Le grand retour du « Nous »

Le "Nous" - l'expérience québécoise


Depuis le fameux discours de Jacques Parizeau au soir du référendum de 1995, le mot était presque devenu tabou dans les milieux péquistes. Ce mot, c’est « nous », quand il désigne la majorité francophone du Québec.

Juste avant de parler de « l’argent et des votes ethniques », M. Parizeau avait dit: « On va parler de nous ». Un « nous » qui a tout de suite été interprété par les adversaires du mouvement souverainiste comme l’expression d’un nationalisme ethnique et pas du tout inclusif.

Depuis, le PQ a tellement voulu faire oublier — on pourrait presque dire exorciser — ce discours, qu’il en a presque perdu son fonds de commerce, qui est la défense de la langue, de la culture française et de l’identité québécoise. Tant et si bien qu’aux dernières élections provinciales, c’est Mario Dumont et l’ADQ, entre autres grâce au dossier des accommodements raisonnables, qui ont eu l’air du grand défenseur de l’identité québécoise.

Ce n’était guère mieux au Bloc québécois, qui a tant peiné pour l’élection de quelques députés issus de l’immigration à Montréal, qu’il ne s’est rendu compte que trop tard qu’il était en train de perdre une dizaine de sièges dans la région de Québec.

Pauline Marois veut changer cette dynamique. D’abord, en cessant d’avoir peur.

« La majorité francophone au cœur de la nation »

Les Québécois n’ont pas à prouver leur attachement aux valeurs démocratiques ou leur ouverture sur le monde, dit-elle. « Nous ne devons plus être gênés ou avoir peur de dire qu’au Québec, la majorité francophone veut être reconnue et qu’elle est au cœur de la nation », disait-elle, mercredi soir, lors de son assemblée d’investiture comme candidate dans Charlevoix.

Les nouveaux arrivants doivent savoir, disait aussi Mme Marois, qu’ils montent dans un train en marche. « Il n’est pas nécessaire d’être né ici pour faire partie de notre histoire », dit-elle, mais cela signifie aussi qu’il faut quand même monter dans le même train que tout le monde.

Voilà qui devrait rassurer bien des péquistes qui ne se reconnaissaient plus tellement dans le nationalisme civique ou territorial, sans aucune composante culturelle ou linguistique. Un nationalisme dans lequel le seul lien entre les Québécois aurait été d’envoyer des chèques à Revenu Québec.

Le problème, pour Mme Marois, c’est de savoir si cela sera assez pour maintenir la ferveur de ses militants.

Un problème de double discours?

Mercredi soir, dans Charlevoix, le député sortant, Rosaire Bertrand, a lourdement insisté, au moins une douzaine de fois, sur le fait qu’il cédait son siège à Mme Marois pour « faire du Québec un pays ». Les militants scandaient toujours: « On veut un pays », et ils applaudissaient à tout rompre chaque allusion à l’objectif de l’indépendance.

Mme Marois n’a pas eu trop de difficulté à faire adopter à son parti l’idée de rompre avec ce qu’elle appelle « l’obsession référendaire ». Mais les militants péquistes se contenteront-ils longtemps d’un vague discours qui parle de faire la souveraineté un de ces jours, quand les circonstances s’y prêteront?

À terme, Mme Marois risque de se retrouver avec un problème de double discours. L’un portant sur la gestion des affaires de l’État quand elle s’adresse aux citoyens en général, et l’autre portant sur la souveraineté quand elle parle à ses militants.

Pour les militants péquistes, en tout cas, il ne sera pas suffisant d’avoir un discours plus musclé que celui de Mario Dumont quand il faudra défendre l’identité québécoise.


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