Les Flamands belges veulent réduire les "facilités" accordées aux francophones

Belgique - des leçons à tirer...




par Jean-Pierre Stroobants - De belles demeures cossues et d'autres, plus modestes, mais soigneusement entretenues ; des ruelles courant dans des sous-bois ; un "Grand Café de la gare" et un garage pour les amateurs d'automobiles anciennes : Linkebeek a des allures de banlieue idéale. Un signe, toutefois, ne trompe pas : ici, pas une indication routière bilingue qui ne soit maculée ou rendue carrément illisible. Une vieille tradition dans cette périphérie flamande de Bruxelles, un lieu où, comme le proclame un slogan, "Les Flamands sont chez eux".
Par les hasards de l'histoire de la Belgique, la commune s'est retrouvée ancrée dans le territoire flamand en 1963, au moment où une "frontière linguistique" a été tracée de part en part du royaume, en prélude à la "fédéralisation" de l'Etat. "Quand mes parents sont arrivés ici, tout était bilingue et les listes électorales étaient "mixtes", réunissant des francophones et des Flamands. Les décisions de 1963 ont mis un terme à cette bonne entente", dit Damien Thiéry, 43 ans, bourgmestre (maire). La "frontière" un peu artificielle de 1963, est aujourd'hui devenue celle qui sépare des régions belges de plus en plus en opposition.
Membre du Front démocratique des francophones (FDF), M. Thiéry, cadre supérieur, gère depuis quelques mois une commune prétendument flamande mais dont 83 % des 4 800 habitants sont, en réalité, des francophones qui, souligne-t-il, "ne peuvent s'exprimer dans leur langue".
S'ils prononcent un seul mot dans leur langue lors d'un conseil municipal, les élus francophones (13 sur 15, dont 10 appartiennent à la liste de M. Thiéry) verront toutes leurs délibérations annulées par la tutelle, à savoir la Région flamande.
Si la bibliothèque municipale ne possède pas 75 % d'ouvrages en néerlandais, la subvention régionale qui lui est versée sera supprimée - c'est le cas depuis 2006 pour la bibliothèque des jeunes. Un couple francophone habitant une commune voisine et désireux d'inscrire son enfant à l'école communale de Linkebeek n'y sera pas autorisé.
Ces quelques exemples, glanés parmi d'autres, ne sont pas les pires, la commune de M. Thiéry bénéficiant, comme cinq autres communes "périphériques" d'un régime dit de "facilités" : les francophones peuvent notamment obtenir tous les courriers officiels dans leur langue. A condition de les demander, car ils les recevront d'abord en néerlandais.
Dans d'autres communes, où l'on compte parfois de fortes minorités parlant le français, la situation peut se révéler aberrante : une municipalité interdit tout affichage en français sur les marchés, une autre enjoint les institutrices de ne parler que le néerlandais avec les parents d'élèves. Quant à la société régionale des transports, elle veut interdire tout usage de la langue de Voltaire par ses chauffeurs.
L'avenir ? "Pas très encourageant, car je ne vois malheureusement personne qui veuille faire un pas vers l'autre", assure Damien Thiéry, lui-même bilingue et désireux de "développer une vision pacifique".
Pendant ce temps, les négociations en vue de la formation d'un gouvernement fédéral voient s'affronter Flamands et francophones. Les premiers ont déposé un cahier de revendications visant à assurer plus de pouvoir aux Régions dans le domaine de l'emploi, de la santé, de la justice ou des transports. Ils veulent aussi obtenir la scission de l'arrondissement bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Une véritable "bombe à retardement", jugent les élus francophones de la périphérie, puisque cela priverait 150 000 francophones de ce territoire de leurs droits et que le seul lien territorial entre la Wallonie et Bruxelles serait brisé.
Près de deux mois après les élections, le "formateur" et premier ministre présumé, le chrétien démocrate flamand Yves Leterme, piétine. Certains misent désormais sur son échec et n'hésitent plus à envisager un scénario "tchécoslovaque" : les partis francophones seraient obligés de suspendre les négociations et des Flamands déclareraient que le pays étant devenu ingouvernable, "il faudrait le liquider", selon une formule du politologue Vincent De Coorebyter.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé