COMMENTAIRE

Les Palestiniens au Liban : la vérité oubliée

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme


Depuis que les événements du Liban Nord ont commencé, l'ensemble de la presse québécoise et canadienne met de l'avant le «malheur» des réfugiés palestiniens et tout ce qui se passe aux alentours demeure la faute aux autres. Si ce n'est pas Israël, c'est certainement le clan chrétien libanais. Aujourd'hui, un nouveau «bourreau» semble être ajouté à cette liste limitée : l'État libanais !
Or, pour mieux comprendre la réalité, un petit retour en histoire s'impose : au Liban, la présence palestinienne remonte aux premiers affrontements entre Israéliens et Arabes en 1948 où un nombre élevé de ressortissants arabes habitant la Palestine mandataire de l'époque s'était réfugié. D'autres avaient choisi la Jordanie et la Syrie et quelques autres pays du Golfe arabo-persique. Or, la création de l'Organisation de la libération de la Palestine (OLP) et les mouvements de guérilla palestinienne a débuté après la défaite de 1967 où feu Yasser Arafat avait décidé de mener sa bataille « de libération de la Palestine » à partir des pays où les Palestiniens s'étaient réfugiés.
Pour cela, il fallait que ses hommes soient armés et outrepassent les lois des pays hôtes! Deux pays voisins d'Israël pouvaient remplir le critère recherché par Arafat : le Liban et la Jordanie, puisque les deux pays avaient des frontières communes avec l'État hébreu. Un troisième pays, la Syrie représentait également une possibilité, mais la présence armée palestinienne et celle des réfugiés n'étaient pas suffisamment libres pour pouvoir entreprendre une quelconque attaque à partir de la Syrie. D'ailleurs, le président syrien de l'époque feu Hafez al-Assad, père de l'actuel président syrien, avait un tout autre plan pour les Palestiniens.
C'est ainsi qu'il orchestra depuis le début, avec la connivence obligée d'Arafat, toute une série d'attentats pour déstabiliser aussi bien la Jordanie et le Liban, deux pays dont Assad ne reconnaissait pas l'indépendance. À la différence qu'avec le roi Hussein de Jordanie, la Syrie a fini par établir une représentation diplomatique alors qu'avec le Liban, il y en a eu aucune jusqu'à aujourd'hui.
Le plan machiavélique d'Assad
Le Liban, avec à peine 10452km2 de superficie, est le seul pays arabophone dont l'Islam n'est pas la religion d'État et dont le président est chrétien : cela mettait en émoi les dirigeants arabes de la région. Il fut le seul à avoir refusé de se joindre aux autres pays arabes, contre Israël, après qu'il ait signé un armistice en 1948, ce qu'il respectait depuis.
Assad voyait que le Liban pouvait constituer une excellente base d'attaque contre les intérêts israéliens et américains. Il poussa donc le Liban vers l'abysse en y exerçant une pression afin qu'il accepte les accords du Caire en 1969. Ces accords interdisaient à l'État libanais d'entrer dans les camps de réfugiés palestiniens, lesquels devenaient, de facto, sous la juridiction de l'OLP --- et bien entendu, indirectement, de la Syrie! --- De plus, les combattants palestiniens pouvaient désormais lancer des attaques contre l'État d'Israël à tout moment sans rendre compte à l'État libanais, créant ainsi plusieurs mini-États à l'intérieur de l'État libanais.
Une guerre de libération de la Palestine
Les attaques perpétrées par les combattants de l'OLP contre le Nord d'Israël menaient droit à une réplique israélienne, ramenant ainsi le Liban dans la zone de l'insécurité continue. Depuis le Sud était devenu une zone dangereuse pour les soldats de l'armée libanaise, souvent kidnappés, humiliés et tués pas les Palestiniens d'Arafat.
En septembre 1970, las des activités terroristes et sur ordre d'Hussein de Jordanie, les bédouins du roi massacrent les miliciens palestiniens et les obligent à quitter le pays vers le Liban. C'est «Septembre noir».
C'est alors que les Palestiniens se vengèrent du Liban. En 1973, l'armée de l'air libanaise bombardait les positions des combattants palestiniens, mais elle finit par succomber à la pression de la Ligue Arabe, laquelle obligea le Liban à arrêter son armée. Ce fut la fin de l'État libanais. En 1975, les Palestiniens se sont attaqués aux Chrétiens libanais et la guerre dite «civile» libanaise commença. Elle était en réalité entre Chrétiens et Palestiniens car ces derniers ayant déclaré, par la bouche de leur chef Arafat, que la libération de la Palestine débutait par celle des régions chrétiennes du Liban, bref, en évinçant les Chrétiens du Liban.
Par ailleurs, aussi regrettables que ne le soient les massacres des deux camps Sabra et Chatila, il n'en demeure pas moins qu'aucune mention (dans les médias occidentaux) n'a jamais été faite de nombreux massacres de villageois, de vieillards, de femmes et d'enfants libanais par les combattants « réfugiés » palestiniens durant des années et même jusqu'à aujourd'hui.
À titre d'exemple, mentionnons les massacres des deux villages chrétiens de Damour et de Jieh en 1978. D'ailleurs, de nombreux Canadiens et Québécois d'origine libanaise peuvent témoigner de ce qu'ils ont vécu. Des rescapés de ces massacres habitent également Montréal et ils peuvent en témoigner!
Quant à Sabra et Chatila, n'est-il pas étrange qu'Élie Hobeika, la personne qui a ordonné le massacre et qui l'a perpétré à l'encontre de Palestiniens innoncents se soit avéré être un double agent syrien? À qui donc la faute? L'histoire le dira dans quelques années sans doute.
L'histoire palestinienne au Liban, un recommencement ?
Aujourd'hui, les combats du camp de Nahr el-Bared au Nord du Liban et les multiples assassinats de Libanais -— toutes confessions confondues — n'est qu'un triste rappel de ce qui s'était passé en 1973 et qui a amené, en 1975, la dislocation du Liban. Quoi que l'on dise, la question mérite d'être posée : pourquoi les Palestiniens des camps ont permis à un groupuscule terroriste d'y établir sa base fortifiée? Pourquoi n'entrent-ils pas en conflit armé contre ces derniers, dans leur propre camp, donnant ainsi un signe de coopération à l'État libanais?
Pourquoi les Palestiniens doivent-ils être toujours fortement armés au Liban alors que le président palestinien cherche à négocier une entente de paix avec Israël? N'est-ce pas une répétition de 1973? Et si l'armée libanaise arrêtait son offensive contre ce camp, que se passerait-il? La réponse est simple: une répétition de 1975, sauf que cette fois, l'avenir du Liban sera incertain dans sa formule actuelle.
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Alain-Michel AYACHE
Analyste du Proche-Orient, Département de Science politique, UQAM


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