Trop c'est trop

Pauline Marois quitte le PQ


Le Devoir mardi 21 mars 2006
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Dès le début de la course au leadership du PQ, en juin dernier, Pauline Marois avait confié qu'elle ne rentrerait pas dans le rang une troisième fois. Elle partirait élégamment, mais elle partirait. Ce n'était qu'une question de temps. Trop c'est trop.
En 1985, la défaite contre Pierre Marc Johnson avait pris des allures de victoire morale. Au fil d'arrivée, elle avait coiffé des ministres beaucoup plus expérimentés, comme Jean Garon et surtout Bernard Landry, qui n'avait même pas terminé la course.
Cela avait rendu d'autant plus difficile de s'effacer derrière le même M. Landry après la démission-surprise de Lucien Bouchard en janvier 2001. Cette fois-là, elle était déjà venue à un cheveu de démissionner, mais elle pouvait espérer une autre chance.
La défaite de novembre dernier a été plus cruelle encore. Après avoir mené une très bonne campagne, Mme Marois a été battue à plate couture par un homme dont la feuille de route ne pouvait en aucune façon se comparer à la sienne. N'eût été l'affaire de la cocaïne, elle aurait pris une raclée encore plus humiliante. À la différence de ses tentatives précédentes, elle a été rejetée par son parti. À 56 ans, on lui a signifié brutalement que son heure était passée.
Démissionner à peine une semaine après le début de la session parlementaire laisse croire qu'elle avait réellement espéré trouver une nouvelle motivation aux Relations internationales, mais le retour à l'Assemblée nationale lui a fait sentir concrètement qu'elle ne ferait plus partie du premier cercle du pouvoir. La cohabitation avec Bernard Landry avait été difficile, mais il est préférable d'être maintenu à distance parce qu'on est craint que d'être simplement oublié dans un coin.
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André Boisclair ne souhaitait pas son départ. Il lui aurait donné la lune pour qu'elle reste. La députée de Taillon avait valeur de caution auprès de l'aile progressiste du PQ. Au moment où une nouvelle menace apparaît sur son flanc gauche, sa démission tombe bien mal, mais personne ne pourra lui reprocher la moindre parole d'amertume. Dans ses adieux, elle a même manifesté une générosité que certains ne méritaient pas.
Son bilan justifie son image de progressiste, malgré les bijoux coûteux et les vêtements griffés. Rares sont les hommes ou les femmes politiques qui peuvent s'enorgueillir d'une mesure aussi importante sur le plan social que la création du réseau des centres de la petite enfance, pour ne retenir que celle-là. Il faut remonter à la création de l'assurance maladie pour trouver une contribution aussi marquante.
Après la défaite d'avril 2003, Mme Marois faisait pourtant partie de ceux qui plaidaient en faveur d'un recentrage du discours péquiste. À l'époque, elle faisait siennes les positions de l'ancien président du Conseil du trésor, Joseph Facal, qui plaidait en faveur d'une révision du rôle de l'État.
Les impératifs de la course au leadership lui ont commandé un virage stratégique à gauche qui témoignait d'une faculté assez remarquable de concilier les contraires. Elle a reçu aussi bien l'appui de M. Facal, signataire du manifeste Pour un Québec lucide, que celui de Jean-Pierre Charbonneau, qui a signé le Manifeste pour un Québec solidaire. Les deux la croyaient dans leur camp, il faut le faire!
Il a été tout aussi impressionnant de voir Mme Marois passer du «bon gouvernement» étapiste au référendum «le plus vite possible» en l'espace de quelques mois, sans être taxée d'opportunisme. Comme André Boisclair, elle a trouvé formidable le programme adopté au congrès de juin, tout en sachant aussi bien que lui qu'aucun chef responsable ne pourrait s'y tenir. Elle aurait sans doute été très utile à son nouveau chef pour l'aider à négocier les délicats virages à venir, mais il y a des limites à l'abnégation.
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Mme Marois n'a pas exclu totalement un éventuel retour en politique. Même si M. Boisclair se cassait la figure aux prochaines élections, il est cependant difficile d'imaginer que, dans trois ou quatre ans, les militants péquistes découvriraient en elle la femme de la situation, alors qu'ils la trouvaient dépassée l'automne dernier.
Elle a clairement indiqué qu'elle participerait à une éventuelle campagne référendaire, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. En fin de semaine dernière, le chef du PQ a décrété avec un humour douteux que le premier ministre Charest était cuit, puisqu'il n'était plus cru.
Dans son empressement à renouveler son parti, M. Boisclair devrait toutefois s'assurer que les générations qui l'ont précédé s'y sentent encore à l'aise. Maintenant que son amie Pauline est partie, Louise Harel aura-t-elle envie de continuer encore bien longtemps?


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