Le Devoir mardi 21 mars 2006
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Québec - Les témoignages d'admiration à l'égard du parcours politique exceptionnel de Pauline Marois ont été nombreux, hier, à l'occasion de son départ.
Le premier ministre Jean Charest, qui a admis avoir été «surpris» d'apprendre son départ, a eu ces mots: «Je ne connais aucun autre parlementaire qui a occupé à la fois les fonctions de ministre des Finances, vice-première ministre, ministre de l'Éducation, ministre de la Santé, présidente du Conseil du trésor. Un jour, sait-on jamais, peut-être qu'un homme fera la même chose. Permettez-moi d'en douter.»
Avouant ressentir de la «tristesse» de voir partir une femme aussi expérimentée, M. Charest a souligné qu'elle avait ouvert des portes aux autres femmes en politique. Le premier ministre a aussi salué l'héritage laissée par Mme Marois: «Je retiens, comme tous les autres Québécois, ce programme de services de garde que vous avez mis en place», a-t-il dit avant de souligner la déconfessionnalisation du système scolaire.
Harel
Pour la chef de l'opposition Louise Harel, Mme Marois est une «femme-orchestre» qui a réussi à concilier famille et politique grâce au fait qu'elle sait «conjuguer féminisme et féminité». Hier, Mme Marois a quitté la politique de la même façon qu'elle y est entrée, «avec grâce, élégance, dignité, intelligence et volonté», a souligné Mme Harel. Cette dernière, qui avait offert à Mme Marois de prendre son poste (de chef par intérim) au terme de la course à la direction du PQ à la mi-novembre, a souligné tout le chemin parcouru par les femmes depuis la première fois où Mme Marois a été élue en 1981. À cette date, a rappelé Mme Harel «cela faisait à peine cinq ans qu'il y avait plus d'une femme qui siégeait en même temps dans ce Parlement. Avant 1976, il y avait eu Claire Kirkland, toute seule pendant 11 ans, et puis Lise Bacon, toute seule pendant trois ans. En 1981, nous étions huit, et Pauline fut alors nommée ministre de la Condition féminine, succédant à Mme [Lise] Payette».
Lise Payette
Pour l'ancienne ministre Lise Payette, dont Pauline Marois a brièvement été la chef de cabinet (à la Condition féminine en 1979), le départ de Mme Marois était «absolument inévitable»: «On ne peut pas vivre en politique dans ce milieu-là si on n'est pas hautement motivé», a-t-elle déclaré à Radio-Canada. Mme Payette, qui avait appuyé la candidature de Mme Marois activement dans ses chroniques du Journal de Montréal, a laissé entendre que le Parti québécois était dur pour les femmes: «Je ne sais pas pourquoi le Parti est comme ça. Il a en son coeur un ver qui ronge constamment ses ambitions.» Pour Mme Payette, Pauline Marois, en partant, se montre courageuse: «Elle aurait pu rester là, prendre ses aises comme beaucoup le font, ne plus travailler, écouter les autres et ne rien faire du tout. Elle a plus d'ambition, elle va aller ailleurs porter son message. Elle va le faire différemment, elle change d'outil. Ça, je trouve ça courageux. Et il n'y a que les femmes qui font ça.»
Bernard Landry
L'ancien chef du Parti québécois, Bernard Landry, a aussi été «surpris et attristé» par le départ de Pauline Marois. «J'avais l'impression qu'elle allait rester. Continuer son engagement.» Selon lui, «elle avait du temps devant elle, ce n'est pas une question d'âge. Elle avait derrière elle une expérience formidable qui pouvait être utile et mobilisable pour le prochain gouvernement du Parti québécois et pour la cause, l'indépendance», a-t-il déclaré sur les ondes de Radio-Canada. L'ancien chef du PQ a toutefois dit comprendre la logique voulant que, lorsque la passion n'y est plus, on préfère quitter ce métier «extrêmement difficile» et «complexe».
Députés divers
Plusieurs collègues de Mme Marois à l'Assemblée ont eu un bon mot pour elle.
«Je présume qu'elle ne trouve pas son espace actuellement dans le parti», a déclaré pour sa part la leader de l'opposition en Chambre, Diane Lemieux. «C'est une grande dame, une grande parlementaire, une grande ministre», a-t-elle ajouté.
«C'est un des personnages les plus aguerris de l'équipe parlementaire. C'est une des femmes qui avait le plus d'expérience de la gouvernance de l'État québécois. C'est une des femmes qui avait le plus de réseau de contacts dans la société, que ce soit dans le monde des affaires, autant que dans les milieux plus sociaux», a fait valoir M. Charbonneau.
Le député des Îles-de-la-Madeleine, Maxime Arseneau, a dit comprendre son choix, précisant qu'elle avait beaucoup donné aux Québécois au cours de sa carrière.
«Elle laisse un héritage extraordinaire à la politique québécoise», a dit le député d'Abitibi-Ouest, François Gendron.
Coup dur pour la gauche
Pour Pierre Dubuc, l'ancien candidat à la direction du Parti québécois et un des représentants de l'aile gauche du Parti réunis dans le club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ-libre), le départ de Mme Marois est une grosse perte pour la frange de gauche. Lors de la course à la direction, le SPQ-libre avait appelé les membres à voter pour Mme Marois s'il y avait eu un deuxième tour. «D'autre part, a tenu à nuancer M. Dubuc, on est dans un processus de renouvellement de la garde.» M. Dubuc considère que les nouveaux adhérents au PQ sont jeunes et de gauche. Mais M. Dubuc souligne qu'ils ont peu d'expérience politique. «Dix nouveaux jeunes ont beau venir remplacer Mme Marois, tous ensemble, ils n'ont pas le quart de son expérience politique. C'est sûr que j'aurais préféré qu'elle reste.»
Mais, selon Bernard Landry, «l'ensemble du Parti québécois incarne la gauche». Une gauche «gouvernementale», une gauche «d'action qui a produit les politiques de gauche» du Québec et auxquelles Mme Marois a amplement contribué.
Éducation
En éducation, hier, on se remémorait le passage d'une ministre maître d'oeuvre de grandes réformes menées avec «doigté et respect», confiait hier le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), André Caron. «C'était une femme très dédiée [sic], qui avait beaucoup de respect pour le réseau, et celui-ci le lui rendait bien», a-t-il déclaré, rappelant que la FCSQ lui décernait à la fin des années 1990 son ordre du mérite, une distinction que seul l'ex-ministre François Legault a reçue avec elle. Malgré l'importance des réformes menées sous la gouverne de Mme Marois, le réseau primaire et secondaire garde le souvenir d'une ministre «qui a manoeuvré les changements en partenariat avec les gens, ce qui était l'une des clés du succès», ajoute M. Caron. «J'ai vu 10 ministres défiler et je dirais que ce fut l'une des meilleures», a pour sa part dit le président de la Fédération des cégeps, Gaëtan Boucher.
Avec la collaboration de Marie-Andrée Chouinard
Avec la Presse canadienne
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