Les coopératives de santé entraînent-elles des dérapages?

Tribune libre 2008


S’il faut saluer le dynamisme des personnes qui ont mis sur pied des
coopératives de santé, on doit par contre de plus en plus s’interroger sur
les dérapages qu’entraîne cette formule dans le contexte québécois actuel.
Le problème : en plus de demander, ce qui est normal, l’achat d’une part
sociale (disons de 20 $), la plupart des coopératives de santé exigent une
cotisation annuelle de 100 $, 200 $ ou plus, ce qui contrevient clairement
à la Loi canadienne de la santé, qui décrète que les services médicaux
doivent être gratuits. Un recours collectif pourrait même être entrepris
avec succès contre les coopératives sur ce terrain. Des précédents
existent.
La politique de tarification appliquée par les coopératives pourrait
inciter certains médecins de cabinets privés à poser des gestes illégaux
eux aussi. Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, a déclaré récemment à Gatineau que les
médecins de cabinets privés « seront peut-être tentés d’imposer, eux aussi,
des frais annuels à leurs patients pour couvrir les dépenses telles le
loyer et les salaires du personnel » (Le Droit, 25 octobre 2008).
Le tarif à l’acte payé aux médecins par la RAMQ prévoit pourtant qu’une
importante proportion, de l’ordre de 30%, de cette rémunération couvre les
frais de personnel, de loyer, etc. Les médecins qui bénéficient d’un loyer
gratuit ou quasi gratuit, ou qui exigeraient une cotisation, reçoivent ou
recevraient, dans les faits, une double rémunération.
Si le ministre Yves Bolduc décidait de tolérer l’imposition de frais
annuels par les coopératives de santé, comment pourrait-il interdire aux
cliniques privées d’exiger une cotisation elles aussi? Il ne pourrait
préconiser deux poids, deux mesures.
A l’heure actuelle, plusieurs coopératives de santé sont créées non pas
ex nihilo mais pour remplacer une clinique privée. Ce ne sont pas de
nouveaux services qui sont offerts mais plutôt des médecins déjà regroupés
en cliniques privées qui trouvent soudain plus agréable d’avoir un loyer
gratuit, ou presque, ainsi que des services de secrétariat. Est-ce cela
l’esprit coopératif? C’est ce qui vient de se produire à Gatineau où la
clinique privée de la rue Gréber vient de se transformer en coopérative.
Action Santé Outaouais, un organisme communautaire voué à la préservation
de notre système public et gratuit, dénonce, avec raison, le fait que cette
coopérative exige des frais annuels de 100 $. Mis au courant de cette
situation, le ministre Yves Bolduc se dit « préoccupé » mais tarde à agir.
Le problème est pourtant connu depuis plusieurs années.
Le [Collectif des maires de la MRC de Nicolet-Yamaska, dans Le Devoir du
21 octobre->http://www.ledevoir.com/2008/10/21/211624.html], a vu juste en disant que la création de coopératives de santé
était une façon de déplacer le problème : « De plus en plus d’indices
montrent que l’on déplace ainsi simplement le problème d’un territoire
rural à un autre. Et surtout, est-ce équitable pour les communautés et
citoyens ruraux comparativement au restant de la population? » Les
médecins vont maintenant s’installer là où les municipalités, via des
coopératives, leur offrent les plus beaux locaux, et autres avantages,
payés avec les taxes municipales, alors que les citoyens paient déjà des
impôts au gouvernement québécois pour rémunérer ─ raisonnablement
─ les médecins. « La grande séduction » coûte cher aux municipalités,
et à leurs contribuables, qui jouent ce jeu de surenchère.
Les coopératives de santé amélioreraient beaucoup leur image et leur
crédibilité en décidant collectivement d’abolir leurs cotisations
annuelles. C’est possible car certaines d’entre elles n’imposent pas de
tels frais. Cela ne réglerait pas tous les problèmes mais cela dissuaderait
vraisemblablement la FMOQ de proposer à ses membres de nager dans les eaux
toujours troubles de l’illégalité.
***
Jacques Fournier
organisateur communautaire retraité
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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