Les fausses bonnes idées

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars


Dès qu'elle a annoncé sa candidature à la direction du Parti québécois, Pauline Marois a mis une chose au clair: si elle devenait chef, il ne serait plus question de lier l'élection du PQ à un nouveau référendum sur la souveraineté. « C'est dans la corbeille de la mariée », avait-elle dit dans le temps. Bref, ce n'était pas négociable.

Dans quelques semaines, donc, un conseil national du PQ devra ratifier un nouveau programme qu'on pourrait résumer ainsi: il y aura un référendum si possible, mais pas nécessairement un référendum.

Le problème de cette proposition, c'est qu'elle risque d'ouvrir toute grande une porte aux adversaires du PQ lors de la prochaine campagne électorale.

Lors des deux référendums précédents, en 1980 et 1995, le PQ avait été élu en promettant spécifiquement de tenir un référendum sur la souveraineté. La tenue de ce référendum avait donc été, en quelque sorte, autorisée par la population. Il faut noter qu'à d'autres moments, notamment en 1981, le PQ avait été porté au pouvoir en promettant spécifiquement de ne pas tenir de référendum au cours de son mandat.

On voit tout de suite l'utilisation que les adversaires du PQ pourront faire de cela en campagne électorale. Élire le PQ, diront-ils — en fait, ils ont déjà commencé à le faire — constitue à donner un chèque en blanc au PQ pour faire ce qu'il veut. Comme quand un syndicat donne à ses dirigeants un mandat de déclencher une grève « au moment opportun ».

Le référendum d'initiative populaire

Le processus que propose Mme Marois étant problématique, pas étonnant que d'autres propositions soient sur la table, y compris celle du SPQ Libre de tenir un référendum d'initiative populaire. On pourrait alors déclencher un référendum en obtenant un certain nombre de signatures, par exemple 10 % des électeurs inscrits, soit environ 500 000 signatures.

Le processus a l'avantage d'être clair et d'avoir l'apparence d'être irréprochablement démocratique. Malheureusement, c'est une fausse bonne idée.

L'un des problèmes, c'est qu'on pourrait toujours obtenir le nombre de signatures requis, même si le gouvernement s'y oppose et juge que la conjoncture n'est pas propice pour un référendum sur la souveraineté.

Forcer la main du gouvernement n'est pas nécessairement le meilleur moyen de s'assurer d'un bon résultat. Avoir les signatures de 10 % de l'électorat ne garantit nullement qu'on obtiendra plus de 50 % des électeurs le moment venu.

Mais il y a plus grave. C'est que si l'on permet le référendum d'initiative populaire sur la question de la souveraineté, il faudra aussi le permettre pour tout autre sujet. La loi sur les consultations populaires prévoit, en effet, que n'importe quel sujet peut être soumis à l'électorat.

L'expérience américaine

Aux États-Unis, où les référendums d'initiative populaire sont permis dans la moitié des États, on a vu combien des lobbies riches et bien organisés ont utilisé ces référendums pour faire passer toutes sortes de choses. De la légalisation des casinos à l'abolition des programmes de discrimination positive en passant par le retrait des programmes sociaux aux immigrants en situation irrégulière.

Presque tout le temps, il s'agit de lobbies de droite, riches et bien organisés, qui réussissent à utiliser la procédure référendaire pour faire abolir des lois progressistes adoptées par les législateurs.

L'un des journalistes américains les plus respectés, David Broder, du Washington Post, a écrit un livre à ce sujet en 2000. Democracy derailed. Initiative campaigns and the power of money décrit comment un référendum en Californie a permis d'interdire aux syndicats de dépenser l'argent des cotisations de leurs membres pour supporter des causes qui ne seraient pas liées aux relations de travail. Il raconte aussi comment un milliardaire, propriétaire d'une équipe football, a réussi à se faire financer un nouveau stade grâce à un référendum d'initiative populaire.

La conclusion de son enquête est claire. Il y a des fois où ce qui a l'air très démocratique peut être utilisé contre le bien commun. Imaginez, par exemple, une « initiative populaire », bien financée par les fabricants de cigarettes, pour faire abroger la loi interdisant de fumer dans les lieux publics.

Il est vrai que les limites de dépenses sont beaucoup plus sévères au Québec qu'aux États-Unis, mais on sait aussi, depuis le référendum de 1995, combien il est relativement possible de les contourner.

Le référendum d'initiative populaire a l'air d'être une solution démocratique. Mais l'expérience de nos voisins du Sud montre le contraire.
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