C’est exactement comme ça que les accidents arrivent dans un parlement minoritaire. Un gouvernement se sent trop sûr de lui et met au défi les partis d’opposition de le défaire. Et les partis d’opposition ne se laissent pas la marge de manœuvre nécessaire pour ne pas défaire le budget sans perdre la face.
La dernière fois que cela était arrivé, c’était en décembre 1979, quand l’éphémère gouvernement de Joe Clark avait pensé que jamais les libéraux ne prendraient le risque de le battre sur un budget – surtout que leur chef venait de démissionner. Mal lui en pris, les libéraux ont ressuscité leur ancien chef pour aller gagner une élection en plein hiver.
Bon, disons-le tout de suite, nous n’en sommes pas tout à fait là. Mais il est clair que nous sommes engagés dans une grosse partie de poker menteur où les trois joueurs à la table ont passé la journée d’hier à faire monter dangereusement la mise.
D’abord, il y a le gouvernement Charest qui s’est comporté comme un gouvernement majoritaire. Les baisses d’impôt financées à même la péréquation faisaient partie de ses engagements électoraux. Elles étaient, en quelque sorte, sur le bulletin de vote du 26 mars dernier et les sondages pris à cette époque ont démontré que les Québécois ne voulaient pas de cette baisse d’impôt et que l’argent du déséquilibre fiscal serait mieux utilisé ailleurs.
Mme Jérôme-Forget a raison de rappeler que, comme plusieurs provinces ont réduit leurs impôts cette année, la position compétitive du Québec parmi les provinces canadiennes a été affectée négativement. Mais il reste qu’en ramenant cette baisse d’impôts sous la même forme que celle qui avait été présentée – et, donc, rejetée – à la fin de la dernière campagne électorale, le gouvernement prenait un énorme risque.
L’ADQ avait édicté quatre conditions pour appuyer le budget et ne considère qu’aucune des quatre n’aurait été remplie à sa satisfaction. Même si le gouvernement a fait de très nombreux emprunts au programme de l’ADQ et ne s’en cache pas.
Cela laisserait donc le Parti québécois avec l’odieux de ne pas renvoyer les Québécois aux urnes deux mois seulement après une campagne électorale qui leur a coûté quelque 70 millions de dollars.
Normalement, donc, on aurait dû s’attendre à voir les représentants du PQ se présenter en conférence de presse en disant qu’on ne pouvait peut-être pas supporter le budget, mais qu’on ne pouvait pas voter contre non plus.
Or, les péquistes ont indiqué qu’ils vont voter contre. Au-delà des raisons officielles, il y a le fait que ce budget a deux grosses lacunes : d’abord sa baisse d’impôts est surtout orientée vers les plus riches et, ensuite, parce qu’il est clair que la baisse d’impôts est financée essentiellement à court terme par des entrées de fonds qui ne sont pas récurrentes. Selon plusieurs économistes indépendants, en 2009, il serait bien possible que le Québec retombe en déficit.
Mais ce qui est étrange, c’est que le gouvernement Charest aura fait des emprunts au programme de l’ADQ, mais offre bien peu au PQ qui a pourtant la balance du pouvoir. Les péquistes n’ont pas caché le fait qu’ils voudraient des investissements en éducation – surtout pour les élèves en difficulté – et pour les soins à domicile.
Craignant de devoir supporter l’odieux de faire tomber le gouvernement, le PQ essayait, hier soir, de faire du judo et de placer la responsabilité autant sur le gouvernement – qui a tout le loisir d’amender son budget d’ici à ce qu’il soit voté – et aussi sur l’ADQ qui votera aussi contre le budget et ne peut donc pas retourner sur le deuxième parti d’opposition tout l’odieux d’une éventuelle chute du gouvernement.
Ce ne serait pas trop difficile de dénouer cette situation, mais il faudra pour cela que tous ceux qui se «peinturés dans le coin» adoptent la solution de Jean Chrétien et acceptent de «marcher sur la peinture». Mais, jusqu’à preuve du contraire, nous sommes face à un accident qui se cherche une façon d’arriver…
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