«Qu'est-ce que vous lui avez fait?», s'est écriée vendredi ma collègue Chantal Hébert. À Ottawa, on n'en revenait pas de voir le premier ministre Harper répondre aimablement à toutes les questions qui lui ont été adressées lors de son passage à Québec. En temps normal, quand M. Harper daigne rencontrer la presse, il ne répond que brièvement à quelques journalistes triés sur le volet.
Samedi, c'est plutôt Pauline Marois, généralement très disponible, qui a boudé les médias à l'issue du conseil national du PQ. Du jamais vu. Même dans ses jours les plus grognons, Lucien Bouchard finissait par se plier à cet exercice.
La chef péquiste voulait sans doute s'assurer que le cri du coeur lancé dans son discours ferait la nouvelle. Dans un point de presse, qui sait ce que ces damnés journalistes auraient encore pu lui demander? Finalement, la méthode Harper a peut-être du bon.
Depuis le début de la crise déclenchée par le projet de loi Labeaume-Maltais sur l'amphithéâtre de Québec, les députés péquistes s'étaient abstenus de blâmer les médias pour leurs déboires. En fin de semaine, ils n'en pouvaient plus. «Certains journalistes d'une certaine presse s'en régalent», a lancé le député de Drummond, Yves-François Blanchet. «Vous êtes dans une dynamique qui ne nous aide pas», a renchéri son collègue de Roberval, Denis Trottier.
Tirer sur le messager est un réflexe habituel en politique, et il est vrai que les médias sont friands de mauvaises nouvelles. Quand il se battait lui aussi pour sauver son leadership, Bernard Landry était sincèrement convaincu que certains médias voulaient sa peau. Mario Dumont se croyait victime d'un grand complot ourdi par la presse et les syndicats. Daniel Johnson pestait contre ces «têtes de pioche» qui faisaient semblant de ne rien comprendre. On pourrait presque dire que le rôle de bouc émissaire fait partie de la description de tâches des journalistes, ce qu'ils acceptent généralement d'assez bon gré.
***
Samedi matin, il était certainement enrageant de lire dans Le Soleil la lettre de démission du président de l'association de Mercier, Philippe Leclerc, qui annonçait par la même occasion son adhésion au nouveau parti indépendantiste fondé par Jean-Martin Aussant.
Même s'il était prévisible, ce nouveau départ ne pouvait que renforcer aux yeux de la population l'impression que l'hémorragie se poursuit. Il était remarquable d'entendre le président du parti, Raymond Archambault, remercier Marc Laviolette et Pierre Dubuc d'être restés au PQ, même si le SPQ Libre a perdu le statut qui lui avait été reconnu au congrès de juin 2005. Il n'y a pas si longtemps, la direction du PQ aurait été ravie de les voir claquer la porte.
D'ailleurs, elle n'a pas dû être très peinée d'apprendre que le Réseau de résistance du Québécois (RRQ), animé par Patrick Bourgeois, avait décidé de se joindre à M. Aussant. Le PQ a souvent été embarrassé d'être associé aux positions radicales du RRQ, qui risquaient d'effrayer ceux qui sont susceptibles d'être séduits par le nationalisme mou de François Legault.
Son discours de samedi indiquait très clairement de quel côté Mme Marois voit venir le danger. Dans sa version écrite, le nom du chef de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) apparaissait dix fois. Celui du premier ministre Charest, deux.
La citation de M. Legault qu'elle avait déterrée pour l'occasion était bien choisie: «À partir du moment où on fait la démonstration que le Québec, comme province, est ingouvernable, il faut être cohérent. Il ne faut pas s'engager à gouverner l'ingouvernable.» C'est précisément ce que plusieurs reprochent à la «gouvernance souverainiste» préconisée par la chef du PQ. Il faut être cohérente, Pauline.
***
Certains ont déploré le report à la fin de novembre du débat sur les propositions de réforme démocratique faites par Bernard Drainville et quelques-uns de ses collègues. L'invitation lancée par Lucien Bouchard à investir des fonds publics dans l'exploitation du gaz de schiste a donné malgré tout une certaine pertinence à une discussion sur les ressources naturelles.
En fin de semaine, les délégués ont écouté avec intérêt un ancien président du syndicat des chercheurs d'Hydro-Québec, Jean-Marc Pelletier, expliquer comment la société d'État avait cédé au rabais ses droits sur le pétrole et le gaz enfouis dans le sous-sol québécois, alors que son potentiel était connu. Après cette braderie, demander à l'État d'apporter sa caution à ceux qui se rempliront les poches relève de la provocation.
Jusqu'à présent, le PQ s'est toujours contenté de dénoncer l'insuffisance des redevances minières exigées par le gouvernement Charest. Samedi, son porte-parole en matière de finances et de développement économique, Nicolas Marceau, a suggéré que l'État prenne le contrôle d'un projet minier, et éventuellement de plusieurs. Ces nationalisations font-elles désormais partie de la politique du PQ en matière de ressources naturelles? Si Mme Marois avait tenu un point de presse, on aurait pu lui poser la question.
***
mdavid@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé