Les Flamands contre les parlements wallon et bruxellois

Chronique de José Fontaine

Je disais la semaine passée que les Flamands voulaient aller au confédéralisme somme toute par une voie qui est elle-même confédérale, soit en réalisant la réforme de l'Etat par des discussions entre entités fédérées et non par des discussions entre le premier ministre, les ministres du gouvernement fédéral ainsi que les présidents de partis soutenant (ou non, parfois) ce même gouvernement, ce qui est la procédure depuis des décennies.
Une autorité aussi peu contestée ni contestable que Vincent de Coorebyter (directeur du CRISP) estimait d'ailleurs dans La Revue nouvelle de janvier dernier (p. 42 ) que « Dans l'exercice de leurs compétences, les Communautés et les Régions sont souveraines. Exactement comme un Etat est tout à fait indépendant dans sa sphère de souveraineté, même s'il est par ailleurs membre d'une confédération. » Il semble qu'on puisse se mettre d'accord sur cette procédure (malgré les réticences de certains car elle ne fait plus grand honneur à l'Etat belge fédéral).
Mais qu’il s’agisse de l’Etat belge d'hier (avant 1970), de l'Etat fédéral belge (depuis 1970 et surtout 1980-1990), ou de ses aspects déjà confédéraux aujourd’hui (mais bien moins que demain), les Flamands raisonnent en termes de Belgique à deux (la Belgique flamande et la Belgique wallonne), et non à trois. Dès lors le CD&V-NVA (démocrates-chrétiens flamands et nationalistes démocrates), le parti le plus important de la coalition gouvernementale actuelle ne veut pas que l’entité fédérée de Bruxelles siège comme telle dans les travaux préparatoires à la construction du confédéralisme. Ils voient le confédéralisme à deux et non à trois.
Il est vrai que, dans une perspective linguistique, Bruxelles est devenue entièrement francophone à peu de choses près (mais la minorité flamande y est active et s’est ralliée cependant à l’idée d’une présence de Bruxelles aussi à la table des négociations). Il est vrai que, par conséquent, en acceptant Bruxelles à la table des négociations, les Flamands peuvent se mettre en difficultés dans la mesure où, même si par le nombre d’habitants, ils sont les plus nombreux en Belgique, ils devront discuter avec deux entités fédérées largement francophones, sur la base d’une Belgique à deux et non à trois (*). Ils peuvent penser aussi que les évolutions actuelles risquent de leur faire perdre Bruxelles, entité juridique à laquelle il me semble qu’ils ne sont pas prêts de reconnaître les mêmes droits qu’à la Wallonie et à la Flandre. Même si les votes des parlements de Wallonie et de Bruxelles vont dans ce sens (ce sont des entités étatiques souveraines).
C’est une vieille pierre d’achoppement en Belgique : Belgique à deux (thèse flamande) contre Belgique à trois (thèse wallonne). J’ai toujours cru que Wallons, Flamands et Bruxellois s’arrangeraient. Je pense que les Flamands veulent garder Bruxelles et aussi la Belgique. Et que Wallons et Bruxellois veulent garder leur idée de parler à trois et de sauver ce qui reste d’unité belge : mais les positions des uns (Flamands) et des autres (Wallons et Bruxellois), pourtant désireux de garder un reste d’unité belge, semblent pouvoir amener à des événements graves susceptibles de provoquer la rupture qu’on sent dans l’air depuis plus d’un an. Même si je n’y crois pas, je dois en faire l’hypothèse.
Il est vrai que ce matin, dans le journal flamand (proche des démocrates-chrétiens), De Standaard, Guy Tegenbos tout en reprenant l’idée d’une discussion sur le futur de l’Etat à partir des entités fédérées, admet (avec énormément de réticences), que les parties pourraient être trois (Flandre, Wallonie et Bruxelles).
José Fontaine
(*) Karl-Heinz Lamberts qui est en somme le président de la 4e Belgique, les 70.000 Germanophones, conscients des limites de sa communauté (70.000 sur plus de 10,5 millions de Belges), désire une place, mais une « petite place » a-t-il dit lui-même. Il reste d’ailleurs que pour une série de compétences (ni linguistiques, ni culturelles), les Germanophones dépendent de la Wallonie.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 août 2008

    Bonjour,
    Je viens de lire votre article M. Fontaine. J'habite une ville frontalière Valendiennes et commence à connaître assez bien la Flandre et la Wallonie.
    De mon point de vue , les deux partis voire les trois avec Bruxelles tiennent effectivement à ce que vous appelez la coquille vide de l'Etat Fédéral Belge.
    Mais on commence à comprendre du côté francophone, et c'est nouveau, que la machine de guerre flamande ne s'arrêtera pas et qu'elle s'autoalimente d'une haine recuite pour tout ce qui est francophone.
    La vraie question est de savoir quand les politiques francophones prendront conscience que le temps joue contre eux car les francophones n'ont plus rien à négocier face au diktat flamand. Les choses semblent s'accélérer brutalement .

  • Archives de Vigile Répondre

    3 août 2008

    Quand l'on sait que le sondage en question a été effectué auprès de 1500 personnes : 1000 Français (et, en fait, tous de la seule et unique région Nord-Pas-de-Calais, dont on sait ou devrait savoir qu'elle est pour l'essentiel picarde ["ch'ti"], comme une moitié du Hainaut wallon, ce qui crée tout de même quelques affinités) et seulement 500 Wallons, sur une question qui les intéresse au premier chef (les proportions eussent dû logiquement être inverses) ;
    Quand l'on sait que ce type de sondage est fait de manière téléphonique et aléatoire (pas de "panel" construit, du moins officiellement, et l'on prend les réponses telles qu'elles se présentent) ;
    Quand l'on sait que ce type de sondage comporte (contrairement aux enquêtes dites "scientifiques") des marges d'erreur de l'ordre de plus ou moins 5, voire 6 % ;
    Quand l'on sait que, malgré les désastres de la "com' " ambiante, il reste encore des gens qui refusent de répondre à de pareils sondages ;
    Quand l'on sait encore que la seule question posée était relative à l'annexion à la France,
    il y a de quoi se dire que ce sondage - amplement diffusé par les cercles médiatiques fortement liés à un certain Baron belge très proche (à en croire les meilleures sources) d'un certain omni-président, Baron par ailleurs très représentatif d'une bourgeoisie "belgo-frankeûpheûne" qui n'a jamais eu que détestation pour la Wallonie "socialiste et grévicole" - ce sondage, donc, est une pure et stricte opération de manipulation de l'opinion. Y a-t-il de quoi s'en étonner ? À l'heure des choix fondamentaux - nos soeurs et frères québécois et jurassiens en savent quelque chose - les opérations de manipulation sont légion, mais ne réussissent pas toujours. Si cela a coûté au Québec sa souveraineté, le Jura, lui, a pu faire revoter le Laufonnais, malgré toutes les caisses noires bernoises. Et le Laufonnais est désormais libre... et bâlois.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 août 2008

    Je comprendrais la réaction de Mr Vareilles si le parti wallon favorable au rattachement à la France était représentatif; attendons au moins les prochaines élections de 2009 pour voir si Mr Fontaine se trompe...
    Quant à moi, j'irai plus loin que lui en souhaitant une évolution vers une république de Wallonie au sein de l'Europe. Si de grands fleurons de notre économie sont déjà devenus français, je ne vois par contre aucun intérêt à échanger le centralisme bruxellois contre le parisien...
    A court terme, le rattachisme est la solution de ceux qui n'ont pas le courage de lutter pour le redressement de la Wallonie.
    Le rattachement se fera peut-être,mais ce sera un pis-aller.
    Un "site independantiste québecois renommé" ne devrait pas rougir d'une position indépendantiste wallonne !

  • Archives de Vigile Répondre

    2 août 2008

    La vérité,c'est que Monsieur FONTAINE est pour des raisons bizarres et depuis toujours viscéralement et farouchement opposé à tout rapprochement entre la Région de Wallonie et la République française contigue alors que, clin d'oeil malicieux du destin, par ce sondage qui exprime une tendance déja forte ses compatriotes indiquent eux tout le contraire! et qu'en cas d'eclatement du pacte federal belge et secession flamande ils choisiraient de redevenir Français.
    On peut polemiquer des heures et gageons que le sujet va devenir brulant au fur et à mesure que le blocage flamand-francophone perdurera.
    Permettez moi de dire qu'il est curieux que sur Vigile,site independantiste québecois renommé,et ce depuis des années , le seul son de cloche de Monsieur Fontaine se fait entendre .
    Il y a matiere à rectifier le tir avec l'accéleration des evenements, faute de quoi ce mono discours non representatif du tout de l'âme wallonne actuelle deviendrait baroque.
    http://www.voxlatina.com/

  • José Fontaine Répondre

    29 juillet 2008

    Un sondage révolutionnaire et historique? J'ai quand même plus que des doutes qu'un sondage puisse être jamais cela, un sondage! Et, de plus, quelle est la fiabilité de ce sondage si j'en crois ces informations...
    http://forum.toudi.org/viewtopic.php?t=4836
    Quelle est d'ailleurs la fiabilité des sondages? Certes, celui-ci est une indication, rien de plus.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juillet 2008

    Heu... même si cela n'est qu'un sondage, 49% d'une population qui accepte l'idée de se rattacher à un autre pays (en cas de séparation de leur pays actuel) alors qu'aucune formation politique, syndicale, etc., d'importance ne milite (sauf erreur de ma part) pour cette hypothèse, que le pays en question (la France) ne s'est pas prononcé, c'est franchement énorme.
    Et la proportion (favorable au rattachement) atteint 70 % auprès des Wallons pour qui la disparition du pays ne fait plus de doute !
    Aucun mot d'ordre politique, pas de campagne et un score d'adhésion oscillant entre une fourchette basse de 49% et une fourchette haute de 70%, c'est plus qu'énorme, c'est historique et révolutionnaire.

  • Michel Guay Répondre

    29 juillet 2008

    Selon ce sondage près de 50% des Wallons accepteraient que la Wallonie devienne territoire autonome de la France si les Flamands font l'indépendance et 60% des français acccepteraient d'accueillir les Wallons et la Wallonie au sein de la France.
    Ce serait excellent pour la francophonie mais l'autonomie territoriale des Wallons reste souhaitable .

  • José Fontaine Répondre

    29 juillet 2008

    Il faut parfois résister aux évidences apparentes des sondages (et celui-ci montre aussi qu'il y a beaucoup d'opposants à la solution française). Il n'est pas très apparent non plus pour l'opinion publique que la Wallonie est une entité souveraine parce que ses dirigeants composent encore avec les symboles belges et la nostalgie des nostalgiques de ce sacré-là. Mais l'autonomie wallonne est cependant si profondément entrée et ancrée dans les réalités juridiques (le fonctionnement des pouvoirs locaux par exemple), économiques (la mobilisation des organisations patronales ou syndicales pour le redressement), administratives (par exemple dans le domaine international où la Wallonie-Bruxelles gère souverainement déjà 51% des compétences autrefois belges), la société civile wallonne est si profondément différente de la société civile en France (malgré d'énormes affinités), que faire cette prévision (la Wallonie serait française dans moins de 5 ans), c'est peut-être tenir pour trop peu de choses la façon dont la Wallonie se construit. Et la Flandre.
    Non pas peut-être tellement d'abord contre la Belgique que dans celle-ci, quitte à ce que la coquille déjà à moitié vide du Royaume des Saxe-Cobourg ne le devienne tout à fait. Quand la Wallonie, la Flandre et Bruxelles n'auront plus rien de belge, sauf leurs relations commandées à la fois par l'intérêt et des affinités qui restent réelles dans ce cadre belge (ou ex-belge?), rien n'indique les raisons pour lesquelles l'une ou l'autre de ces entités abandonneraient les positions acquises en Belgique (même une Belgique réduite à rien), pour devoir devenir française, hollandaise ou Dieu sait quoi? A vue humaine, aucune nécessité ne le commande. Le Président du Parlement wallon soulignait d'ailleurs fortement aujourd'hui et dans le même journal que la crise au niveau fédéral n'est que peu ressentie dans la vie quotidienne parce que vers le "haut" les choses sont déjà gérées par l'Europe (la monnaie par exemple), et parce que, vers le "bas", elles le sont par les Régions ou Communautés (l'économie, l'enseignement, les routes, les pouvoirs locaux etc.).
    Je remercie Bélanger d'avoir fait état de ce sondage qui, évidemment, même si je le critique doit être pris en compte et à mon avis, ici, comme la perception aiguë de la gravité de la crise fédérale belge par la population (qui ne la ressent pourtant pas douloureusement). Nonante-trois % des Wallons (contre 5 et 2 sans avis), considèrent la crise actuelle comme grave, ce que je ne fais que répéter ici depuis des mois. Mais on ne va pas à un divorce de velours, pas même à un divorce de papier puisque le divorce est déjà largement réalisé. Enfin, même dans les milieux français qui y sont favorables, je le tiens de bonne source, il y a une grande réserve face à l'idée de la réunion de la Wallonie à la France dans la mesure où l'unité française a ses fragilités.
    Ce qui fait plaisir dans le sondage, c'est que les Français nous aiment bien! On le savait, mais comme cela fait plaisir! Et si j'exprime mon absolu scepticisme face à la réunion de mon pays wallon à la France, ce n'est évidemment pas parce que je n'aimerais pas le pays que les Québécois appellent la mère-patrie et dont ni eux, ni nous ne pourrions nous passer même si nous ne désirons pas être administrés par Paris.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juillet 2008

    Politiquement, tout ça est bien compliqué. Trop compliqué.
    Plus la crise perdure - et elle ne peut s'interrompre (Bruxelles oblige) -, plus le nombre de Wallons et de Bruxellois favorables au rattachement à la France - seule solution mettant fin une bonne fois pour toutes à la crise (et aux querelles linguistiques et territoriales avec les Flamands) - augmentera.
    "Un Wallon sur deux se verrait bien français" comme l'indique le dernier sondage du Soir.
    La progression est significative et change les lignes : la question politique centrale n'est plus "avec ou sans les Flamands", elle est dorénavant "avec ou sans les Français".
    Selon moi, dans moins de 5 ans, Bruxelles et la Wallonie seront françaises.