Les silences coupables

Sommet de Montebello - 20 et 21 août 2007



Lorsque les chefs de gouvernement se rencontrent, il est normal qu’une partie de leurs échanges ait un caractère privé. C’est ainsi que des contentieux délicats peuvent trouver une solution. Il est tout aussi légitime de plaider que les décisions susceptibles de changer la vie des citoyens doivent être prises de manière transparente, en tenant compte de l’ensemble des intérêts. Mais défendre sans nuances l’un ou l’autre de ces principes dans un cas concret comme celui du Sommet de Montebello invite malheureusement à taire des vérités qui faussent le débat et empêchent d’aboutir à un compromis acceptable.



Ainsi, il est hypocrite de réclamer que les manifestants qui s’opposent à une plus grande intégration politique et économique du Mexique, des États-Unis et du Canada puissent se rendre jusque devant les portes de l’hôtel où se réuniront les trois dirigeants politiques.
Bien sûr, les citoyens ont le droit d’afficher leur opposition aux politiques qu’ils désapprouvent. Mais donner accès à des milliers de manifestants aux abords mêmes de l’édifice où se rencontrent MM. Bush, Calderon et Harper équivaudrait à mettre en péril la tenue même de la réunion, à garantir des heurts entre manifestants et policiers, voire à jouer avec la sécurité des chefs de gouvernement et de leur entourage.
Aucun organisateur ne peut garantir que son service d’ordre pourra contenir les éléments politiques radicaux et les voyous qui se greffent aux protestations dans l’objectif de créer de la tension, d’en découdre avec la police ou tout bêtement de s’adonner au vandalisme et au vol.
Le respect des principes démocratiques, faut-il insister, va dans les deux sens. Oui, les contestataires doivent pouvoir se faire voir et entendre. Mais ils doivent aussi respecter le fait que ces chefs de gouvernement ont été dûment élus et qu’on leur a confié la responsabilité de gérer les affaires de l’État en notre nom.
En contrepartie, que le premier ministre Stephen Harper limite sa consultation dans des domaines aussi sensibles que l’environnement, l’énergie et la compétitivité à ses conseillers et à une poignée de puissants dirigeants d’affaires vient alimenter une suspicion bien légitime quant aux intérêts réels qu’il défend.
Dans certains cas, on peut aisément concevoir que ceux de la majorité coïncident avec ceux des entreprises. Mais on peut également imaginer comme l’ont fait des syndicalistes et des environnementalistes crédibles, des situations où ce n’est pas du tout le cas.
En matière de contrôle et de certification des produits par exemple, améliorer la compétitivité signifie ne pas répéter les inspections à chaque frontière. Toutefois, puisque les normes ne sont sans doute pas identiques dans les trois pays, quels seront les critères qui détermineront celle qui sera retenue ? Ne faut-il pas craindre le bas dénominateur ?
Aussi, afin de parer à de possibles dérives, pourquoi ne pas avoir associé au processus de consultation, une brochette de représentants de la société
civile ? La majorité se serait certainement moins sentie laissée pour compte.
Malheureusement, jusqu’ici, le premier ministre Harper a démontré qu’il avait une conception très centralisée et très contrôlée de l’exercice du pouvoir. Que ce soit en matière de consultation ou de reddition de compte, le plus petit minimum obligatoire semble être sa référence. On l’a vu notamment dans le dossier majeur de l’Afghanistan.
Pas étonnant que bien des Québécois habitués aux grandes consultations soient réticents à accorder leur confiance aux conservateurs. Leur chef aurait en fait avantage à moins calculer la rentabilité politique de ses gestes pour plutôt débattre ouvertement des enjeux derrière chacun d’eux.


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