La prime de départ d’Henri-Paul Rousseau fait couler beaucoup d’encre. Avec raison. Il est complètement aberrant que le gouvernement du Québec récompense un PDG qui écoute le chant des sirènes et abandonne son poste avant la fin de son mandat. D’autant qu’à près de 380 000$, il ne s’agit pas une bagatelle !
La commotion est d’autant plus grande que cette «récompense» revient à l’ancien président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Jamais un président de la Caisse n’avait quitté l’institution financière avant la fin de son mandat. À son départ, les nuages noirs s’amoncelaient déjà à l’horizon.
Lorsque Henri-Paul Rousseau a annoncé sa démission, à la fin mai, la crise du papier commercial n’avait pas vraiment égratigné ce dirigeant, qui avait magistralement défendu son administration devant les parlementaires à l’Assemblée nationale.
Henri-Paul Rousseau passait même pour un sauveur. Il a remué ciel et terre pour négocier une trêve et prévenir une vente de feu de ce papier commercial contaminé. Cet aboutissement aurait été une véritable catastrophe pour la Caisse, qui détient pour 12,6 milliards de dollars de ce papier.
Mais depuis, un certain malaise s’est installé. La Caisse a finalement admis, à la fin d’un communiqué de presse émis le 24 décembre – ce qui est ô combien révélateur – que l’institution financière devra radier une somme beaucoup plus importante qu’elle ne le prévoyait. De combien précisément, on l’ignore encore. Mais jusqu’ici, la Caisse a seulement fait une croix sur 15% de son investissement, soit moitié moins que les autres institutions financières touchées.
Ce n’est pas la seule nouvelle troublante qui sort de la Caisse dans la confusion. Il y a ces opérations de couverture liées au dollar canadien, en relation avec des investissements immobiliers à l’étranger, qui ont tourné au vinaigre. Et il y a eu l’échec du rachat de BCE, sur lequel la Caisse semble avoir lourdement misé. Ainsi, sous la gouverne d’Henri-Paul Rousseau, la Caisse paraît avoir investi ses fonds avec une certaine témérité.
Peu après l’arrivée d’Henri-Paul Rousseau, la Caisse s’est hissée parmi les premiers de classe chez les grands gestionnaires de fonds. Mais, alors que les régimes de retraite se préparent à connaître leur pire année à vie, le Caisse semble destinée à être recalée chez les cancres. Voilà pourquoi la prime de départ d’Henri-Paul Rousseau dérange autant.
Mais, quel que soit le bilan que l’on tire des années Rousseau, le problème ne réside pas avec ce dirigeant. Surtout qu’Henri-Paul Rousseau n’est pas le seul président de société d’État qui bénéficie d’une pareille clause. Le PDG d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, le PDG de la Société générale de Financement, Pierre Shedleur, et le président de la SAQ, Philippe Duval, ont tous droit à une indemnité s’ils abandonnent leur poste de plein gré.
Le problème tient au fait que le gouvernement du Québec ait consenti à une pareille prime de départ qui bafoue tous les principes de la bonne régie d’entreprise en rémunération. Depuis quand dédommage-t-on un patron qui démissionne ou qui part à la retraite ?
C’est le gouvernement péquiste de Bernard Landry qui a paraphé le contrat d’embauche d’Henri-Paul Rousseau en 2002. Et c’est le gouvernement libéral de Jean Charest qui a reconduit cette entente en 2006, avec sensiblement la même prime à la fuite.
Pour se justifier, le gouvernement fait aujourd’hui valoir que cette prime est seulement offerte aux PDG des sociétés commerciales afin que leur rémunération soit concurrentielle avec celle offerte par le secteur privé. «C’est le prix à payer pour attirer des gens compétents», a expliqué Marie Claire Ouellet, porte-parole du gouvernement, à mon collègue Francis Vailles.
L’argument résiste mal à l’analyse dans le cas de Henri-Paul Rousseau, qui a touché l,8 million de dollars en 2007, avec ses différentes primes au rendement. Ainsi, le gouvernement avait déjà redressé la barre en 2006 en ajustant la rémunération globale du grand patron de la Caisse pour qu’elle rejoigne en grande partie celle de ses pairs.
Cette prime à la fuite n’est autre chose qu’une façon de rémunérer les PDG de sociétés d’État en catimini.
Cette prime rappelle le temps où Québec ne payait pas les administrateurs de ses sociétés d’État. C’est ce qui avait donné lieu à des cadeaux de toutes sortes comme le remboursement des achats de vins et de spiritueux pour les administrateurs de la Société des alcools du Québec, jusqu’à concurrence de 2000$ par année.
Québec a heureusement mis fin à cette pratique en modernisant les conseils d’administration de ses sociétés d’État en 2006.
Si le gouvernement souhaite mieux rétribuer les PDG de ses sociétés d’État, ce qui peut parfaitement se justifier, qu’il le fasse en toute franchise. Les Québécois ne goûtent pas particulièrement les tours de passe-passe.
Photo Robert Mailloux, La Presse.
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