Excusez la comparaison maraîchère, mais le principal problème du gouvernement Charest en matière de réforme constitutionnelle, c'est qu'il est un marchand de citrouilles alors que le gouvernement Harper, lui, se spécialise dans les petits fruits.
Depuis quatre ans, on entend toujours la même expression de la part du premier ministre Jean Charest ou de son ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, dès qu'il est question du dossier constitutionnel : "Le fruit n'est pas mûr."
Or, la partie la plus importante de cette phrase, ce n'est pas "pas mûr", c'est "le".
"Le" fruit, un seul fruit, cela signifie une grosse réforme constitutionnelle dans le mode "tout inclus", comme les accords du lac Meech ou de Charlottetown dans les années 90. Le problème, c'est que cela ignore la réalité politique canadienne.
Meech et Charlottetown ont causé un véritable traumatisme au Canada anglais. On l'a vu pendant la dernière course à la direction libérale, juste l'idée que Michael Ignatieff puisse vouloir rouvrir le dossier a suscité un tollé et lui a probablement coûté le leadership.
Il n'y a ni marché, ni appétit pour une réforme constitutionnelle qui vise à régler tous les problèmes - de A pour autochtones à Z pour zoologie (les animaux sauvages sont de juridiction provinciale sauf les espèces menacées qui sont de juridiction fédérale !) - et qui risque de sombrer sous son propre poids comme l'accord de Charlottetown.
Ça, c'est la grosse citrouille qu'attend le gouvernement Charest et qui a toutes les chances de ne jamais se rendre au statut de "fruit mûr".
Sauf que cela fait en sorte qu'il n'y a pas eu de réforme constitutionnelle digne de ce nom depuis 25 ans et qu'il y a plein de petits dossiers à régler. Et le gouvernement de Stephen Harper a décidé de ne plus attendre et de s'en occuper : mandats fixes pour les sénateurs, élection des sénateurs, représentation à la Chambre des communes et limitation du pouvoir fédéral de dépenser.
Ce sont les petits fruits.
L'ennui, c'est que pendant que M. Harper passe son temps à amender la Constitution à la pièce, le gouvernement du Québec se contente de regarder passer le train pendant qu'il attend que les conditions soient réunies pour les réformes qu'il souhaite.
Cela vaut autant pour les réformes auxquelles le gouvernement Charest s'oppose comme celle du Sénat ou de la représentation à la Chambre des communes que celles qui vont dans le sens des réclamations traditionnelles du Québec, comme la limitation du pouvoir de dépenser.
Ainsi, cette semaine, dans un revirement rapide digne de Gilles Duceppe, le gouvernement Charest haussait les épaules et disait qu'on ne pouvait rien faire contre la démographie le mardi, puis, le mercredi, votait pour une motion de l'opposition condamnant le projet de loi C-56, qui revoit la représentation des provinces aux Communes.
Le message que cela envoie, bien évidemment, est que le gouvernement dénonce le projet en public parce qu'il est en position minoritaire à l'Assemblée nationale, mais qu'en privé, quand les deux premiers ministres se parlent, la question n'est tout simplement pas à l'ordre du jour.
Le problème qu'est la perte de poids politique du Québec dans les institutions démocratiques centrales est pourtant urgent. Avec les initiatives du gouvernement Harper, le Québec perdra du poids aux Communes, alors que la méthode de nomination des sénateurs sera modifiée unilatéralement par Ottawa.
C'est une question qui, selon Benoît Pelletier, va au coeur de l'équilibre même de la fédération canadienne. Pourtant, il a fallu une motion d'un parti d'opposition pour que l'Assemblée nationale se prononce sur la question. Le gouvernement, lui, n'avait pas jugé bon de réagir officiellement au projet de loi C-56.
C'est la preuve que la stratégie du gouvernement Charest d'attendre que le "fruit soit mûr" ne fonctionne tout simplement plus. Le Canada est en train de modifier, en douce mais de façon permanente, ses institutions centrales : le Québec ne peut plus dormir au gaz.
Les petits fruits
Le message que cela envoie, bien évidemment, est que le gouvernement dénonce le projet en public parce qu'il est en position minoritaire à l'Assemblée nationale, mais qu'en privé, quand les deux premiers ministres se parlent, la question n'est tout simplement pas à l'ordre du jour.
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