Les PPP : une formule toujours pas apprivoisée

Commission Castonguay

Les modes de production des biens et des services publics et ceux de leurs prestations suscitent à répétition un vif intérêt au Québec dès lors qu'on évoque une façon de faire qui rompt avec la vision mythique du «tout en régie directe» par une fonction publique. Pourtant, l'administration publique québécoise pratique, dans divers domaines, des «délégations» de formes diverses depuis fort longtemps. Et ce, selon des critères et des normes qui n'ont cessé, depuis les années 1960, de se
policer pour faire face aux enjeux et défis caractéristiques de l'action publique.
Évidemment, les autorités politiques et les administrateurs du domaine public qui envisagent s'y adonner doivent, dans un premier temps, s'assurer, même dans les administrations universitaires, qu'ils en maîtrisent les rudiments et la déontologie. Ainsi, dans le cas des contrats de PPP, les étudiants en administration publique des pays occidentaux, qui ont la chance d'analyser ce mode de production loin des débats idéologiques ou partisans, découvrent qu'un bien ou un service public d'intérêt général peut être utilement envisagé selon cette formule quand les conditions suivantes sont réunies :
- lorsqu'un contexte de nécessité, voire d'urgence prévaut, détermination qui relève des autorités politiques dans le cadre de la mission dont elles sont imputables;
- lorsque la substance du projet requiert un niveau élevé de technicité dont peut disposer l'administration pour des motifs d'opportunité ou de délais requis;
- lorsque les risques associés aux résultats visés peuvent être équitablement partagés;
- lorsqu'un projet nécessite des investissements importants au plan de l'infrastructure du service que la collectivité sera en mesure d'assumer dans la durée;
- lorsque le financement ultime d'un tel projet repose plus sur le «citoyen-contribuable» que sur le «citoyen-bénéficiaire» du service que l'infrastructure supporte;
- lorsque chacune des parties disposent de l'expertise pour négocier et contrôler l'exécution d'un tel contrat de partenariat.
En résumé, lorsque le secteur public sait précisément ce qu'il veut en terme de service public et que des acteurs privés (à but lucratif ou non) sont mieux à même d'assurer la qualité et l'efficience de ce bien ou service d'intérêt collectif, que seuls les pouvoirs publics concernés.
Autrement, toute alliance «public-privé» constitue un simple joint-venture, souvent, malheureusement, plus ou moins précis, entre acteurs qui poursuivent des objectifs, voire des intérêts extra service public. L'appréciation de la pertinence ou de l'opportunité de ceux-là relève essentiellement du débat politique dans les instances concernées, voire au sein de la population puisque des fonds publics sont en jeux.
On peut se demander lesquelles de ces conditions étaient réunies dans les projets dits PPP annoncés au Québec au cours des derniers mois ?
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Pierre Bernier
Professeur associé à l'ÉNAP

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Professeur associé à l'École nationale d'administration publique du Québec et chercheur à l'Observatoire de l'administration publique





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