Plus pauvres qu'en 2003

Budget Bachand 2012





Le gouvernement Charest est particulièrement sensible à la critique selon laquelle il serait en train d'éliminer le déficit budgétaire de la province sur le dos des contribuables. En déposant son budget 2012-2013, le ministre Raymond Bachand ne s'est donc pas contenté de réaffirmer que le gouvernement fournissait plus de 60% de l'effort sous la forme d'un contrôle plus strict de la croissance de ses dépenses.
M. Bachand a aussi voulu convaincre les Québécois qu'ils en avaient davantage dans leurs poches aujourd'hui qu'en 2003, alors que les libéraux de Jean Charest prenaient les commandes sous la promesse d'une réingénierie de l'État depuis lors abandonnée. Le ministre a donc déposé avec le budget de cette année un document destiné spécifiquement à faire cette démonstration.
Malheureusement, la démonstration n'est guère convaincante. Dans un tableau particulièrement instructif, on nous présente l'augmentation de 2003 à 2012 du revenu disponible d'un couple ayant deux enfants et deux revenus de travail. Prenons l'exemple d'un couple dont le revenu total s'élèverait à 50 000 dollars, soit 25 000 dollars par conjoint. Selon le ministère des Finances, ce couple aurait vu son revenu après taxes et impôts augmenter de 13,9% de 2003 à 2012. Or, ce 13,9% d'augmentation sur neuf ans représente moins de 1,5% par année, soit moins que le taux d'inflation annuel moyen observé au cours de la période. En d'autres termes, selon les chiffres mêmes du ministère des Finances, cette famille s'est dans les faits appauvrie. Lorsqu'on refait l'exercice pour toutes les catégories de revenu familial représentées au tableau, on s'aperçoit que seules les familles touchant 15 000 dollars ou moins par conjoint ont pu améliorer leur sort. Toutes les autres ont donc vu leur revenu disponible réel diminuer. De toute évidence, ce n'est pas le message que le ministre aurait voulu transmettre à la population en déposant son budget.
Pourtant, le ministère des Finances aurait dû savoir. Selon l'Institut de la statistique du Québec, le Québec a glissé du quatrième au neuvième rang des provinces canadiennes en ce qui concerne le revenu personnel disponible depuis 2003. Le Québec n'a que très marginalement réduit son écart vis-à-vis de l'Ontario tandis qu'il s'est fait dépasser par les provinces de l'Atlantique à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard. Dans un tel contexte, il sera difficile de convaincre les contribuables québécois qu'ils ne sont pas en train de faire la part du lion dans l'effort de réduction du déficit.
Ce que les Québécois sentent sur le terrain quotidien de leur pouvoir d'achat se manifeste également dans les grands équilibres financiers de la province. Selon les plans mêmes du ministère des Finances, les recettes autonomes du gouvernement auront augmenté de 0,88% du PIB entre l'exercice 2009-2010 et celui de 2013-2014 au cours duquel le déficit sera éliminé. Les dépenses consolidées totales auront quant à elles diminué au cours de la même période de 0,85% du PIB. Cela signifie que les contribuables ne sont pas en train de fournir 38% de l'effort de réduction du déficit, mais plutôt davantage que 50% de celui-ci.
À la défense du gouvernement, la situation des contribuables serait pire si aucun effort n'était fait pour ralentir la croissance des dépenses. Il faut néanmoins se rendre à l'évidence. À défaut de savoir donner le coup de fouet à une économie québécoise qui en aurait besoin et à défaut de réduire davantage le poids des dépenses publiques dans l'économie, la plupart des Québécois continueront de vivre une croissance anémique, voire même une régression de leur pouvoir d'achat.
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Martin Coiteux
L'auteur est professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal.


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