pensait de l’évolution de la politique de multiculturalisme depuis qu’il l’avait introduite plus de deux décennies auparavant, il répondit à l’effet qu’elle avait été tordue afin de célébrer le pays d’origine d’un nouvel arrivant plutôt que de célébrer l’intégration du nouvel arrivant au tissu social canadien (Cobb, 2005). Une interprétation semblable fut donnée par un cadre supérieur de la fonction publique fédérale, M. Bernard Ostry, qui a joué un rôle majeur dans la création et le lancement de la politique de multiculturalisme. Selon M. Ostry, malgré que l’objectif de cette politique était d’assurer aux nouveaux arrivants de pouvoir participer pleinement à la vie de la nation, certains considèrent maintenant qu’elle a obtenu le résultat contraire – soit celui d’encourager les minorités à se retirer dans leurs coins (Ostry, 2005).
S’ajoutant à l’expectative qu’à titre de nouveaux arrivants, ils pourraient conserver une identité basée sur leurs pays d’origine et devenir ainsi des composantes de la mosaïque canadienne, s’installa la présomption qu’à plusieurs égards, c’était la responsabilité de la société canadienne et québecoise de s’adapter à leurs exigences plutôt que le contraire. Un exemple de cette interprétation déplorable survint récemment à Vancouver lorsqu’un chauffeur de taxi musulman refusa de transporter un non voyant accompagné de son chien guide pour des principes d’ordre religieux. Malgré qu’un tribunal des droits humains statua que le chauffeur de taxi avait agi de façon discriminatoire envers une personne aveugle, le chauffeur de taxi argumenta qu’il avait lui aussi souffert de discrimination lorsqu’un juge de la citoyenneté canadienne lui avait affirmé 15 ans auparavant qu’il serait libre de pratiquer sa religion et sa culture au Canada.
Différentes sortes de sujets concernent les questions d’accommodement
Divers principes peuvent s’appliquer dans les domaines qui nécessitent une clarification. Dans le cas de chiens guides autorisés dans les voitures-taxi, ce sujet relève des droits des personnes handicapées. Dans certains cas, la sécurité peut être le souci principal, comme par exemple, l’exigence qu’un document d’identification par photo puisse montrer le visage entier d’un individu sans qu’il y ait de l’obstruction crée par un couvre-chef. Dans d’autres cas, il peut s’agir d’une question de sécurité physique, comme la nécessité pour un cycliste ou un motard de porter un casque protecteur. D’autres considérations peuvent intervenir de la part de groupements religieux demandant qu’on leur fournisse des salles de prières exclusives dans les institutions scolaires. Tandis que peu de canadiens auraient un problème avec le fait que ces groupements louent ou acquièrent de tels endroits à proximité de l’école ou du collège concerné, plusieurs auraient probablement des réserves concernant l’utilisation d’une espace prévue à d’autres fins qui serait modifié à leurs frais et transformé à des fins religieuses.

Le besoin de définir plus clairement ce à quoi les nouveaux arrivants peuvent s’attendre avant leur arrivée ici
Nous devons mieux définir ce à quoi les nouveaux arrivants peuvent raisonnablement
s’attendre en termes d’accommodements de la part de la société canadienne et de la société québecoise en ce qui concerne leurs exigences. Nous devrons demeurer aussi ouverts et compréhensifs que possible, mais en même temps nous abstenir d’être réticents à exprimer clairement comment nous faisons les choses ici. Si un aspirant-immigrant prévoit qu’il rencontrera des difficultés majeures à s’adapter à la société canadienne, il en va de son intérêt ainsi que du nôtre qu’il opte pour un autre pays comme lieu de destination.
Ce qui précède décrit ce qui devrait être fait pour clarifier la situation avant que ces personnes viennent au Canada et au Québec. Par contre, nous devons aussi traiter avec ceux qui sont déjà établis ici et qui ont développé des attentes envers notre société qui, selon eux devrait ou pourrait changer certaines choses afin d’accommoder leurs exigences. Ils pourront, dans les circonstances, plaider- comme le chauffeur de taxi de Vancouver – qu’on les avait amenés à croire qu’ils pourraient continuer à conduire leurs affaires ici tel qu’ils le faisaient chez eux même si cela amenait leurs hôtes à devoir apporter des changements pour les accommoder en autant qu’ils n’enfreignent pas la loi.
Trouver des compromis acceptables dans de tels cas pourrait poser de plus grands défis que dans le cas de ceux qui ne sont pas encore arrivés ici et qui ont été dûment prévenus à ce dont ils peuvent s’attendre ou ce dont ils devront renoncer à recevoir. Devrions nous établir des lignes directrices pour des immigrants éventuels, cela aurait en outre le mérite de clarifier pour ceux qui ont immigré ici récemment, ce que nous considérons être des accommodements raisonnables de nos sociétés et constituerait de plus un cadre de références pour la résolution de conflits éventuels provenant de leurs attentes.
Cela enverrait un signal clair à l’effet que, bien que nous accueillons la diversité que les nouveaux arrivants amènent avec eux, et qu’ils soient libres de pratiquer la plupart de leurs traditions dans leur nouveau pays d’adoption si tel est leur désir, c’est à eux de s’adapter à la société qui existe ici, et qu’ils ne devraient pas s’attendre à ce que nous apportions des changements majeurs dans nos façons d’être ou de faire pour les accommoder.
L’accommodement raisonnable et sa relation avec l’immigration
Tout en faisant les propositions ci-dessus, il est aussi nécessaire de parler d’immigration car
les problèmes qui ont survenu furent causés principalement par l’afflux récent du grand nombre de gens provenant de d’autres pays. Les tenants de la politique d’immigration massive ont en quelque sorte justifié les demandes de changements dans le fonctionnement
de notre société provenant des groupes d’immigrants, car aussi problématiques que puissent être ces demandes, on soutient qu’il est essentiel pour nous de continuer à faire venir des immigrants en grand nombre pour des raisons économiques et démographiques.
Cependant, l’analyse de cet argumentaire indique que les raisons invoquées sont pour le moins douteuses.
Bien qu’à certaines périodes de l’histoire canadienne l’immigration massive a joué un rôle important dans le développement du pays, il y a peu de preuves que ce soit encore le cas. Il y a un siècle, il était nécessaire de faire venir un grand nombre de personnes de l’étranger pour peupler l’ouest, afin de consolider nos revendications territoriales face à la rapide expansion américaine dans cette direction. À cette époque, l’argumentaire favorisait aussi une population accrue pour appuyer une économie d’échelle - ce qui n’est plus pertinent de nos jours, car l’économie canadienne est maintenant hautement impliquée dans le commerce extérieur.
Malgré qu’il soit souvent avancé que nous sommes un pays ayant de vastes espaces inhabitées, l’examen révèle qu’à moins qu’il n’existe des opportunités économiques dans ces espaces, peu de canadiens sont capables d’y vivre ou d’y travailler, encore moins les nouveaux arrivants. La majorité des nouveaux arrivants s’installent maintenant dans nos grandes villes apportant ainsi une contribution majeure aux pressions exercées sur les systèmes de santé et d’éducation ainsi que sur les niveaux d’accroissement de la congestion et de la pollution.
Un autre argument développé pour justifier de hauts niveaux d’immigration affirme qu’ils peuvent faire contrepoids aux effets de dénatalité et de vieillissement de la population car dans les années à venir, nous aurons de moins en moins de personnes en âge de travailler pour supporter les coûts reliés au nombre croissant de personnes retraitées. Bien qu’il soit reconnu que la moyenne d’âge des canadiens et des québécois est en hausse ce qui entraînera nombre de défis, une recherche plus poussée démontre hors de tout doute que l’immigration devrait atteindre des niveaux astronomiques pour avoir un impact significatif sur la situation. Je traite de ceci ainsi que de l’autre point mentionné plus haut dans un article publié par le Fraser Institute (Collacott, 2002).
En fait, il existe depuis bientôt deux décennies une documentation considérable démontrant qu’il n’existe aucun bénéfice économique ou démographique significatif pour les canadiens provenant de l’immigration. Ceci fut détaillé clairement au début des années ’90 lors de l’étude exhaustive entreprise par le Conseil Économique du Canada (Economic Council of Canada, 1991) et réitéré plus récemment par des experts en immigration, tel Alan A. Green. Professeur Émérite à l’Université Queens (Green, 2003).
Quant aux prétendus bénéfices économiques récents pour les canadiens qui dériveraient de l’immigration, une recherche suggère que les coûts reliés furent beaucoup plus élevés que la plupart d’entre nous le réalisons. Le Professeur Émérite Herbert Grubel, qui fait une soumission séparée à cette Commission, a estimé, par exemple, que les avantages reçus par les nouveaux
arrivants qui se sont établis ici durant les deux dernières décennies sont de l’ordre de dizaines de milliards de dollars supérieurs à ce qu’ils ont payés en taxes. (Grubel, 2005).

Il y a eu et il y a encore énormément de réticence à discuter de tels sujets à cause de la pression exercée par des groupements divers qui tirent avantage d’une façon ou d’une autre de ces hauts niveaux d’immigration continus.

Ceux-ci comprennent les partis politiques qui espèrent que les nouveaux arrivants voteront pour eux s’ils appuient des politiques facilitant leur venue ainsi que celle de leurs parents au Canada, et aussi les organismes de services aux immigrants qui travaillent fort pour aider les nouveaux arrivants à s’établir mais qui ont aussi un intérêt particulier à maintenir de hauts niveaux d’immigration afin d’assurer la continuité du financement gouvernemental.
Ceci ne suggère pas que le Canada n’a pas besoin d’immigration. Beaucoup de choses ont été dites récemment sur le manque de main d’œuvre qualifiée – particulièrement en Alberta et en Colombie Britannique – ainsi que les mesures par lesquelles les travailleurs étrangers pourraient combler ces vides sur des bases temporaires ou permanentes. Toutefois, même ce domaine devra être abordé avec précaution. En contraste aux années ’60, quand nous avons démarré des programmes pour importer des immigrants qualifiés puisque nous n’étions pas en mesure de rencontrer tous nos besoins avec nos propres ressources, comme le relève Alan Green nous disposons maintenant des maisons d’enseignement et des programmes éducationnels afin de combler nos besoins domestiques en main d’œuvre qualifiée sauf rare exception. (Green, 2003).
Nous continuerons d’avoir des pénuries dans des domaines spécifiques à l’occasion, surtout dans des secteurs économiques tels, la construction, qui ont tendance à être cycliques. Toutefois, comme l’a bien souligné le Conseil Économique du Canada, avec le temps, le marché de l’emploi domestique est en mesure de rencontrer la plupart de ces pénuries et l’immigration s’est rarement avéré être une solution efficace pour les contrer. De faire venir un vaste nombre de travailleurs étrangers et ainsi créer un bassin agrandi de main-d’œuvre peut être attrayant pour certains employeurs mais peut dissuader les canadiens à obtenir la formation nécessaire pour joindre le marché du travail quand les salaires sont en déclin.
Les pours et les contres d’une grande diversité
S’ajoutant aux possibles bénéfices économiques et démographiques découlant de l’immigration,
une autre raison pour avoir un programme d’envergure est la contribution qu’elle peut apportée à notre tissu social. Tel que noté plus haut, la diversité que l’immigration a entraîné dans son sillon au Canada et au Québec dans les récentes décennies a enrichi notre société dans plusieurs aspects. La présomption dans certains cercles qu’un accroissement constant de la diversité est un objectif valide en soi requiert toutefois une analyse prudente. Le fait est, que nous avons atteint un fort niveau de diversité dans un lapse de temps relativement court, principalement dans nos plus grandes villes.
Un des arguments avancés supportant la diversité est qu’elle conduit à une plus grande créativité
à l’intérieur de la société, particulièrement dans les grandes villes où des populations importantes
d’immigrants sont concentrés. Richard Florida, qui enseigne présentement à l’université de Toronto est un des principaux tenants de cette thèse.
Selon l’estimation de Florida « la capacité d’attirer des personnes créatives dans les domaines artistiques et culturels et d’être ouvert aux divers groupes de personnes de différentes ethnies, races et cultures, accorde des avantages distincts aux régions en générant innovation et croissance, en attirant les industries de haute technologie, et en incitant la croissance économique. » (Florida, 2002).

À l’encontre des bénéfices possibles attribués à la diversité nous devons évaluer les désavantages
subies par la population hôte. Selon Robert Putnam de Harvard University, « l’immigration et la diversité ethnique tend à diminuer la solidarité sociale et le capital social. Des indices récents provenant des États-Unis démontrent que dans des quartiers regroupant des gens d’ethnies diverses, les résidents de toutes races ont tendance à éviter toute forme d’implication sociale.
La confiance (même envers sa propre race) est réduite, l’altruisme et la coopération communautaire est plus rare, et le nombre d’amis est moindre. » (Putnam, 2007).
De façon intéressante, Putnam est vu comme étant un libéral dont les valeurs le placent carrément dans le camp de la pro-diversité. Après avoir entrepris sa recherche initiale et se voyant comme le porteur de mauvaises nouvelles, il se débattit pour trouver une façon de présenter son travail, et investit plusieurs années à rechercher d’autres explications possibles. Toutefois, ce qui émergea
parmi d’autres communautés diverses étudiées fut le portrait sombre d’une désolation civique, qui
affectait tout, de l’engagement politique jusqu’aux liens sociaux. (Page, 2007).
Malgré de tels découvertes déprimantes, Putnam exprime l’espoir qu’à long terme, la société américaine puisse surmonter la fragmentation qui résulte des hauts niveaux de diversités courants, et qu’une plus grande solidarité sociale environnante émergera. Il est encouragé dans ce sens
par le fait que la société américaine est devenue très diversifiée par l’absorption massive d’immigrants à certains moments de son histoire et a éventuellement réussi a réaffirmer un fort
sens d’identité nationale et de cohésion.( Putnam, 2007).
Putnam est loin d’être le seul à se sentir encouragé du fait que, plus tôt dans notre histoire, de grands nombres d’immigrants d’origines diverses s’intégrèrent avec succès aux sociétés américaines et canadiennes. Les tenants de l’absorption massive d’immigrants soulèvent souvent ce point en défense des politiques qu’ils soutiennent.
Dans le passé, nous sommes passés au travers de périodes d’absorption massive d’immigrants
(comme par exemple lorsque nous peuplions les Prairies, au début du 20e siècle). Celles-ci, par contre étaient suivies de périodes faibles d’absorption telles les années ’30 , soit la période de
la « Dépression » ou durant la 2e guerre mondiale ‘39/45. Ces périodes d’immigration ralentie nous ont permis de respirer plus aisément pendant que les nouveaux arrivants, ou du moins leurs enfants s’intégraient à la société hôte.
Les pressions contre l’intégration des nouveaux arrivants
En contraste, dans les décennies récentes, l’immigration a été conduite de plus en plus par des facteurs autres que nos besoins économiques ou notre capacité d’absorption, et il n’existe en ce
moment, aucune indication manifestant l’intérêt ou la volonté des gouvernements à vouloir
diminuer les niveaux d’immigration pour nous permettre de rattraper le processus d’intégration comme dans le passé.

Comme il n’existait pas de politique officielle de multiculturalisme antérieurement, ce n’était pas un facteur. Bien que plusieurs nouveaux arrivants soient heureux d’intégrer la société canadienne ou québecoise, plusieurs autres sont attirés par la possibilité de pouvoir profiter des nombreux avantages à vivre dans ce pays ou cette province tout en entretenant la fiction qu’ils peuvent y arriver sans avoir à faire de compromis entre suivre les traditions de leur pays d’origine et s’adapter à celles de leur pays d’accueil. Le multiculturalisme et le concept de la « mosaïque » leur fournit une base philosophique qui porte à croire que cela est possible et acceptable.
Dans ces circonstances, il ne serait pas sage pour nous de croire que notre population d’immigrants de provenances diverses pourra avec le temps se fondre dans le courant de la société canadienne et québecoise. Les problèmes que vivent présentement certains pays européens nous indiquent
clairement que nous ne devons rien prendre pour acquis à cet égard.
Bien que nous ayons fait plus d’efforts pour intégrer les nouveaux arrivants que la plupart des autres pays, il y a des indicateurs que ce processus ralentit – particulièrement dû au fait que certaines communautés d’immigrants sont devenues suffisamment importantes, et qu’il existe moins de motivation, donc moins d’occasions pour que les nouveaux arrivants puissent s’engager dans la société courante.
S’ajoutant aux indicateurs d’une pauvreté sérieuse et répandue dans quelques communautés d’immigrants, il fut noté aussi tôt qu’en 1972, que le parrainage, et en particulier celle de parenté, a conduit à la création de grosses et dans une certaine mesure indépendantes communautés ethniques dans les plus grandes villes. (Hawkins, 1972).
Une augmentation dramatique des communautés de minorités visibles fut subséquemment documentée par Statistiques Canada qui confirmaient que dans les villes de Vancouver, Toronto
et Montréal, le nombre de ces communautés était passé de six en 1981, à 254 en 2001. (Hou and Picot, 2004).(ii)
Nous devrions nous concentrer à l’intégration des nouveaux arrivants qui sont déjà ici
Ce sur quoi nous devrions nous concentrer maintenant est l’intégration des nouveaux arrivants qui sont déjà ici à l’économie et à la société en général au Canada et au Québec. De simplement rajouter aux défis qui nous confrontent déjà, et continuer à faire entrer en grands nombres des immigrants – dont la plupart ne sont pas nécessaires ni sur les plan économiques ou démographiques – n’est pas dans l’intérêt des nouveaux arrivants qui sont déjà ici, ni dans ceux des canadiens et des québécois, qui se sentent de plus en plus mis au défi et probablement peu disposés à accueillir.
Considérant les attentes de plusieurs de ces nouveaux arrivants à l’effet que la société canadienne et québecoise devrait changer afin de s’adapter à leurs traditions et préférences, nous ne pouvons
qu’anticiper que la pression d’agir ainsi ne cessera d’augmenter avec l’afflux continu de ce
grand nombre de nouveaux arrivants. Donc, ces éléments doivent être pris en considération dès maintenant plutôt que d’attendre que certains problèmes deviennent aussi aigus qu’ils le sont devenus dans un nombre de pays européens.

Dans ce dernier cas, pendant plusieurs années, on prit pour acquis que ces sociétés hôtes, reconnues comme étant libérales et tolérantes, pourraient automatiquement intégrer avec succès de grands nombres de nouveaux arrivants provenant de milieux différents. Ces pays ont du reconnaître que ce ne fut souvent pas le cas, et qu’ils font face maintenant à de sérieux problèmes qu’ils auront beaucoup de difficulté à résoudre. Nous ne devons pas attendre qu’une telle situation survienne ici.
En conjonction à nos efforts d’établir ce qui constitue un accommodement raisonnable aux traditions et exigences des nouveaux arrivants, une révision de la politique d’immigration s’impose de façon urgente tant au Québec qu’au Canada en général. Nous devons cependant, nous attendre à une forte opposition de la part de ceux qui, pour une raison ou une autre, bénéficient du maintien
des hauts niveaux d’immigration. L’opposition à ces réformes visant la réduction des niveaux d’immigration s’accompagne fréquemment d’argumentaires à l’effet que toute mesure ou tentative de réduction de l’immigration est essentiellement raciste par nature.
De telles accusations sont basées sur le fait que, étant donné que le trois quart des nouveaux arrivants proviennent de minorités visibles, une réduction des niveaux d’immigration affectera les non-blancs, plutôt que les blancs. Le fait est cependant, que nous n’avons pas à nous excuser à cet égard. Bien que seulement 13% de la population canadienne soit constituée de minorités visibles, 75% des nouveaux arrivants sont de minorités visibles, ce qui prouve hors de tout doute que nous ne faisons pas de discrimination lors de la sélection d’immigrants qui ne sont pas blancs.
Bien que nous devrions regarder attentivement le nombre de personnes que nous accueillons autant que nos méthodes de sélection, il n’y a aucune raison qui justifierait la remise en question du mélange courant que nous accueillons. Je ne crois pas que la plupart des canadiens et des québécois aient un problème avec la couleur de la peau d’un nouvel arrivant. Le problème repose principalement dans la clarification de ce que devrait être leurs attentes raisonnables, de s’assurer que les nombres de nouveaux arrivants soit en rapport avec nos vrais besoins, et l’établissement de normes de sélection qui aboutiraient à l’intégration heureuse et enthousiaste des nouveaux arrivants dans l’économie et dans la société en général.
Sommaire et conclusions
Pour résumer, le Québec doit établir des lignes directrices pour définir ce qui constitue un accommodation raisonnable de la part de la société hôte en fonction des attentes et des droits des immigrants, ainsi qu’en regard de la pratique de leurs traditions et l’expression de leurs valeurs dans leur pays d’adoption. Ceci ne peut s’effectuer du jour au lendemain et nécessitera beaucoup
de consultation et de réflexion afin d’assurer que ces lignes directrices en arrivent à protéger ce que nous considérons comme essentiel à la préservation de notre identité nationale et du caractère
même de la base de notre institution, tout en conservant le plus de flexibilité possible qui permettra aux nouveaux arrivants de se sentir à l’aise de pratiquer leurs traditions et coutumes religieuses.

Deuxièmement, nous devons entreprendre un examen en profondeur des objectifs visant l’immigration en fonction de nos vrais besoins et celle que nous pouvons effectivement absorber.

Ceci devra s’effectuer en coopération avec le gouvernement fédéral car ce dernier est le premier responsable de la politique d’immigration.
Déjà trop de doutes provenant de certains milieux ont été exprimés à savoir si nous avions ou non une culture et des traditions dans ce pays – et ce, probablement plus en provenance du Canada
anglais, que du Québec. Ceci a conduit les nouveaux arrivants à croire qu’il existait un vide culturel ici, et, encouragés par notre politique officielle de multiculturalisme, ils se sont sentis
invités à le remplir. Ils sont conscients de qui ils sont, et bien que la plupart soient amicaux envers les gens de partout, ils ne voient pas la nécessité d’apporter des changements à leurs traditions et institutions afin d’accommoder les attentes de ceux qui viennent de l’étranger.
Les québécois et les canadiens en général sont parmi les gens les plus compréhensifs et généreux au monde quand vient le temps d’accueillir des gens provenant de d’autres pays non seulement en les acceptant mais en participant aussi à la célébration des traditions qu’ils amènent avec eux. Nos sociétés continuent d’évoluer tout en absorbant et de plus en plus certaines de ces influences. Les nouveaux arrivants doivent être rassurés qu’ils sont appréciés pleinement en tant que membres des sociétés canadiennes et québécoises. Également, nous ne devrions pas être réticents a dire haut et fort que nous, en tant que québécois et canadiens, avons aussi nos traditions et façons de faire, et si les nouveaux arrivants veulent s’établir ici, ils doivent être prêts à s’adapter à nos us et coutumes.
Expérience de l’auteur
Martin Collacott est un membre sénior (fellow) du Fraser Institute spécialisé en immigration et politique concernant les réfugiés, ainsi que dans les domaines reliés au multiculturalisme, à la diversité, et au terrorisme. Après avoir obtenu des diplômes en philosophie de l’Université de
Toronto, il a travaillé pour le YMCA à Toronto et subséquemment pour le Ministère de l’Éducation de l’Ontario, où il était responsable de l’enseignement de l’anglais et de la citoyenneté à travers la province.
Par la suite, il passa cinq ans au Bornéo Malaysien à former les professeurs des écoles chinoises dans l’enseignement de l’anglais comme langue seconde. Il s’est joint aux Affaires Extérieures en 1966 et fut assigné en Indochine, Hong Kong, Beijing, Laos et Tokyo. Durant cette période, il a aussi servi comme membre et interprète chinois de la délégation canadienne qui négocia l’établissement de relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine. Plus tard, dans sa carrière diplomatique, il fut nommé haut commissaire au Sri Lanka et aux Maldives, et ambassadeur en Syrie, au Liban et au Cambodge. Après sa retraite des Affaires Extérieures, il a été impliqué dans divers projets en Asie et en Asie de l’Est reliés à la résolution de conflits, aux droits humains, et à la gouvernance. Plus récemment il s’est concentré sur la réforme de la politique concernant l’immigration et celle concernant les réfugiés, a prononcé plusieurs discours sur ces sujets et publié de nombreux articles dans le National Post, Globe and Mail, Ottawa Citizen, Vancouver Sun et parut devant des comités parlementaires et sénatoriaux à Ottawa et Washington.

Références
Cobb, Chris (2005). « Multiculturalism Policy May be Outdated, Say MPs. » Ottawa Citizen (July 4).
Collacott, Martin (2002). Canada’s Immigration policy: The Need for Major Reform. Public Policy
Sources no. 64 (September). Vancouver: The Fraser Institute. Document digital disponible à :
http://www.fraserinstitute.ca/admin/books/files/immigration-2ndEdition.pdf.
Economic Council of Canada (1991). Economic and Social Impacts of Immigration. Minister of Supply and Services Canada.
Florida, Richard (2002) “The Rise of the Creative Class: And How It’s Transforming Work, Leisure,
Community and Everyday Life.” Harper Collins. Du même auteur et éditeur, voir aussi « Cities and
The Creative Class » (2004) et “The Flight of the Creative Class” (2005)
Green, Alan G. (2003) “What is the Role of Immigration in Canada’s Future?” Canadian Immigration Policy for the 21st Century, John Deutsch Institute for the Study of Economic Policy, Queen’s University
Grubel, Herbert (2005) “Immigration and the Welfare State in Canada: Growing conflicts, Constructive Solutions” Public Policy Sources no. 84 (September) Vancouver: The Fraser Institute.
Document digital disponible à: http://www.fraserinstitute.ca/admin/books/files/Immigration.pdf
Hawkins, Freda (1972) « Canada and Immigration: Public Policy and Public Concern » McGill-Queen’s University Press
Hou, Feng and Picot, garnett. (2004) “Visible Minority Neighbourhoods in Toronto, Montreal and Vancouver” Canadian Social Trends (Spring edition) Statistics Canada
Ostry, Bernard (2005). “Digging Up Identity Issues.” Globe and Mail (15 November).
Page, Clarence (2007) “The bottom line on diversity’s uncomfortable truth” Houston Chronicle
(15 August)
Putnam, Robert D (2007) “E Pluribus Unum: Diversity and Community in the Twenty-first Century The Johan Skytte Prize Lecture” Scandinavian Political Studies, Volume 30, Number 2
pp. 137-174, (June) Blackwell Publishing

Addendum
(i) Pierre Trudeau fut le dernier dirigeant canadien à ajuster le niveau d’immigration en fonction de nos besoins et de notre capacité d’absorption. En 1983, il diminua le nombre de nouveaux arrivants à moins de 100,000 par année à cause des conditions économiques défavorables. Après la prise du pouvoir, le gouvernement Progressiste-Conservateur a recommencé à augmenter les niveaux qui dépassèrent le 200,000 en 1990 où ils se sont maintenus presque annuellement malgré l’état de l’économie.
(ii) Un « voisinage ou quartier de minorités visibles » est défini dans cet exposé comme
ayant 30% de sa population d’un groupe de minorité visible particulier. Les auteurs
soulignent également que la plupart des minorités visibles sont des immigrants.


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