(Ottawa) Le ministre des Finances, Raymond Bachand, avait annoncé un budget «costaud». Mais le Québec n'en avait pas les moyens, étranglé par un carcan budgétaire qui prévoit le retour au déficit zéro dès l'an prochain.
À son troisième budget, le ministre s'est donc livré à du micro-saupoudrage, qui va du crédit d'impôt pour changer les tapis d'hôtel aux nouveaux aménagements de l'oratoire Saint-Joseph. Il y a une exception, et de taille: le gouvernement revient en force dans l'économie en investissant dans les ressources naturelles.
Québec consacrera 500 millions de plus à des prises de participation dans des projets miniers sur le territoire du Plan Nord.
Si le gouvernement peut se permettre ces investissements directs, c'est que son déficit pour l'année financière qui s'achève sera de 500 millions inférieur aux prévisions. Malgré l'économie qui ralentit, Québec a joué de chance cette année encore. La province a financé à moindre coût sa dette de 173 milliards de dollars.
Avec ces 500 millions additionnels, le gouvernement double la somme allouée aux projets miniers du Nord, à 1 milliard de dollars.
Ce sont les experts d'Investissement Québec, réunis dans une nouvelle filiale appelée Ressources Québec, qui auront la tâche délicate de sélectionner les investissements. Déjà, ils ont pris contact avec 13 promoteurs pour leur signifier leur intérêt.
Sans subtilité, le gouvernement cherche à couper l'herbe sous le pied du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec. Ces partis de l'opposition accusent les libéraux de brader les ressources naturelles de la province, avec un taux de redevances jugé trop bas, même si celui-ci a été relevé à 16% des profits miniers. Ressources Québec vise à susciter l'adhésion des Québécois au Plan Nord, cible de critiques féroces.
Mais cette initiative de Raymond Bachand, fidèle à la philosophie de l'ancien PDG du Fonds de solidarité, représente toute une volte-face des libéraux. Lorsqu'ils se trouvaient dans l'opposition, les libéraux dénonçaient sur tous les tons l'interventionnisme excessif de l'État. L'équipe de Jean Charest s'est fait élire en promettant de donner un grand coup de balai dans les interventions directes dans l'économie des péquistes.
Que font-ils aujourd'hui? Ils allouent 100 millions de plus à la Société québécoise d'exploration minière (SOQUEM) et ils déterrent la Société québécoise d'initiatives pétrolières (SOQUIP), enfouie sous les sédiments du golfe Saint-Laurent depuis le début des années 2000.
Or, le secteur minier est aussi risqué que cyclique. Le gouvernement est le premier à le reconnaître en réduisant le crédit d'impôt à l'exploration minière qui avait été bonifié durant les années de vaches maigres.
Les projets miniers exigent des investissements de démarrage colossaux. Et leur rentabilité est ultimement fonction des cours des matières premières sur lesquels le Québec n'a aucune emprise. Oublions Gaspésia, cas d'espèce du cafouillage gouvernemental. Même des projets mieux ficelés comme la mine Magnolia ont échoué en raison d'événements imprévisibles. Le prix du magnésium s'est effondré après que les producteurs chinois eurent inondé le marché mondial. Québec a perdu 269 millions dans cette aventure.
«Il faut faire très attention: c'est un secteur avec un grand potentiel, mais aussi avec de grands risques. Voilà pourquoi [l'investissement] ne sera pas automatique», a dit le ministre Bachand.
On aimerait en être convaincu. Mais l'histoire nous a enseigné autre chose. Si vous confiez à des spécialistes, des fonctionnaires qui ne risquent pas un sou de leur poche, le mandat d'investir 1 milliard dans une industrie et un territoire donnés, ils ne vous décevront pas. Advienne que pourra.
Les médias consacrent quantité d'espace aux mesures budgétaires. Mais ce qu'un budget ne contient pas est tout aussi révélateur.
Raymond Bachand conserve la contribution pour la santé, une taxe régressive de 200$ largement décriée. Tout comme il maintient la hausse des droits de scolarité, un rattrapage brutal rendu nécessaire par l'irresponsable gel de gouvernements successifs. «Décision irrévocable», a-t-il martelé.
Mais, pourquoi le ministre n'a-t-il pas élargi l'accès aux prêts et aux bourses? Les modalités de ce programme sont si restrictives que de larges pans de la classe moyenne n'ont pas accès à des prêts.
Raymond Bachand avait l'occasion de faire un geste pour calmer le jeu. Enfermé dans cette logique politique où toute compassion est assimilée à une défaite, il l'a laissée passer. Dommage.
sophie.cousineau @lapresse.ca
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé