Certains craignaient que le tout dernier livre de Jacques Parizeau soit un pavé dans la mare souverainiste, où l'ex-premier ministre du Québec et l'ex-chef du Parti québécois mettrait ses successeurs dans l'embarras et sèmerait la zizanie dans sa propre famille politique.
Eh bien! La souveraineté du Québec, hier, aujourd'hui et demain n'est pas un manifeste. Je le vois plutôt comme un testament. Le testament d'un grand politicien, maintenant un vieil homme, à la santé manifestement fragile, qui livre ses pensées sur la souveraineté, mais aussi sur les enjeux auxquels sont confrontés le Québec et le monde.
Ce livre ne cherche pas à convaincre les indécis et les mous à embrasser l'option. C'est plutôt un ouvrage pour consommation interne, qui s'adresse aux souverainistes, pour les enjoindre de poursuivre leur combat. Mais dans les faits, M. Parizeau passe le bâton. Il n'essaie pas de définir la stratégie du troisième référendum, il ne renouvelle pas le discours souverainiste, il laisse cela aux générations qui lui succèdent.
Bien sûr, Jacques Parizeau parle de souveraineté, ce qui est assez naturel, après en avoir fait la bataille de sa vie pendant quatre décennies. Bien sûr, il voit dans les ratés du régime fédéral canadien autant de raisons de quitter ce pays. Et il voit dans les changements structurels qui nous affectent autant d'occasions pour faire progresser son option.
Mais dans ce livre, M. Parizeau aborde beaucoup d'autres sujets: la mondialisation, le déficit et la dette, la crise démographique, le rôle de l'État, le syndicalisme, les stratégies de la Caisse de dépôt, le décrochage. En fait, il parle beaucoup plus de son métier d'économiste que de sa vocation de politicien. Sur tous ces enjeux, Jacques Parizeau a des choses intéressantes à dire.
Je lui reprocherais cependant une tendance, sans doute naturelle, à défendre ses actions passées. Par exemple, son agacement à l'égard du manifeste des lucides, sont désaccord palpable avec la stratégie du déficit zéro, et maintenant, ses efforts pour minimiser les problèmes soulevés par l'impasse financière, ressemblent beaucoup à des façons de relativiser des problèmes qu'il n'a pas su affronter.
Sur la souveraineté, M. Parizeau insiste beaucoup sur un élément nouveau qui pourrait donner un nouveau souffle à l'idée d'indépendance, et c'est la mondialisation. Notamment parce qu'elle permet la viabilité d'un petit État qui a accès à un grand marché et parce que, contrairement à ce que l'on aurait pu croire, elle donne une nouvelle vitalité aux États, dernier rempart pour protéger les citoyens et faire contrepoids aux centres de décisions internationaux. Il estime aussi que la mondialisation donne une pertinence aux petites nations et menace les fédérations.
C'est une analyse que je partage largement. Sauf que, comme dans bien des dossiers qui ponctuent notre débat constitutionnel, il me semble que l'argument peut jouer dans les deux sens. Les pressions qui s'exercent sur les fédérations peuvent tout autant les amener à se transformer qu'à favoriser leur éclatement.
Si Jacques Parizeau a largement résisté à la tentation de régler des comptes, il y a, hélas, quelques fausses notes. Notamment, cette sortie contre le président français Nicolas Sarkozy, qui a laissé tomber les souverainistes, dont la longueur, tout à fait disproportionnée par rapport à l'importance de l'événement, réussit surtout à trahir l'aigreur et les obsessions du vieux militant.
Mais dans l'ensemble, ce livre est celui d'un grand commis de l'État, d'un des grands artisans de la Révolution tranquille, d'un politicien hors du commun. Et ses idées, qu'on les partage ou non, méritent notre respect. Il y a trop de politiciens médiocres pour ne pas saluer le fait qu'un homme politique puisse aussi être un penseur.
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