Regards sur le Canada

Loyaux sujets

Un texte inspiré par l'insidieux concept du multiculturalisme canadian

Tribune libre - 2007


En fin de semaine, je suis tombé sur une brochure de 31 pages intitulée Regards sur le Canada, un document daté de 1999 du ministère des travaux publics et services gouvernementaux Canada, publié pour la direction générale de l'intégration, direction de la politique de l'éducation et de la promotion, Citoyenneté et Immigration Canada, Ottawa.
Ma conjointe est conseillère en formation dans un centre de francisation et elle devait prendre connaissance de ce document, qui se décrit, en préambule, comme étant: "publié à l'intention des personnes qui présentent une demande de citoyenneté canadienne. La publication est disponible en quantité limitée pour d'autres personnes." Ma conjointe fait affaire avec une clientèle d'adultes qui sont des nouveaux arrivants et elle doit lire ce type de documents pour pouvoir répondre à certaines de leurs questions à ce sujet.
À la page quatre de ce document se trouve un encadré où est inscrit le serment de citoyenneté et l'affirmation solennelle, qui a eu l'effet d'exercer une secousse sismique sur ma fibre républicaine, ça m'a tout simplement fait sauter une coche.

Ma conjointe se demandait pourquoi je démontrais tant de révolte et elle m'a posé l'irritante question suivante: tu savais pas ça? Non, passé le choc initial, je me suis dit, en aparté, que chaque jour apporte son lot de surprises.

J'ai pris la peine de lire et relire certains passages de ce Regard sur le Canada. Sur trente et une pages, il y a une page consacrée au Québec. On explique, au début de ce cahier, qu'on doit connaître le français ou l'anglais pour devenir citoyen canadien. Dans les pages de certaines provinces comme l'Ontario, on indique que c'est là que l'on trouve le plus grand nombre de citoyens francophones à l'extérieur du Québec. Les premières nations sont abordées dans la description de toutes les pages consacrées aux provinces et aux territoires.

Les pages dix et onze de ce document sont dédiées aux autochtones. À la page onze, on peut lire la phrase positiviste suivante, qui semble émaner de patrimoine canada ou de la société Historica: "lorsque les européens sont arrivés au pays, ils ont commencé à négocier des accords avec les peuples autochtones. En vertu de ces accords, les autochtones ont cédé leurs terres en échange de certains droits et avantages..."
Dans leurs édits tronqués et ronflants, les auteurs de ce document d'aide aux immigrés s'amusent à substituer à la réalité historique une fantaisie angloaliénée. C'est que ces terres n'ont jamais été cédées, mais plutôt conquises brutalement, après quoi on forçait les autochtones à signer des traités en les enfermant dans des réserves. Les colons français du XVIIe et XVIIIe siècle, moins peureux face aux autochtones, se mélangeaient à eux. Bien sûr, au nom du Roi de France et de sa sainte église romaine et catholique, des alliances françaises avaient été assez agressantes à l'endroit de certains peuples autochtones qui, dans certains cas, étaient alliés aux anglais. Mais ce n'est rien en comparaison de ce que l'histoire nous expose sur les guerres des loyaux colons anglais contre la majorité des autochtones du Canada, faisant disparaître plusieurs tribus et cultures, de Terre-Neuve aux Territoires du Nord-Ouest, depuis leur venue meurtrière en ce qui était l'Acadie et la Nouvelle-France.
Encore sur la page onze, sont abordés les Métis, qu'ils décrivent ainsi: "Bon nombre des premiers commerçants français de fourrure et certains commerçants anglais ont épousé des femmes autochtones. Leurs enfants et leurs descendants forment la population des Métis. Les Métis ont joué un rôle important dans le commerce de la fourrure et ils ont développé leur propre culture dans la région des Prairies".
En poussant un peu plus loin l'analyse de ce texte inspiré par l'insidieux concept du multiculturalisme canadian, on se rend compte qu'on écrit sur le fait qu'il y a eu des francophones un peu partout au Canada et qu'ils sont majoritaires au Québec, mais que ceux-ci sont, ni plus, ni moins, qu'une ethnie parmi d'autres, pour laquelle, d'ailleurs, certains pans entiers ou certains aspects importants de l'histoire du Canada ne sont tout simplement pas abordés, ou sont escamotés, voir dépolitisés. L'histoire, qui ne pourrait passer sous le silence l'existence et le parcours de Louis Riel, montre que la culture des Métis est en voie d'extinction et d'assimillation depuis 1885.
Passons maintenant à la page deux de ce document, où on traite de la citoyenneté canadienne qui, semble-t-il, existe depuis 1947. Avant 1947, les canadiens étaient tout simplement des sujets britanniques. On mentionne que l'armateur et ministre Paul Martin, père, est à l'origine de ce fameux pas en avant dans l'émancipation des sujets de sa majesté, dans le but d'honorer les soldats de toutes origines qui sont morts pour la défense de son empire.
À la page vingt-trois de ce document, on parle du parlement du Canada qui est composé, certainement par ordre d'importance, de la reine, de la chambre des communes et du Sénat.

À la page neuf, on nous explique que sa majesté Élizabeth II est la reine du Canada et le chef de l'État.

Dans le serment de la citoyenneté et l'affirmation solennelle, on demande aux nouveaux arrivants de porter une sincère allégeance à sa majesté la reine Élizabeth II, même à ses héritiers et successeurs.
Les trois pages évoqués précédemment sont un genre de lavement de cerveau pas très subtile pour bien faire passer le message qu'on veut faire comprendre aux immigrants: à savoir qu'au Canada ça se passe plutôt dans la langue et les coutumes de sa souveraine.
Pour conclure, à lire un document comme Regards sur le Canada, je pense qu'on peut commencer à mieux comprendre l'épineux problème d'intégration des nouveaux venus au Québec. Je tiens à souligner que je suis tout à fait d'accord avec l'analyse et la conclusion du texte de M. Gilles Ouimet, publiée sur Vigile.net le 14 février 2007, ayant comme sujet l'héritage de l'illustre histrion du ROC, feu PET, père du multiculturalisme et géniteur des accommodements déraisonnables.
Daniel Sénéchal
Montréal


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