À quand la révolution?

Ni le président Obama ni les républicains n'envisagent une réforme fiscale pour une taxation plus équitable.

Élection présidentielle étasuniennes — 2012



À quelques mois de l'échéance de novembre, on ne pourra l'éviter, chaque allocution du président Obama s'inscrira dans sa stratégie de campagne et visera d'abord et avant tout sa réélection.
Ainsi en a-t-il été de son discours récent sur l'état de l'Union. D'abord rassembleur dans son hommage au courage et à l'unité des forces armées, il a par la suite insisté sur les idées fortes qui le différencient de ses adversaires républicains. Parmi ces idées, il y a son endossement de la règle Buffett, selon laquelle aucun millionnaire ne devrait payer moins d'impôt, en pourcentage de ses revenus, qu'un Américain appartenant à la classe moyenne. Le taux d'imposition minimal souhaité par Barack Obama est de 30%, soit moins que le taux d'imposition marginal de 35% s'appliquant aux salariés touchant plus de 379 500 dollars par année.
Aux yeux d'une majorité d'Américains, cette proposition apparaîtra sans doute raisonnable. Qu'y a-t-il en effet de «révolutionnaire» dans l'idée d'imposer les millionnaires à un taux inférieur au taux marginal maximal prévu par les lois fiscales du pays? Les économistes eux-mêmes seront d'accord, il n'y a vraiment rien de révolutionnaire dans cette proposition.
Mais justement, c'est peut-être d'une révolution fiscale dont auraient besoin les États-Unis et à l'heure actuelle, cette révolution n'est proposée ni par M. Obama, ni par ses opposants républicains. À quoi ressemblerait cette révolution?
D'abord, les États-Unis s'en remettent beaucoup trop à la taxation des revenus et bien trop peu à la taxation des dépenses pour financer leur gouvernement. Du point de vue de l'efficacité économique, taxer l'effort et le travail n'a jamais constitué l'idée du siècle. Il sera toujours mieux d'utiliser une taxe sur la valeur ajoutée (comme l'est notre TPS) et d'en redistribuer ensuite une partie aux plus démunis, dans un souci d'équité entre riches et pauvres. Une réforme de la fiscalité qui irait en ce sens, même de manière partielle, serait autant bénéfique que «révolutionnaire» dans le contexte spécifique des États-Unis.
Ensuite, dans la mesure réaliste où l'impôt sur le revenu continuera de représenter une part importante des recettes fiscales, il faudrait aussi se pencher sur la véritable source de son iniquité. Cette source n'est pas difficile à identifier. Il s'agit du traitement fiscal différent entre les salaires et les revenus d'investissements, dividendes et gains en capital en tête.
Aux États-Unis, si l'essentiel de vos revenus provient d'un salaire, vous pouvez payer jusqu'à 35% d'impôt, mais si l'essentiel de vos revenus provient plutôt de gains réalisés sur la vente d'actions et d'autres titres financiers, vous ne paierez que 15%. En somme, on taxe l'utilisation de votre capital humain bien davantage que l'utilisation de votre capital financier. Pourquoi devrait-il en être ainsi?
Les financiers vous diront avec raison que les profits des sociétés ont déjà été imposés et qu'en taxant les investisseurs qui reçoivent ces profits sous forme de dividendes et de gains en capital au même taux que celui des salariés, on s'adonnerait à une double taxation inéquitable et dommageable à l'investissement.
Les économistes connaissent pourtant la solution à ce problème. Ramenons l'impôt sur les profits des sociétés à zéro et imposons au même taux que les salaires les revenus provenant des dividendes et du gain en capital. Si on agissait ainsi, aucun millionnaire ne paierait proportionnellement moins d'impôt que sa secrétaire et l'économie américaine ferait un grand coup pour rétablir sa compétitivité.
Imaginez Barack Obama en campagne, défendant avec fougue autant l'équité que la compétitivité. On aurait envie de lui dire: Yes you can!
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Martin Coiteux
L'auteur est professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal.


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