Lettre à l’Honorable Jason Kenney - 26 février 2008

Dossier de Hérouxville

Hérouxville, le 26 février 2008
L’Honorable Jason Kenney

Secrétaire d’État au Multiculturalisme et Identité canadienne

Chambre des communes

Ottawa, Ontario

K1A 0A6
Monsieur Kenney,
En septembre et décembre 2007 nous communiquions nos interrogations à l’Honorable Stephen Harper, Premier ministre. Il nous informait le 13 février dernier qu’il vous incombe de nous répondre.
Le 24 octobre 2007, nous présentions à la commission Bouchard-Taylor une solution à deux volets pour écarter toute demande d’accommodement religieux dans une province. Dans le but de bien faire valoir l’urgence de séparer l’État de la religion à l’intérieur de la démocratie canadienne, nous citions ces paroles de Mustapha Kemal Atatürk : « Un politicien qui a de besoin de la religion pour gouverner est un lâche ». Nous croyons que la majorité des canadiens désirent vivre à l’intérieur d’un État démocratique. Pour le moment, peu de canadiens opteraient pour une théocratie.
Comme vous saurez le remarquer, à la lecture des documents précédemment remis à monsieur Harper et dont nous vous transmettons copie, nous établissons une relation cause à effet entre le multiculturalisme, la Charte canadienne des droits et liberté de la personne ainsi que nos politiques d’immigration et le fait que des accommodements religieux souvent dénués de tout sens soient accordés dans un territoire provincial. Nous réaffirmons ici que notre pays est gouverné par des juges et des avocats non élus et que nos élus politiques semblent totalement absents du processus décisionnel.
Le fait que nous ayons publié « Qui nous sommes » nous a valu des menaces de poursuites judiciaires par des groupes religieux. Il semble que ces mêmes groupes religieux poursuivent actuellement Mark Steyn et Ezra Levant simplement parce que ceux-ci ont exprimé leur opinion. La liberté de parole existe-t-elle encore au Canada ? Si oui, pour qui ? Ces faits sont troublants pour plus d’un canadien. Serait-ce le résultat direct de l’imposition d’une politique déficiente du multiculturalisme?

Nous désirons ici vous souligner que tous les pays ayant cru au multiculturalisme sont soit en état de crise, soit sur le point de l’être. Analysant les différents symptômes déjà présents au Canada et les processus actuels régissant l’immigration, il est facile, même pour un néophyte, de prédire que notre pays se dirige vers un idéal identitaire complexe mais surtout confus. Le fait que déjà 258 ghettos culturels soient identifiés au Canada devrait par lui-même sonner l’alarme.
Depuis l’envoi de nos lettres à monsieur Harper où nous faisions allusion aux aveugles avec chiens guides refusés par des chauffeurs de taxi dont la religion interdit tout contact avec certains animaux, monsieur Kevin Falcon, Ministre des transports de la Colombie Britannique, proposait une loi interdisant cette pratique. En Ontario, là où des gens refusent pour motifs religieux de porter un casque de sécurité (pourtant obligatoire au plan législatif) pour faire de la moto, le procureur général déclare son intention de faire respecter les lois en place. De la Commission des droits de la personne à la Cour suprême, autant de juges et avocats auront émis autant de verdicts parfois contradictoires. Le verdict final pourrait être amer pour nous, payeurs de taxes et impôts, qui auront déboursé plusieurs millions pour entendre ce que nous ne voulons pas entendre. La décision de la Cour suprême en 2006 au sujet du Kirpan en est le meilleur exemple. La juge Claire L’Heureux-Dubé nous a bien éclairés à ce sujet dernièrement.
Ne serait-il pas à la fois plus simple, plus efficace et moins onéreux, monsieur le ministre, que le gouvernement soit gouverné par nos élus politiques ? Ces derniers ne devraient-ils pas pouvoir simplement affirmer : « Voici nos lois et tous doivent les respecter » ? Le temps est venu pour nos élus politiques d’agir afin de prévenir les problèmes et lorsqu’ils surviennent, il y aurait lieu de les solutionner plutôt que les gérer.
Nous vous rappelons encore certains faits troublants. Le Conseil du Trésor du Canada a approuvé, dans l’entente syndicale le liant au syndicat de l’Alliance, que les membres de ce syndicat pouvaient s’abstenir de verser des cotisations syndicales si leur religion le leur interdit. Comment a-t-on pu ignorer la formule Rand? Pouvons-nous maintenant faire fi des lois canadiennes? Depuis que nous sommes informés que les prisonniers canadiens soumettent la nourriture qu’on leur procure à l’approbation de leurs différents Dieux, nous croyons sincèrement que ce genre d’ententes dépasse toute forme d’entendement. La gastronomie envahira-t-elle bientôt nos prisons?
Tout dernièrement, Mumtaz Ali, citoyen de Toronto et président de la Canadian Society of Muslims, se disait très satisfait d’être canadien puisque le Canada et l’Ontario acceptaient de fait la polygamie, des bénéfices sociaux étant versés aux épouses de la personne polygame. Encore une fois, pourquoi les politiques du multiculturalisme doivent-elles nous conduire à un tel constat: acceptation par l’État de financer des comportements totalement contraires aux lois canadiennes. Nous éviterons de parler des prestations de revenus de retraite accordées aux parents des nouveaux arrivants venus rejoindre les leurs.
Réalisons maintenant que des membres d’une secte religieuse sont déjà autorisés à obtenir des cartes d’identité sans photo puisque leur religion interdit toute imagerie. Ajoutons ces enfants autorisés à porter un Kirpan à l’école mais pas au Palais de justice. Pour aider les immigrants à s’intégrer à notre société, nous fait-on valoir… Est-ce de l’aveuglement ou de l’absurdité à son meilleur? Mais plus encore, des écoles séparées pour gens de race noire à Toronto, des cours de sauvetage nautique à Mississauga donnés par des femmes pour des femmes prétendant se sentir inconfortables en la présence d’hommes. Une fois diplômées, ces femmes pourront-elles sauver des hommes de la noyade? Notre navire ne se dirige sûrement pas dans la bonne direction et nécessiterait dès maintenant un commandement mieux adapté pour faire face aux dérives auxquelles nous assistons!
Ne serait-ce pas agir avec plus d’intelligence que d’informer les futurs immigrants des lois de notre pays avant qu’ils choisissent d’y habiter? Pourquoi certains d’entre eux, réalisant qu’ils doivent exiger un accommodement religieux, ne demanderaient pas à leur Dieu et non à notre pays de les accommoder? Ils pourraient ainsi respecter nos lois. Que deviendrait le Canada si tous les catholiques requéraient de ne plus travailler le dimanche sous prétexte de respecter le Jour du Seigneur?
Pour conclure, il serait souhaitable que les canadiens sachent pourquoi son Excellence Michaelle Jean, gouverneure-générale, recommande un débat sur les accommodements religieux à travers tout le Canada alors que le Premier ministre Stephen Harper demeure contre cette idée, remettant même en question l’utilité de la Commission Bouchard-Taylor mise sur pied au Québec. Nous désirons que nos représentants démocratiquement élus s’entendent, tous partis confondus, pour discuter ouvertement de l’état du multiculturalisme au Canada, tout en analysant correctement les causes et effets devenant néfastes pour l’unité du pays. L’expérience que vivent d’autres pays multiculturalistes devrait vous indiquer l’urgence d’agir. À titre d’exemple, en Grande-Bretagne, un accommodement religieux récent oblige le personnel infirmier à réorienter les lits d’hôpitaux cinq fois par jour pour satisfaire les besoins de prières de malades alités. Il est inconcevable qu’une telle pratique puisse prétendre favoriser l’intégration des nouveaux arrivants à l’intérieur d’une société moderne et démocratique. Pour le moment, le Canada n’a pas eu à débattre d’une telle question. Cependant, nous interdirons-nous bientôt de lire Tintin au Congo, la fable des ‘Trois petits cochons’ ou ‘Le petit mouton noir’ pour des motifs jugés antireligieux, raciaux ou discriminatoires? Il est tentant de prédire que l’introduction de telles pratiques dans notre pays, via nos juges et avocats, serait aussi populaire que la question du vote voilé dont la loi fût aveuglément votée. La cohésion sociale serait-elle à l’image de ces tentatives d’exclusions menaçant ainsi toute paix sociale?
Bien que les sujets traditionnels discutés lors d’élections fédérales soient l’environnement et l’économie canadienne, auxquels s’ajoutera probablement la question de l’Afghanistan, nous vous demandons de considérer également les questions de l’immigration canadienne et de la modernisation voire uniformisation de nos chartes et lois. Les coûts totaux défrayés annuellement pour le seul sujet de l’immigration étant de l’ordre de plusieurs milliards de dollars, les électeurs et électrices, payeurs de taxes et d’impôts au Canada, devraient savoir l’apprécier.
Espérant ne pas être poursuivi en justice par des groupes religieux du fait que nous vous avons écrit, nous vous remercions de l’attention que vous saurez apporter à notre demande.
Bernard Thompson

André Drouin
Hérouxville, QC
P.S. Ayant lu la majorité des mémoires disponibles présentés à la Commission
Bouchard-Taylor, nous vous transmettons celui qui saura susciter votre intérêt. Il est signé par Martin Collacott de l’Institut Fraser.
Cc Son Excellence, Madame Michaëlle Jean, Gouverneure générale

Stephen Harper, Premier ministre du Canada.

Diane Finley, ministre de l’immigration (Canada)

Stockwell Day, ministre de la Sécurité publique

Josée Verner. Ministre Patrimoine Canada

Jack Layton, chef du NPD

Stéphane Dion, chef du PLC

Gilles Duceppe, chef du BQ

Jean Charest, Premier ministre du Québec

Yolande James, ministre de l’Immigration (Québec)

Mario Dumont, chef de l’ADQ

Pauline Marois, chef du PQ


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