Au diable la richesse!

Le PQ fonde beaucoup d'espoir sur un nouveau régime de redevances qu'il veut aussi gourmand, sinon plus gourmand, que celui de l'Australie. Or, le Québec n'est pas l'Australie. Les métaux y coûtent beaucoup plus cher à extraire.

Élection Québec 2012 - les souverainistes



Martin Coiteux - Professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal, l'auteur comment régulièrement l'actualité durant la campagne électorale.

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Le Parti québécois a pour ambition de faire du Québec province un Québec pays. Compte tenu des énormes défis que cela suppose pour une province endettée et abonnée chronique à la péréquation, on s'attendrait à ce que ce parti offre aux Québécois une stratégie solide en matière de développement économique.
Or, c'est au contraire exact d'une telle stratégie que l'on a droit en 2012. Derrière les habituels et prévisibles slogans d'affirmation nationale, on sent plus que jamais dans la plateforme du PQ l'expression d'un immense «au diable la richesse!». La richesse? En avons-nous seulement besoin?
Pour commencer, ces créateurs de richesse qu'une certaine croyance populaire aime imaginer «riches» de droit divin, le Parti québécois a l'intention de les taxer davantage. Pourtant, le Québec les taxe déjà plus que dans le reste du pays où ils sont proportionnellement plus nombreux. Peu importe. Deux nouveaux paliers d'imposition à taux plus élevés seront créés, et les dividendes ainsi que les gains en capitaux seront eux aussi taxés davantage.
Le résultat est prévisible. Les gens qui prennent des risques en lançant leur propre entreprise y penseront à deux fois avant de le faire, ou alors le feront ailleurs qu'au Québec. Ceux qui trouvent qu'ils travaillent déjà trop en échange de leur revenu de «riche» se paieront le «luxe» d'un peu plus de loisirs non taxable. La tarte à partager sera forcément plus petite, au détriment de l'ensemble des Québécois.
Le pire, c'est que cette volonté de taxer davantage les «riches» ne repose sur aucun diagnostic d'un problème de distribution des revenus au Québec. Au contraire, depuis 1976, il n'y a eu aucune croissance des inégalités de revenus après impôts et transferts. Le Parti québécois veut donc prendre le risque d'un rétrécissement de la tarte collective des revenus pour combattre un mal imaginaire. Qu'importe la réalité, c'est le symbole Occupy Wall Street qui compte. Au diable la richesse!
Les choses ne vont guère mieux en matière de redevances minières. Le PQ fonde beaucoup d'espoir sur un nouveau régime de redevances qu'il veut aussi gourmand, sinon plus gourmand, que celui de l'Australie. Or, le Québec n'est pas l'Australie. Les métaux y coûtent beaucoup plus cher à extraire et il faut souvent procéder à leur concentration. Ils coûtent aussi beaucoup plus cher à transporter vers la Chine. Le prix net de transport du fer exporté vers la Chine depuis le port de Sept-Îles a chuté de près de 45% depuis un an et rien ne laisse actuellement présager une remontée. Les prix actuels sont dangereusement proches des coûts marginaux, lesquels sont incommensurablement plus élevés qu'en Australie.
Ce n'est donc nullement exagéré que de dire que la politique de redevances préconisée par le PQ pourrait provoquer une forte diminution de l'investissement minier et coûter beaucoup d'emplois dans des régions comme la Côte-Nord et l'Abitibi. On peut toujours hausser le taux des redevances, mais si en définitive on extrait moins de minerai, les revenus chuteront au lieu d'augmenter. Qu'importent les faits, c'est le symbole nationaliste qui compte. Au diable la richesse!
Devant une attitude aussi cavalière vis-à-vis de la richesse, on ne sera pas surpris de voir le PQ préconiser des mesures coûteuses comme le gel des frais de garde ou celui des droits de scolarité universitaires. La perle des mesures coûteuses reste toutefois l'intention de rapatrier la caisse d'assurance emploi alors que nous en retirons actuellement de 600 à 800 millions de dollars de plus que nous y cotisons chaque année. Mais qu'importent les chiffres, c'est le geste de gouvernance souverainiste qui compte.
Pour le PQ en 2012, que vivent les symboles et au diable la richesse!


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