Montebello: cérémonies de clôture

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Sommet de Montebello - 20 et 21 août 2007


(Photo PC)

Salut, les altermondialistes, je veux juste vous dire que je ne serai pas avec vous autres à Montebello. Mais j'aurais aimé ça être avec vous autres.


Remarque, on se serait peut-être empoignés parce que, personnellement, j'ai rien contre la mondialisation. Même qu'il y a une mondialisation en faveur de laquelle je suis. Celle qui démasque, qui diffuse, qui dénonce les abus d'êtres humains par d'autres, celle qui sème, répand et force le respect du droit, qui amène l'égalité des hommes et des femmes, celle qui a permis que soit signé l'accord de Kyoto, qu'existe et siège le Tribunal pénal international. Même si les États-Unis se fichent des deux.
J'aurais vraiment voulu être avec vous autres. Moi non plus, je ne veux pas d'un monde contrôlé juste par la quête de profits, de profits qui ne sont jamais partagés.
Moi non plus, je ne veux pas d'un monde où, pour dénoncer une attaque injustifiée, on attaque soi-même de façon injustifiée et on protège des oléoducs et des raffineries plutôt que des mères et des enfants qui vont au marché, où on refuse de signer un accord visant à sauver une planète dont on est le plus important pilleur; où, à Guantánamo et dans tous les pays où les Boeing de la CIA «échappent» des prisonniers, on bafoue sa propre signature de l'accord de Genève comme on bafoue sa signature d'un accord de libre-échange quand le lobby des fabricants de deux-par-quatre menace de donner moins au parti; où on oblige ses partenaires commerciaux à acheter et à épandre des semences génétiquement modifiées, à manger du boeuf, du cochon et du poulet hormonés-antibiotiqués-fongicidés-irradiés-dénaturés, nourris de leurs propres congénères morts; où on prétend que l'eau douce de la planète nous appartient parce qu'on a asséché le quart le plus fertile de son propre pays en y ouvrant des terrains de golf arrosés toute la nuit par des gicleurs automatiques; où au nom de la liberté de l'individu, on porte atteinte aux libertés individuelles; où le signet de la Bible qu'on lit chaque matin est un billet vert portant l'inscription «In God We Trust».
J'aurais voulu y être particulièrement cette année, celle du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Inde, de son peuple jusque là exploité, humilié, puis libéré par une vision, celle du Mahatma Gandhi, celle qui a inspiré Martin Luther King Jr 20 ans plus tard, puis Nelson Mandela, et vous autres aussi, j'imagine. Pour la plupart, du moins au départ, en tout cas, j'espère, au moins quelque part pour quelques-uns d'entre vous autres.
Gandhi
Ça, c'était un altermondialiste!
Lui, son action reposait sur trois principes: rallier le monde, séduire les médias, faire mal à personne.
D'abord, il énonçait une idée - bon, c'est sûr, faut que tu commences par en avoir une -, juste une, comprise par tout le monde, souhaitée par tout le monde, réalisable par tout le monde, sûre de rallier tout le monde.
Ensuite, il posait un geste. Juste un, simple. Tellement simple qu'il en devenait éclatant, et c'est comme ça qu'il séduisait les médias et qu'il les mettait de son bord.
Ben tiens, c'est de même que, pour protester contre l'intention de l'Angleterre d'imposer aux Indiens son monopole sur le sel, il en a entraîné des dizaines de milliers à pied et nu-pieds, devant la presse mondiale, jusqu'au bord de la mer.
Les Indiens venaient de dire à ceux qui voulaient les exploiter, les soumettre et les humilier: «Regardez: du sel, on sait où en trouver, pas besoin du vôtre.» C'est-tu assez beau?
Le troisième principe de son action, c'est le plus connu: la non-violence.
Gandhi avait compris que la violence ne fait jamais de gagnant et toujours des perdants. C'est Martin Luther King Jr qui l'a le mieux formulé: «Quand on pratique l'oeil pour oeil, tout le monde finit aveugle.»
C'est à cause de Gandhi que je ne serai pas avec vous autres.
Je n'y serai pas quand vous allez vous masquer le visage en partant le matin, remplir vos sacs à dos avec des roches, mettre le feu dans des tas de cochonneries; quand vous allez pousser, tirer, brasser la clôture jusqu'à temps qu'elle cède.
Je n'y serai pas parce que je sais contre quoi vous êtes, mais je ne sais pas pour quoi vous êtes. Je cherche encore la vision dans votre discours, l'idée simple. Je cherche encore votre geste éclatant qui séduira les médias au lieu de les écoeurer et qui, grâce à la mondialisation, séduirait peut-être toute la planète. Je n'y serai pas parce que vous utilisez la violence pour dénoncer la violence. C'est pas finir aveugle que je veux, c'est avoir une vision.
Je ne serai pas avec vous autres, surtout, parce qu'une fois que vous aurez franchi la clôture, vous allez être du même bord que ceux que vous dénoncez.
Je pense que la météo annonce beau.
***

Pierre Légaré
L'auteur est humoriste.


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