Si / Sortir de l’hiver de force

Pour combattre l’hiver de force politique bref, il faut que les souverainistes, tous partis confondus, soient majoritaires à Québec.

Élection Québec 2012 - les souverainistes


Sur l’immense promesse et la grande responsabilité psycho-politique du Parti québécois
Le défi du Parti québécois, s’il est élu, sera de redonner confiance aux citoyens. Sa mission sera d’abord psychologique avant d’être politique : sortir le Québec de l’hiver de force politique dans lequel il se trouve depuis le référendum de 1995. Il devra gouverner pour tous, mais d’abord et avant tout pour ceux qui l’ont élu, évidemment. Il faudra éviter de trahir les siens pour servir les intérêts des Québécois, qu’ils résident en région ou dans les grandes agglomérations. S’il est majoritaire, il devra mettre en place son programme, tandis que s’il est minoritaire, il devra négocier et diluer ses idées. Il devra donc faire, comme le veut la politique, de nombreux compromis, ce qui n’exclut pas de nouvelles élections.
La souveraineté politique
Si le Parti québécois est porté au pouvoir le 4 septembre, il devra faire de la souveraineté le centre de toutes ses politiques. Il ne sera pas tant question de la souveraineté politique que l’émergence d’une raison nationale qui ne renie pas le sentiment d’urgence. L’indépendance est toujours d’abord un état d’esprit avant d’être un cadre politique. Il faudra non pas seulement parler de souveraineté à l’occasion – le réflexe des minoritaires – , mais faire de la maturité politique la priorité de toutes les communications, toutes les actions, c’est-à-dire montrer à tous que l’indépendance demeure la raison d’être de ce gouvernement. Quand le Parti libéral du Québec gouverne la province, il utilise l’argent des citoyens pour « fédéraliser » tout ce qu’il touche. Pourquoi le Parti québécois, s’il est élu démocratiquement, ne pourra-t-il pas « nationaliser » tout ce qu’il touchera ? Parce que les gens sont fatigués ? Ils ne le seront pas si le projet est bien porté et ses avantages expliqués.
Faire de la politique autrement
Il devra aussi apprendre à faire de la politique autrement. Si l’hiver de force politique est à entendre comme l’expression du désengagement et du refroidissement des élites à l’égard du peuple, la chef du PQ devra se rapprocher de la population et lui offrir l’espace nécessaire à la discussion afin de lui redonner le pouvoir. La révolte des élites contre ceux qui votent doit cesser chez nous. La corruption devra disparaître de la politique, de l’économie mais aussi de la vie quotidienne des Québécois. Le Québec doit se comprendre, dans une mondialisation en crise, comme une famille politique. Il importe de mettre au point de nouvelles pratiques et de développer de nouvelles habitudes afin d’éviter la culture du « pauvre », c’est-à-dire le rituel de celui qui veut la privatisation des biens publics, le vol ou l’instrumentalisation de l’État. Le gouvernement s’assurera de limiter la tentation des « passagers clandestins » et prendra des moyens afin que plus de citoyens participent à la vie politique.
La protection de la langue française
Il devra s’assurer que la langue française ne recule plus au Québec. Non pas seulement en rafraîchissant la désuète Loi 101, mais en la renforçant et en la valorisant dans les écoles afin de s’assurer que le français soit en usage partout au Québec, y compris à Montréal, dans les institutions d’enseignement, le réseau de la santé, mais aussi dans les entreprises et les commerces. Il sera normal et non exceptionnel de bien parler français, que l’on soit des admirateurs ou non des Canadiens de Montréal ou de Simple Plan. Si le Parti libéral a gouverné presque une décennie en abandonnant le français à lui-même au nom du néolibéralisme et des intérêts de la fédération canadienne, le gouvernement péquiste aura la tâche insigne de gouverner en assurant, lui, de l’épanouissement du français partout, y compris dans les médias. En Suède, on parle suédois, en France on parle Français, disait jadis Pierre Bourgault, au Québec, il faudra parler français.
L’épanouissement des institutions francophones

Il devra protéger toutes les institutions francophones. Non pas seulement les protéger, mais les subventionner et les mettre de l’avant. Il faudra que l’argent des impôts retourne à la majorité. Face à des communautés, notamment la communauté anglophone, mais ce n’est pas la seule, qui a pris la liberté de vivre des « vies parallèles » à la majorité francophone, le Québec s’assurera de l’intégration de tous en valorisant les institutions publiques francophones, des mairies aux sociétés d’État, des hôpitaux aux CLSC, mais aussi des groupes de recherche aux groupes d’intervention communautaires. Si le Parti libéral n’a daigné agir dans le cas des « écoles passerelles » et des garderies privées, le Parti québécois s’assurera, lui, que les institutions servant à la majorité ne soient pas détournées par une minorité ayant des objectifs douteux, privés ou personnels.
Honorer la devise du Québec
Il devra honorer la devise du Québec en remettant l’Histoire dans les cursus scolaire au secondaire et au collégial. Non pas seulement en rappeler les dates historiques, investir à nouveau dans une fête nationale, mais en refondant les cours d’histoire nationale et en les rendant obligatoires. Il faudra que les étudiants voient que l’histoire des créoles de couleur n’est pas étrangère à l’histoire des Québécois et que le Québec n’est pas une anomalie dans l’histoire du monde. Il se dotera d’un hymne national et s’assurera que le drapeau ainsi que les lieux collectifs soient à nouveau défendus pour la majorité.
La réforme démocratique
Il devra aussi revoir la structure démocratique du Québec afin de s’assurer que tous les votes comptent. Il mettra de l’avant l’idée des élections à date fixe, limitera les cotisations aux partis politiques et réformera le mode de scrutin. Redonner un sens au mot démocratie en balisant les conditions de tout référendum, en faisant de la carte nationale un passeport pour voter, en limitant le travail d’influence des médias acteurs, en votant une loi afin que la publication de sondages soit interdite une semaine au moins avant toute élection, voilà bien quelques tâches décisives et urgentes d’un nouveau gouvernement du Parti québécois. Si le parti libéral s’est permis de modifier la carte électorale, le Parti québécois veillera à ce qu’un nouvel équilibre, à l’intérieur d’un État laïque et fort d’une constitution, soit assuré dans la représentation, question d’inclure les tiers partis qui alimentent toujours la vie politique.
La réforme médiatique
Il devra revoir la structure médiatique afin d’encadrer les grands joueurs de cette industrie, lesquels sont plus préoccupés par l’argent, l’idéologie politique et le divertissement que l’information. La tâche est ici énorme : il s’agira de s’assurer, contre la concentration de la presse, sa privatisation croissante et son service idéologique, que les Québécois soient correctement informés. On pourra à cette fin transformer le mandat de Télé-Québec afin d’en faire une chaîne d’information nationale. Si le Canada profite de la SRC, on voit mal pourquoi le Québec ne pourrait pas s’informer à une nouvelle Télé-Québec. On s’assurera que les radios respectent la langue de la majorité et que les médias qui possèdent une licence d’information, informe avant de divertir.
La protection de l’environnement
Il devra évidemment valoriser l’économie, mais sans oublier la protection de l’environnement. Ici aussi, le chantier est énorme car le Québec regorge de ressources, tandis que les manières d’en profiter ne sont pas toujours démocratiques et vertes. Si le Parti libéral a proposé le Plan Nord, un plan douteux parce que les entreprises, surtout étrangères, y sont invitées à développer les ressources minières et gazières au nord du 49e parallèle sans s’engager auprès de la population, une gouvernance souverainiste tiendra compte des besoins réels de ceux qui payent encore des impôts. Elle comprendra que les élites ne peuvent pas offrir les ressources des Québécois, comme l’eau, l’air, mais aussi l’or de son sous-sol, à de petits groupes d’investisseurs privés venus de l’étranger nous revendre nos propres ressources. Le Parti québécois, qui pourra ici s’inspirer de la Norvège et d’autres États européens, aura un Plan Bleu-Vert permettant, à partir de l’importance des redevances, d’enrichir la population sans détruire la nature. Combattre l’hiver de force, c’est donc aussi s’assurer que la population profite de ce qui lui appartient.
Pour combattre l’hiver de force politique bref, il faut que les souverainistes, tous partis confondus, soient majoritaires à Québec. Il faut qu’ils se comportent autrement. Si ce n’est pas le cas, on peut s’arrêter ici. Mais si c’est le cas, ils devront bien sûr s’entendent entre eux afin de former une « famille » politique unie, car c’est seulement à ce prix fort que la population leur donnera un mandat clair pour enfin faire du Québec un pays.

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Dominic Desroches115 articles

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Dominic Desroches est docteur en philosophie de l’Université de Montréal. Il a obtenu des bourses de la Freie Universität Berlin et de l’Albert-Ludwigs Universität de Freiburg (Allemagne) en 1998-1999. Il a fait ses études post-doctorales au Center for Etik og Ret à Copenhague (Danemark) en 2004. En plus d’avoir collaboré à plusieurs revues, il est l’auteur d’articles consacrés à Hamann, Herder, Kierkegaard, Wittgenstein et Lévinas. Il enseigne présentement au Département de philosophie du Collège Ahuntsic à Montréal.





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