Flottille de Gaza: une initiative sage et lucide

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne


Lundi matin, l'équipage du bateau français Louise Michel a symboliquement hissé les voiles dans le port du Pirée, près d'Athènes, mais n'est pas parti. Les militants voulaient ainsi protester contre le refus des autorités grecques d'autoriser leur appareillage.
PHOTO: YIORGOS KARAHALIS, REUTERS


Critiquant le projet de flottille à destination de Gaza dans son éditorial du 27 juin («La galère»), Mario Roy pose une question rhétorique: «Pourquoi ce conflit-là et pas les autres?» On peut lui faire au moins trois réponses: chacun a le droit de choisir les causes qu'il défend; ce conflit est exceptionnel par sa portée symbolique; dans ce cas, ce type d'action peut avoir des effets positifs. Je les explique rapidement.
Cette question, posée rituellement à propos de presque n'importe quelle action politique, est futile. Pour s'engager en faveur d'une cause, il n'est pas obligatoire de commencer par expliquer pourquoi on ne le fait pas pour toutes les autres causes imaginables.
Le conflit israélo-palestinien n'est pas aujourd'hui celui qui produit le plus de misère ou de victimes. Mais il est un des plus durables, celui dont la portée symbolique est la plus grande, et dont les conséquences sont les plus graves pour les relations entre les Occidentaux et les autres peuples. Cette importance symbolique n'a pas été inventée par «la gauche» ou par les Palestiniens. Elle est présente dans ce conflit depuis son origine. C'est, par exemple, ce qui explique qu'Israël soit le pays qui a reçu le plus d'aide extérieure par habitant depuis son indépendance. Parce que la création d'Israël a eu une portée symbolique immense pour certains en Occident, le malheur des Palestiniens a fini par devenir pour d'autres, et parfois pour les mêmes, un symbole aussi important. Il n'y a là ni conspiration ni scandale idéologique, mais une évolution normale.
Face à certains conflits, les gouvernements des pays occidentaux ont peu de moyens d'action, et leurs citoyens n'en ont aucun. Israël est très dépendant des échanges avec nos pays. C'est une société ouverte, où les débats publics sont vifs. Pour ces raisons, la politique israélienne peut être influencée par une action non violente comme la flottille, alors que les mêmes moyens seraient inefficaces envers la Birmanie ou le Soudan. Les Arabes ont eu pendant longtemps des dirigeants qui croyaient ne pouvoir lutter contre Israël que par la violence et la guerre, terrain sur lequel ils ont toujours perdu. Aujourd'hui, certains Palestiniens réalisent que, s'ils avaient eu davantage recours à la désobéissance civile et à l'action non violente depuis 1967, ils auraient probablement obtenu de meilleurs résultats. Les encourager dans cette voie, en les aidant par une opération non violente, est une bonne idée.
Je ne suis ni un participant ni un organisateur de la flottille de Gaza. Comme Canadien, ce qui m'a fait honte depuis au moins cinq ans, ce sont les déclarations du premier ministre sur ce conflit: elles sont partiales, simplistes et de nature à encourager les extrémistes. Je me réjouis au contraire de l'initiative prise aujourd'hui par certains de mes concitoyens: elle est sage, lucide, et de nature à favoriser au moins un peu l'évolution du conflit vers moins de violence et plus de justice.
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Jean Pierre Derriennic
L'auteur est professeur associé au département de science politique de l'Université Laval.


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