Pauline Marois a dû attendre très longtemps avant de réussir à s’imposer comme la chef du Parti québécois. Or, maintenant que la victoire lui arrive enfin sur un plateau d’argent, la tâche qui lui échoit semble en contrepartie colossale. La successeure d’André Boisclair a surtout bien peu de temps devant elle pour démontrer que sa formation a quelque chose de stimulant à proposer aux Québécois, maintenant que la souveraineté est sous le boisseau.
Sans sous-estimer les qualités bien réelles de la dirigeante péquiste, il faut constater que le contexte dans lequel elle prend la direction de son parti est loin de lui être favorable.
D’une part, le politicien de l’heure au Québec continue d’être Mario Dumont. Il en faudra des bourdes des députés adéquistes pour que les Québécois commencent vraiment à s’inquiéter de l’opposition officielle. Pour un bon moment encore, c’est la chance au coureur pour les adéquistes et le banc de punition pour les péquistes.
D’autant plus que Mario Dumont ne va pas cesser pendant les prochaines semaines d’offrir à qui veut l’enregistrer le petit commentaire assassin dont il a le secret et qui se fraye systématiquement un chemin jusqu’aux bulletins de nouvelles. À ses côtés, la calme et mesurée chef péquiste risque rapidement de manquer de piquant.
Bien sûr, Mme Marois a marqué de précieux points en écartant dès son retour en scène tout échéance référendaire. Elle a ainsi les coudées franches pour amorcer le vrai débat sur ce que doit devenir le PQ. Le geste a d’ailleurs ramené son équipe au plus fort de la course si on en croit les sondages.
Mais que se passera-t-il si la cote de Jean Charest ne s’améliore pas et que les libéraux choisissent à l’automne de changer de chef à leur tour ? L’hypothèse est plausible et aurait tôt fait de rediriger l’attention médiatique vers le processus de sélection d’un nouveau premier ministre.
En attendant, Mme Marois se lance dans l’aventure avec les défauts de ses qualités. Elle s’amène avec une expérience ministérielle unique, ayant dirigé une quinzaine de ministères dont les postes-clés des Finances, de l’Éducation et de la Santé. Elle a une connaissance intime du Québec et de sa machine administrative. Elle connaît tout autant le Parti québécois dans lequel elle milite depuis 30 ans.
Travailleuse acharnée, femme intelligente et déterminée, elle a fait tomber bien des barrières. Elle a aussi été associée à des décisions marquantes comme la disparition des commissions scolaires confessionnelles et la mise en place du réseau des garderies à 5 $.
Mais une aussi imposante feuille de route comporte inévitablement son lot d’erreurs et de décisions controversées. Le chef adéquiste, qui ne fait pas dans la dentelle, lui a ainsi imputé hier les ratés de la réforme scolaire et du système de santé.
Pauline Marois ne jouira donc pas longtemps de l’effet de la nouveauté. Aussi, même si elle soutient être en mode « écoute », elle est condamnée à soumettre rapidement des pistes de solution concrètes pour répondre aux problèmes auxquels le Québec fait face.
Pour l’instant, soutenir que la famille est désormais au cœur des préoccupations de son parti, que la social-démocratie doit être modernisée et que le PQ réclamera comme l’ADQ autant de pouvoirs que possible d’Ottawa n’aide guère à singulariser son équipe sur l’échiquier politique québécois.
En fait, les « changements nécessaires » auxquels la nouvelle chef faisait allusion hier soir, tout en insistant sur le fait que les siens devaient « cesser d’avoir peur », donnent surtout l’impression de pousser le PQ vers un terrain de jeu où adéquistes et libéraux se pilent déjà sur les pieds. Bref, il y a une difficile quête d’identité en perspective et peu de temps pour la réaliser.
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