La cause de la nouvelle crise belge

Vers une négociation Wallonie-Flandre-Bruxelles

Chronique de José Fontaine

Le Premier ministre belge, Yves Leterme, a présenté sa démission au roi lundi dans la soirée. Finalement le roi l'a refusée jeudi soir et a chargé un trio de « sages » - un Bruxellois, un Wallon et le Président de la petite Communauté germanophone - de préparer pour le 31 juillet un rapport en matière de questions communautaires (les communes francophones de la périphérie) et de réforme de l'Etat.
Mercredi, le Parlement wallon a voté à l'unanimité (ce qui est rarissime), une résolution qui soutient notamment la volonté des Bruxellois d'être partie prenante d'une négociation politique qui pourrait prendre des allures de négociations d'Etats fédérés à Etats fédérés, soit des allures confédérales. Jeudi matin le président du Parlement wallon, José Happart, engageait le Parlement bruxellois à agir dans le même sens que le Parlement wallon, ce que les Bruxellois n'ont pas été gênés de faire, la position de la majorité des députés bruxellois (et des Bruxellois, on peut le dire), étant que la région bruxelloise doit participer comme telle aux négociations. Les députés flamands de Bruxelles ont voté dans le même sens sauf l'extrême-droite. Il faut souligner la chose, car si Wallons et Bruxellois ont tendance à voir la Belgique à trois composantes, les Flamands la voient à deux (Flamands et Francophones, sans distinguer les Bruxellois et les Wallons). Mais il faut revenir sur l'une des causes de la crise, dans la mesure où celle-ci semble assez éclairante.
Parfois, les causes prochaines des événements sont les plus instructives. Je mets en évidence l'une de celle-ci (il y en a d'autres). Dans la nuit de dimanche à lundi, le Premier ministre belge Yves Leterme, avait proposé que ce soient les Etats fédérés qui réforment l’Etat fédéral, mais il avait tout de même encore exigé que l’Etat fédéral soit présent à ces négociations. C’est ce que, officiellement, le Ministre-Président flamand a refusé, lundi soir, parce que Kris Peeters répète depuis plusieurs mois (et l’a encore redit à la veille de la fête nationale flamande, le 10 juillet), qu’il voulait une révolution copernicienne dans le système belge, à savoir que ce ne soient plus les Etats fédérés qui tournent autour de l’Etat fédéral, mais l’inverse. Que celui-ci se mette à leur service et que, pour commencer, il s’absente de sa propre réforme puisque (si je comprends bien), ce n’est plus lui qui importe.
Notons que ceci est en quelque sorte avalisé par l’éditorialiste du journal belge Le Soir unitariste en principe (mais ouvert au fédéralisme et même au confédéralisme), puisque Luc Delfosse écrit dans son journal le 15 juillet : « Ce pays, répétons-le, sans se lasser, ne survivra que s’il évolue vers un nouveau modèle : un Etat confédéral mature, composé de trois Régions émancipées. La Flandre, la Wallonie et Bruxelles. » Et ceci fait écho à la première phrase de l'édito de Guy Tegenbos dans De Standaard, le meilleur quotidien flamand, le 15 juillet également: « L'État fédéral n'est plus en état de se réformer lui-même. »
Il est regrettable que les dirigeants wallons, cédant aux sirènes d’un nationalisme belge complètement aveugle et déboussolé (qui a vu fleurir des milliers de drapeaux belges surtout à Bruxelles et sur les demeures bourgeoises en Wallonie), aient provoqué sans doute la crise actuelle. Leur volonté acharnée de maintenir la Belgique coûte que coûte, notamment dans le chef de la présidente du CDH qui s’est ridiculisée le 27 septembre dernier en chantant la Brabançonne sur la place des martyrs, est l’une des origines de la crise. Sa volonté aussi d’en revenir à l’unitarisme exacerbé de sa famille politique, la famille chrétienne, la famille politique en Wallonie la plus opposée à l’autonomie wallonne.
Je pense que l’on m’en voudra de pointer les responsabilités wallonnes, mais je suis un Wallon et ne supporte pas que les dirigeants de mon pays ne fassent rien pour empêcher l’opinion publique en Wallonie de croire que la Belgique de papa pourrait être ressuscitée (1). Il est certain que les intérêts des Wallons et des Bruxellois devaient être défendus dans les négociations actuelles. Parce que ces deux États fédérés que l’on peut considérer comme alliés doivent faire face à une majorité flamande (en termes de suffrages individuels si l’on veut), dans l’ensemble de la Belgique qui donne parfois l’impression de vouloir étrangler Bruxelles et aussi de tirer les bénéfices de sa prépondérance économique et politique (l’une est liée à l’autre), dans l’ensemble du pays. Mais à force de défendre la Belgique contre les partisans de l’autonomie wallonne – et avec quelle arrogance, quel dogmatisme, quel nationalisme intolérant ! j’en sais quelque chose ! j’en ai souffert dans ma vie – non seulement ces gens vont perdre la Belgique dont ils rêvent contre toute raison, mais ils vont aussi nuire à la partie du pays où ils vivent, la Wallonie. C’est cela qui est en jeu dans ce jeu insensé où le Pays wallon risque de mourir par la faute des nostalgiques d’une Belgique révolue.
José Fontaine

(1) Il y a belle lurette qu’on aurait pu ouvrir les yeux : Vincent de Coorebyter, le directeur du CRISP, organisme qui fait autorité en matière politique et juridique, rappelait dans La Revue nouvelle de janvier dernier que les États fédérés en Belgique sont souverains « exactement comme un État est tout à fait indépendant dans sa sphère de souveraineté , même s’il est par ailleurs membre d’une confédération ».

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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