Le «spin» des résultats de la Caisse

La manœuvre est grossière. Car il n’y aucune révision de l’histoire de la Caisse qui réussira à sauver la réputation d’Henri-Paul Rousseau et de Richard Guay.

L'affaire de la CDPQ — le scandale



J’ignore si la Caisse de dépôt et placement du Québec compte s’appuyer sur son analyse interne qui compare les années Rousseau aux années Scraire pour prétendre que son rendement de 2008 n’est pas si catastrophique que cela, au vu de l’histoire. Mais ce serait une très mauvaise idée, puisque cette analyse est un chef d’œuvre de mauvaise foi.
Rappelons que [La Presse Affaires a mis la main sur ce document interne rédigé par des professionnels de la Caisse, selon nos sources->17905]. Par la voix de son porte-parole, Maxime Chagnon, la Caisse nie que ce document émane de chez elle. Mais disons que la conclusion de cette analyse, selon laquelle la Caisse s’est mieux tirée d’affaires sous la direction d’Henri-Paul Rousseau que sous la gouverne de son prédécesseur, Jean-Claude Scraire, est drôlement commode.
Pour tirer cette conclusion, ce document compare la performance de la Caisse par rapport aux différents indices des marchés de référence (obligations à court et à long terme, actions canadiennes, américaines, étrangères, dettes immobilières, etc.). C’est la façon usuelle et reconnue de juger de la qualité d’un gestionnaire de fonds.
Ainsi, le problème ne réside pas dans la méthode employée, comme dans les hypothèses qui ont été retenues aux fins des calculs.
L’analyse interne de la Caisse conclut que les deux administrations ont échoué à obtenir des rendements supérieurs aux indices de référence. Traduction : les 25 déposants de la Caisse auraient mieux fait de copier les indices tout bêtement plutôt que de verser des salaires et des primes à des gestionnaires dans l’espoir d’obtenir des rendements plus reluisants avec cette gestion dite active.
C’est une conclusion assez dévastatrice qui ouvre la voie à un débat plus vaste sur l’utilité même de la Caisse. Mais sans entrer là-dedans, revenons plutôt à la comparaison qui se trouve au cœur de cette analyse.
Lorsque Jean-Claude Scraire dirigeait la Caisse avec Michel Nadeau comme bras droit, la Caisse s’est privée d’une hausse de son actif net de 1,5 milliard de dollars. Lorsque Henri-Paul Rousseau pilotait la Caisse avec Richard Guay, ce manque à gagner s’est plutôt chiffré à 1,1 milliard de dollars, conclut le document. Voilà pourquoi le tandem Rousseau-Guay aurait soi-disant mieux géré la Caisse.
Mais cette conclusion résiste mal à l’analyse. En premier lieu, il faut examiner les années qui ont servi de base à cette comparaison.
Pour les années Scraire, on tient compte du rendement de la Caisse de 1997 et 2002, cette dernière étant la plus mauvaise avec les radiations liées à l’investissement dans Vidéotron. Or, Jean-Claude Scraire, qui était à l’emploi de la Caisse avant sa nomination au poste de PDG, est entré en fonction dès le printemps de 1995. On a ainsi exclu deux années du calcul et pas n’importe lesquelles.
En 1995, la Caisse a enregistré un rendement de 18,2%. C’était son cinquième meilleur résultat, en valeur absolue, depuis la création de l’institution, en 1966. D’ailleurs, la Caisse n’a jamais égalé ce score depuis. Cette performance qui faisait de la Caisse une première de classe était également supérieure au rendement indiciel de 17,6%, qui représente le rendement de chaque indice en proportion de sa pondération.
En 1996, le rendement de la Caisse s’est élevé 15,6%. Si la Caisse a battu de nombreux indices, dont celui des obligations et des actions étrangères, son score final était toutefois inférieur au rendement médian des caisses de retraite canadienne. Mais à l’époque, la Caisse ne pouvait pas profiter pleinement de l’envolée de la Bourse. Sa loi constitutive limitait ses investissements en actions à 40% de l’actif total. À compter de 1997, cette proportion a grimpé à 70%.
Bref, l’exercice de comparaison aurait donné un résultat fort différent si les auteurs de l’analyse avaient tenu compte de ces deux années.
L’autre hypothèse qui fausse le résultat final, c’est la décision d’exclure, des résultats de 2008, les pertes associées à des opérations de couverture liées au dollar canadien, en relation avec des investissements immobiliers à l’étranger. Ces pertes encore inexpliquées (la Caisse s’est enfermée dans son mutisme habituel) sont estimées à 5 milliards de dollars.
Avec les investissements dans le papier commercial, c’est l’une des principales raisons pour lesquelles la Caisse a moins bien fait que les autres caisses de retraite au pays l’an dernier, avec des pertes totales projetées à 38 milliards en 2008, selon les informations publiées par La Presse.
Il n’y a aucune raison valable pour exclure cette perte extraordinaire dans tous les sens du terme. Aucune sinon que de vouloir présenter l’administration actuelle sous un jour favorable. C’est ce qu’on appelle du «spin» en bon français.
La manœuvre est grossière. Car il n’y aucune révision de l’histoire de la Caisse qui réussira à sauver la réputation d’Henri-Paul Rousseau et de Richard Guay.


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