Les locataires

Chronique de Louis Lapointe

Lorsque j’ai mis ma première maison en vente, j’ai appelé plusieurs de mes amis pour les en informer. Il n’était absolument pas question que je donne une prime à un agent d’immeuble. Mieux valait la partager avec l’acheteur.
Mon ami Robert qui aimait bien ma petite maison m’avait fait promettre de le contacter en premier. Ce que je fis. Je fus alors étonné par sa réponse. « Désolé, Louis, mon épouse et moi venons juste d’investir une importante somme d’argent dans notre logement, je dois refuser ton offre même si elle est très intéressante. » Sûr de son coup, il avait refusé d’y réfléchir au moins une nuit, étant persuadé que son épouse déclinerait elle-aussi cette offre.
Quel ne fut pas mon étonnement de recevoir son appel une semaine plus tard! Il était maintenant preneur au prix que je lui avais proposé. «Trop tard, Robert, ma maison est déjà vendue !»
Depuis ce jour, l’idée même d’investir dans un logement m’a toujours fasciné. Comment peut-on investir dans un bien qui ne nous appartient pas, sachant qu’il sera impossible de récupérer sa mise par la suite ?
Voilà pourquoi ma conjointe et moi sommes devenus propriétaires de notre première maison à l’âge de 26 ans. C’était une maison pas chère avec un petit terrain, mais elle nous appartenait. En à peine trois ans, nous avions eu le temps de vernir tous les planchers, construire une grande véranda à l’arrière et finir le sous-sol. Nous avons récupéré les sommes investies lors de la vente en plus de faire un petit gain en capital. Ce qui nous a permis d’en acheter une plus grande où nous avons pu confortablement loger nos quatre enfants.
***
Quand j’entends certains de mes compatriotes dire que le discours indépendantiste n’est plus à la mode, qu’il faut passer à autre chose, s’occuper des «vraies affaires», je ne peux faire autrement que de penser à mon ami Robert qui avait refusé de devenir propriétaire de sa première maison parce qu’il avait investi dans son logement.
Je peux comprendre que les Québécois puissent être préoccupés par les problèmes auxquels notre société est confrontée et qu’ils veuillent les résoudre. Mais, à quoi bon s'impliquer dans un pays qui n’est pas le nôtre, où nous sommes en quelque sorte des locataires? Il est illogique qu’on puisse penser investir dans quelque chose qui ne nous appartiendra jamais en attendant que nous nous décidions à devenir propriétaires. On ne peut pas investir dans un logement, même en attendant de devenir propriétaire. C’est économiquement impossible. Un non-sens.
***
François Legault et Joseph Facal sont un peu comme ce vieux couple d’amis qui hésitait à acheter sa première maison. Le premier croit qu’il peut gaspiller son énergie à changer ce qui ne peut l’être, investir dans un logement, le Canada, alors que le deuxième est prêt à attendre que le premier se décide enfin à vouloir devenir propriétaire pour qu’il puisse le devenir lui-même. À l’image de leur maître à penser, Lucien Bouchard, quinze ans plus tard, ils attendent toujours les «conditions gagnantes».
Voici un couple qui risque de vieillir longtemps dans son logement, hésitant à devenir propriétaire parce que ce ne sera jamais le bon temps pour acheter.
Toutes les démarches de François Legault pour défendre les intérêts du Québec à l’intérieur du Canada ne seront que pures pertes d'énergie et de temps. On n’investit pas dans un logement, on y dépense.
Toute chose étant égale par ailleurs, le Canada sera toujours une colonne de dépenses pour les Québécois, jamais une colonne d’investissements. Un comptable qui sait compter devrait savoir cela, un professeur des HEC aussi!
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Sur le même sujet:
L'opportuniste
Le pessimisme de Joseph Facal

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2011

    Excellente métaphore, monsieur Lapointe! Je me suis toujours demandé pourquoi on comparait toujours les Québécois et les Canadians à un vieux couple qui se déteste trop pour divorcer... Alors que, objectivement, les Québécois ne sont plutôt que des locataires à vie dans leur propre "pays-qui-n'en-est-pas-un"... Chaque peuple fondateur a besoin, pourtant, d'être le propriétaire de la maison qu'il a fondée et qu'il continue de faire vivre.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2011

    Au sujet de la langue :
    « Les esclaves doivent apprendre la langue de leur maître, afin de bien les servir ».
    Il aura fallu 250 ans pour faire de nous des esclaves, ce que nous avons toujours refusé.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2011

    ==Surprenant ces Québecois qui combattent pour rester locataires , minoritaires et pour livrer leurs richesses naturelles à des étrangers
    ==Ces Québecois orguilleux de parler anglais et qui ne lèveraient pas le petit doigt pour imposer leur langue nationale le français.
    ==Ces Québecois qui en fait nous ferment le monde nous dévalorisent et finiront sûrement par nous tuer
    ==À moins d'un réveil miraculeux MAJORITAIRE, ils vaincront contre nous
    Tétraèdre