Mauvaises stratégies du Hamas... et Israël a appris ses leçons!

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne



Une vue sur Gaza après un tir israélien sur une mosquée. Photo Reuters
Rien ne va plus... au Proche-Orient! À quelques jours de l'inauguration de la nouvelle administration américaine, les principaux acteurs arabes semblaient dans l'attente d'un signe en provenance de Washington pour ajuster leurs «tirs» en adoptant des nouvelles mesures plus souples ou plus dures! Or, voilà que le camp des durs semble avoir pris de l'avance sur le camp de la paix en créant une crise sans précédent dans la Bande de Gaza.
En effet, après six mois de calme relatif dû à une trêve entre le Hamas et l'État hébreu, la situation explose de plus belle, brisant avec elle une entrée «obamayenne» calme. C'est principalement le discours officiel des dirigeants du Hamas annonçant la fin de la trêve avec Israël qui est la source première de cette crise. La première salve de roquettes Al-Qassam et de Katioucha étaient l'étincelle qui a mis le feu à la poudre. Cette explosion de la violence n'est pas innocente dans le sens qu'elle répond à une stratégie presqu'annoncée de part comme de l'autre.
Les enjeux pour le Hamas
En effet, pour le Hamas, il s'agit avant tout de miser sur une similarité du résultat obtenu par le Hezbollah lorsque ce dernier avait fait face à l'armée israélienne en 2006 au Liban. Une action, faut-il le rappeler, qui a été lancée par le mouvement chiite libanais, principalement pour soulager le Hamas aux prises avec la pression de Tsahal pour libérer le soldat Guilad Chalit. La confrontation alors avait duré 33 jours et abouti en fin de compte à une victoire médiatique sans précédent du Hezbollah. Celui-ci avait réussi «une victoire divine» comme l'avait annoncé son chef, Sayyed Hassan Nasrallah. Un discours qui a transcendé la frontière libanaise pour envahir l'ensemble de la rue arabe mettant ainsi dans l'embarras nombre des régimes de ces pays.
Ainsi, le Hamas chercherait à créer des conditions similaires, quitte à provoquer une réaction en chaîne dans la rue arabe, laquelle, à son tour, exercerait des pressions sur leurs régimes respectifs. Cela se traduirait par une mobilisation de ces derniers contre la nouvelle administration américaine déjà condamnée d'avance. Cela s'explique principalement par la déception affichée des leaders arabes après la nomination de Rahm Emanuel comme chef de Cabinet du futur Président Barak Obama! Le mythe du Président «musulman» américain et ami de la cause arabe était alors tombé en flèche.
La stratégie du Hamas serait alors celle de causer une instabilité continue en territoire israélien (comme il avait l'habitude de faire) en attendant de mieux analyser la politique de l'équipe Obama une fois au pouvoir. Or, ce que le Hamas semble avoir oublié, c'est que le moment qu'il a choisi pour appliquer sa stratégie ne convient plus à Tel-Aviv.
Les enjeux israéliens
De son côté Israël a appris la leçon de la guerre de juillet 2006 et cherche à réparer cette erreur qui lui a coûté son image de dissuasion dans la rue arabe, surtout dans un temps où l'Iran se fait de plus en plus menaçant pour les intérêts aussi bien américains qu'israéliens dans la région.
Ainsi, le mythe brisé en 2006 par les images de tanks ultrasophistiqués détruits par un armement soviétique dernier cri et iranien (utilisé par les miliciens du Hezbollah) devait être changé car il y va de la survie de l'État d'Israël. Cela est d'autant plus vrai que les attaques du Hamas, utilisant des roquettes artisanales Al-Qassam, se transformaient chaque jour en des attaques utilisant un armement de plus en plus sophistiqué de fabrication étrangère! Des munitions, des mortiers, des missiles Katioucha de fabrication soviétique se mêlaient à des vivres et transitaient par les tunnels creusés par les combattants du Hamas entre l'Égypte et Gaza.
Cette situation ne pouvait durer plus longtemps car chaque jour le nombre de victimes civiles israéliennes augmentait au même rythme que les roquettes et mortiers du Hamas! À cela s'ajoute la détermination du gouvernement actuel de démontrer qu'il est encore capable de gérer une crise et diriger une guerre similaire dans certains aspects à celle de 2006 sans pour autant y laisser des plumes.
C'est ainsi que la stratégie israélienne basée sur une préparation préemptive enrichie de l'expérience libanaise, menée à l'époque d'une façon spontanée et presque chevaleresque, a poussé l'armée israélienne à considérer des mesures qui lui ont permis de lancer ? aussitôt les premiers missiles palestiniens se sont abattus sur les villes israéliennes ? une attaque à grande échelle visant les centres et quartiers généraux du Hamas.
Entre 2006 et 2008, la différence est dans l'action!
Aujourd'hui, cette stratégie israélienne ressemble presque comme deux gouttes d'eau à celle qui fut adoptée durant la seconde guerre du Liban contre le Hezbollah, mais avec deux différences majeures. La première se situe au niveau de la préparation de l'armée israélienne : elle était prête à l'action aussitôt que l'ordre lui a été intimé. Son attaque tous azimuts a ciblé l'ensemble des régions où se situait le Hamas, alors que dans le cas du Hezbollah, cela s'était fait par étape, ce qui avait permis aux dirigeants du parti chiite pro-iranien de se terrer.
La seconde, c'est la préparation pour une invasion terrestre de grande envergure pour déloger le restants des miliciens du Hamas, une opération qui semble être mise en marche. Ce qui n'était pas le cas au Liban puisque c'était uniquement des réservistes mal équipés qui avaient mené la première attaque contre le Hezbollah. Dans le cas du Hamas, les réservistes viendraient appuyer les troupes d'élite et leur nombre se compte par milliers!
Le but ultime
Cette dernière crise, ouvre grand la boîte de pandore car le Hezbollah, l'Iran et la Syrie peuvent orchestrer de nouvelles stratégies avec l'appui d'une opinion publique arabe en furie contre Israël et les États-Unis. La région en entier peut écoper et dégénérer en une guerre régionale, à moins que ces acteurs arabes ne soient approchés par Washington, Moscou ou d'autres puissances pour les ramener à reconsidérer leurs positions respectives.
En attendant, ce qui se joue actuellement, c'est l'avenir du Hamas et la possibilité réelle pour Mahmoud Abbass de refaire son entrée dans Gaza, quitte à reprendre le dialogue plus tard avec Israël pour espérer enfin avancer les pourparlers de paix. Si tel serait le cas, cette attaque servirait également d'un message aussi bien à l'Iran qu'au Hezbollah dans un temps où Damas semble avoir brisé la glace avec Tel-Aviv!
Alain-Michel Ayache, spécialiste du Proche et Moyen-Orient
Département de Science politique, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Concordia University


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